Samuel Eto’o, le roman d’un buteur

La vie n'a pas été un long fleuve tranquille pour l'attaquant camerounais du FC Barcelone. - -
Et dire que Samuel Eto’o aurait pu faire les beaux jours d’un club français et peut-être de la sélection bleue ! Le destin tricolore du gamin de Nkon n’a pas tenu à grand-chose. A un visa et à quelques papiers officiels. En 1994, alors qu’il n’a que treize ans, la star du Barça se rend en France dans le cadre d’un stage organisé par Joseph-Antoine Bell. L’ancien portier de l’OM invite la sélection des cadets du Cameroun à se mêler à de jeunes Français pendant trois semaines. Une sélection officieuse puisqu’aucune équipe nationale de jeunes n’existe à cette époque.C’est grâce au financement et à l’encadrement des Brasseries du Cameroun que ce séjour dans le Vaucluse est possible. L’opération baptisée « Grand frère, petit frère » fait un malheur. Et le petit Samuel n’y est pas pour rien. « Le village de Châteauneuf de Gadagne se rappellera très longtemps de ces trois semaines, s’amuse Fabrice Lançon, l’un des organisateurs de ces rencontres. Il y avait les entraînements le jour, et la nuit, les jeunes venaient apprendre le soukouss et le makossa avant d’aller s’entraîner. » Sur le terrain, Samuel Eto’o épate les observateurs. Joseph-Antoine Bell se souvient que son équipe avait eu beaucoup de mal à venir à bout des jeunes Camerounais dans la traditionnelle rencontre face aux éducateurs. Egalement convié à ce tournoi avec les juniors d’Avignon, Laurent Paganelli se souvient d’ « une réelle force de caractère chez ce joueur ». « Nous avions une équipe championne de la région et nous avions pris une fois six buts et une fois cinq buts. Eto’o a dû marquer six fois sur les deux rencontres. » D’ailleurs, l’ancien joueur stéphanois, qui continue aujourd’hui de le côtoyer sur tous les terrains d’Europe comme consultant de Canal Plus, considère qu’il « n’a pas changé ». « C’est le même joueur, avec la même froideur et la même distance. Et puis surtout, quel talent ! »
Mais à l’heure de retourner au pays, le jeune homme se réfugie chez sa sœur. Sans papier, il tente sa chance au Havre où il ne reste que quelques jours. Il ne peut même pas participer à une journée de détection organisée par le PSG. Et là son destin bascule. « Sa mère m’a dit bien plus tard qu’elle lui avait demandé de rentrer au Cameroun, raconte Bell. Il ne pourrait repartir qu’à condition de trouver un projet viable. » Après un passage à l’académie Kadji et quelques rencontres en D2 camerounaise avec l’UCB, un coup du sort fait basculer son destin. Des émissaires du Real Madrid doivent superviser un espoir de l’ASEC Abidjan : Bonaventure Kalou. Mais suite à une erreur de billet d’avion, les voilà à Douala, au Cameroun. Ils en profitent pour assister à quelques matches de jeunes et tombent sous le charme de Samuel Eto’o. A 15 ans, le petit Camerounais bouclent de nouveau ses valises, direction l’Espagne !
Le club merengue ne lui fera jamais confiance. Deux prêts à Leganes et au Real Majorque - qu’il rejoint définitivement en 2000 pour 7,2M€ et qu’il retrouve ce samedi - condamnent une histoire d’amour mort-née. « Mon histoire avec le Real, c’est un peu celle d’un homme qui montre à une femme qu’il l’aime. Cette femme lui tourne le dos, et le jour où l’homme décide d’aller voir ailleurs, la femme lui court après et prétend l’aimer », plaisante à peine l’intéressé qui gardera une profonde rancœur comme en témoigne les propos tenus dans un Camp Nou en délire au soir du titre 2005 contre son ancien club : « Madrid, salaud, salue le champion ! » L’intéressé s’en défend. « Je n’en veux pas à tous les gens du Real Madrid, tempère le joueur. Quelqu’un (ndlr, Florentino Pérez) a pris la décision de recruter les Galacticos, mais le football n’est pas une science exacte. On ne peut pas se contenter d’empiler les vedettes. »
A 28 ans, « Sam » totalise 160 buts Liga, faisant de lui le deuxième joueur en activité le plus prolifique du championnat espagnol après le Madrilène Raul et ses 223 buts. Cette saison, il en est à 28 réalisations. Alors que sa place est tour à tour menacée par Ronaldinho, Messi, Henry ou Bojan, il continue de briller sur le front de l’attaque. En fin de contrat en 2010, on l’annonce plusieurs fois sur le départ. Et pourtant, il est toujours là. Dans le vestiaire, c’est lui le patron. Lui qui négocie les primes et qui s’entretient directement avec l’entraîneur sur les stratégies à opérer. « Sam, c’est un mec autoritaire et qui aime le pouvoir, avoue son copain de la sélection camerounaise, Jean II Makoun. C’est un vrai et grand leader. Il a un tel charisme. Il n’y a aucun entraînement ou un match sans que Sam n’intervienne ou qu’il nous parle. Il a ça en lui. On ne pourra pas le changer Ce qui est bien chez lui, c’est qu’il ne mâche pas ses mots. Quand il a quelque chose à dire, il le dit. Quitte à ce que cela rendent des gens jaloux ou que cela ne plaise pas. » Si le Real ne gagne pas samedi soir à Villarreal, le Barça sera officiellement champion de Liga dimanche. Une nouvelle ligne à mettre dans le roman du buteur Eto’o.