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Diouf : « La situation de l'OM me mortifie »

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EXCLU RMC SPORT. Avant le double choc contre le PSG, Pape Diouf, l’ancien président marseillais, regrette l'absence d'enthousiasme et d'ambition à l'OM, pointe du doigt le manque de charisme de Vincent Labrune et reconnaît ne pas être séduit par le projet parisien.

Ibrahimovic, Beckham, la Ligue des champions... L'OM semble vivre pour la première fois dans l'ombre du PSG. Est-ce logique ou cela vous attriste-t-il ?

C’est toujours un peu agaçant que les PSG-OM soient devenus une histoire de PSG et de Qataris. Ce parisianisme m’agace quelque peu parce que je crois que ce qui est le plus attristant, c’est le manque d’enthousiasme. J’ai l’impression que face à Paris, on ne peut occuper que la deuxième place, que nous n’avons pas grand-chose à dire ni à proposer. Or l’OM reste le club le plus soutenu, celui qui a le plus grand nombre de partisans. Alors le fait de le voir relégué à la case « anonymat », pour moi qui était président (2005-2009), cela me mortifie.

Les dirigeants marseillais assurent que le PSG est désormais intouchable. L'OM manque-t-il d'ambition ?

Que Paris soit le favori de la compétition avec les moyens qui sont les siens, ça me paraît tout à fait logique. En tant que club, l’Olympique de Marseille, ne jouera que deux fois les Parisiens dans la saison en championnat. En admettant que Paris dicte sa loi chez lui, on peut penser que nous pouvons en faire autant et pourquoi ne pas obtenir un résultat positif, au pire un match nul. C’est à Marseille de se doter de moyens normaux pour réussir son championnat et d’aller gagner n’importe où en France et de gagner contre n’importe qui à Marseille afin de réduire au strict minimum l’écart avec Paris. Déclarer en début de saison que l’objectif du club est la 5e place, ça me paraît un peu déplacé. On doit se donner les moyens de faire mieux que tout le monde sauf le Paris Saint-Germain, car on connaît sa particularité. Ne jamais oublier qu’en matière d’image, il m’étonnerait fort que Paris prenne le leadership sur Marseille. Sauf si certains s’ingénient aujourd’hui à tout faire pour délabrer cette image-là.

Mais la suprématie du PSG va forcément s'accentuer d'année en année, non ?

On se contente de dire dans le club qu’on n’a plus les moyens, alors que les moyens ont existé. On ne peut pas revendiquer des moyens comme le PSG parce que nous n’avons pas de Qatariens qui sortent un chéquier illimité, mais il n’en reste pas moins que l’OM reste une marque. Marseille peut faire des recrutements de qualité, et pas des joueurs de seconde zone comme je le vois parfois. C’est aussi affirmer son identité avent ces matches-là, ce qu’on ne voit plus trop. PSG-OM, c’est aussi le match des petites phrases qui nourrissent, non pas la haine, mais une passion, une vraie rivalité, qui fait défaut. 

« Quand on a la prétention de diriger l'OM, on ne peut pas se camoufler »

Vous pointez du doigt un manque de passion et d'enthousiasme. Est-ce que Vincent Labrune défend l'institution OM comme il se doit ?

J’ai toujours refusé de faire des comparaisons entre la gouvernance actuelle et la mienne. J’ai pris des décisions à l’époque, sur des critères qui n’étaient connus que de moi-même et de mon entourage. Maintenant que je ne suis plus en place, je ne vais pas me risquer à critiquer mes successeurs. Ceci dit, quand on dirige l’Olympique de Marseille, on ne peut pas, comme j’ai entendu l’actuel président le dire, se prévaloir de vouloir être un président à l’anglaise, c’est-à-dire un président dont on ne connaitrait même pas le nom. Quand on dirige l’Olympique de Marseille, on ne peut pas se camoufler derrière ce genre d’explications qui ne me paraissent pas recevables. Quand on est président de l’OM, on doit faire face, on doit donner l’impulsion, on doit faire sentir à toute la France, et même au-delà, que l’OM existe et que l’OM n’est pas un simple petit club. En France, c’est Le club, avec un « L » majuscule.

La seule solution serait-elle selon vous un rachat de l'OM, pour lutter contre le PSG et suivre son modèle ?

C’est une solution, mais est-ce la seule ? Je ne pense pas. J’ai une forme de gêne quand je vois ce qu’il se passe au PSG. On amène beaucoup d’argent, on dit bâtir un club, et on gagne. Ces sommes englouties, mieux utilisées, auraient pu être réduites. Sur le marché des transferts, il y a eu des dépenses énormes, parfois en dépit du bon sens. Est-ce-que l’OM demain peut profiter des largesses d’un investisseur, pourquoi pas ? Mais j’ai la conviction qu’en France, un club peut être construit de manière cohérente et homogène tout en obtenant des résultats et sans être un club de milliardaire qatari. Le football ne doit pas être qu’une affaire d’investisseurs, d’achats et de rachats. Si on en arrive là, c’est qu’on aura piétiné tous les principes qui ont gouverné la possibilité de parler de football, de passion. Si on veut faire du football rien qu’un produit, pourquoi pas, mais ce football n’est pas celui que j’aime.

Un dernier mot sur la venue de David Beckham au PSG. Coup marketing ou renfort sportif ?

Bien sûr que c’est une affaire de marketing ! Qu’on ne vienne pas me dire que c’est le volet sportif qui a intéressé le PSG à 100%, ne prenons pas les gens pour ce qu’ils ne sont pas. Qu’on me parle de ses centres, ses coup-francs etc…, je veux bien, mais c’est avant tout un produit marketing. Pourquoi ne pas dire simplement que l’on veut Beckham à Paris pour l’internationalisation du club.

Entretien réalisé par Florent Germain