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Kita en fusion, Oughourlian en sniper, DAZN et son "produit de daube"... Les nouvelles révélations sur une réunion houleuse entre présidents de Ligue 1

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Dans "l'After Foot", ce lundi sur RMC, le réalisateur du numéro de "Complément d'Enquête" sur le PSG, Fabien Touati, a partagé un long extrait de la dernière réunion houleuse du collège de Ligue 1, organisée le 14 février 2025. Ce point en visioconférence entre présidents de clubs s'est déroulé en pleine période de turbulences sur le non-paiement de la dernière échéance de DAZN. Droits TV, plan B et un Waldemar Kita en meneur de fronde sont au cœur des discussions entre les patrons de l'élite.

Sept mois jour pour jour après les échanges musclés et depuis largement documentés du 14 juillet, mettant notamment aux prises le "cowboy" John Textor et Nasser Al-Khelaïfi, c'est une autre réunion houleuse à laquelle ont pris part les dirigeants du football professionnel français.

Le 14 février 2025, en pleine crise des droits TV avec DAZN, les présidents de clubs ont de nouveau échangé, en visio, dans le cadre du collège de Ligue 1. Un document dévoilé ce lundi dans l'After Foot sur RMC par le réalisateur de Complément d'enquête, Fabien Touati.

Waldemar Kita: "On est en train de nous conduire à un suicide collectif"

Dans cet échange de plusieurs dizaines de minutes, un homme se montre particulièrement véhément: le président du FC Nantes, Waldemar Kita. Lors de la réunion du 14 juillet 2024, déjà dévoilée par nos confrères de Complément d'Enquête, le patron des Canaris avait été moins actif. Sept mois plus tard, il est beaucoup plus visible. Et audible.

"Je ne suis pas du tout content de la façon dont les choses se passent. Je ne suis pas du tout content de la façon dont tu nous expliques, Jean-Pierre (Caillot, NDLR) comment on va être payés", débute le patron du FCN. Et d’ajouter: "On en a ras-le-bol d’entendre tout ça. (…) Aujourd’hui, on ne sait pas où on en est au niveau des finances. Jean-Pierre, c’est bien gentil, tu es le représentant des présidents du collège de Ligue 1, mais aujourd’hui je ne vois pas quelle est la philosophie de la Ligue."

À cette première attaque du président de Nantes, Jean-Pierre Caillot, l'homme fort de Reims, va laisser un long moment de silence avant de simplement rétorquer: "Euh ouais, bon, pffffff…" Une non-réponse qui ne va pas satisfaire Kita. "Mais tout le monde est fatigué, Jean-Pierre. Il n’y a pas que toi qui es fatigué. Tu as un rôle, remplis-le. C’est tout. On te demande des explications. On ne t’emmerde pas depuis des mois", explique le dirigeant franco-polonais, qui met notamment en avant ses investissements dans le FC Nantes depuis plusieurs années.

Après ces premiers échanges, la situation va lourdement se tendre entre Jean-Pierre Caillot et Waldemar Kita. "On est en train de nous conduire à un suicide collectif. Voilà ce que je suis en train de te dire. Et personne ne bouge, personne ne bouge", constate le président du FC Nantes. Avant une première intervention de Nasser Al-Khelaïfi. Bien plus en retrait que lors de la fameuse réunion du 14 juillet, le patron du PSG demande juste du "calme" afin de "régler le problème". "Ah non, non, mais Nasser, il n’y a pas à se calmer, moi je mets mon propre argent. Tu comprends ça?", ajoute Waldemar Kita. Ce dernier se demande à plusieurs reprises: "Pourquoi c’est toujours le bordel?"

Jean-Michel Roussier: "DAZN, ils ont fait de la merde depuis le début"

"Si on n’a pas de plan B, on est mort". Le constat du président du FC Nantes est franc. "Depuis le départ, ce contrat c’est de la merde", ajoute-t-il. Le plan B, une chose très peu évoquée par les présidents de Ligue 1 depuis plusieurs mois. Jean-Michel Roussier, président du Havre, profite d'ailleurs de ce rendez-vous pour demander des comptes à ceux qu’il surnomme les "Happy Few" (ceux qui ont les informations, NDLR). Mais Arnaud Rouger, directeur général de la LFP, ne veut pas évoquer de plan alternatif lors de cette réunion. Pour le représentant de la Ligue, il serait ainsi "mortifère" d'évoquer cette option.

Les présidents évoquent ensuite le produit proposé par DAZN depuis le début de saison. Le représentant de la LFP, Arnaud Rouger, confirme l'existence d'une clause qui empêche la discussion avec d'autres diffuseurs avant l'échéance de décembre. La plateforme britannique est en tout cas lourdement critiquée par les présidents des différentes écuries de Ligue 1. "On sait que ce plan DAZN est quasiment mort aujourd'hui", observe le Niçois Jean-Pierre Rivère. D'autres présidents demanderont ensuite d'être inclus dans les négociations pour le futur plan B.

"DAZN, pourquoi c’est au tribunal? Parce qu’ils ont fait de la merde depuis le début. Et ils continuent d’en faire. Ils se sont gourés sur leur business plan. Ce sont les seuls au monde qui imaginaient faire 1,5 million d’abonnés avec le produit de daube qu’ils nous livrent", estime Jean-Michel Roussier devant les autres présidents réunis en visio.

Ce n’est pas le seul patron d’un club de Ligue 1 qui se montre très critique avec le traitement du championnat par le diffuseur anglais. "On doit se bagarrer dans un premier temps pour que DAZN paie cette échéance et l’échéance qui suit", ajoute Jean-Pierre Rivère. "Il est hors de question que l’on fasse des remises à DAZN". Plus tard dans cette réunion, Olivier Létang, président de Lille, sera très ferme sur la qualité du produit fournit par DAZN. "La façon de procéder de DAZN est quand même très, très moyenne. Je suis d’accord que l’on ne peut pas garder un partenaire comme celui-là qui a un produit qui est catastrophique. Et donc il faut se préparer...", estime le patron des Dogues.

Joseph Oughourlian: "On est quand même sur un sacré exemple de bêtise collective"

Vient ensuite le moment fort de cette réunion: une analyse très longue de la situation effectuée par le patron du RC Lens, Joseph Oughourlian. Comme son homologue du FC Nantes, le président artésien tient des propos très critiques à l’encontre de plusieurs acteurs du dossier. "Lorsque le deal avec DAZN a été signé, un certain nombre de présidents, on s’est tout de suite rendu compte que ce deal ne faisait pas de sens. Et qu’on allait à la catastrophe. Et à l’époque on avait demandé, dans mon cas supplié, les gens de la LFP de travailler sur un plan B. Mais je pense honnêtement, avec ce qui vient de se passer, qu’on est dans le plan B", estime Oughourlian. Et d’enchaîner: "On est dans le plan B, les amis. Vous voulez attendre quoi, novembre? Et vous vous retrouverez dans la même situation qu'en juillet dernier. Il faut penser au plan B rapidement."

Viennent alors ses critiques sur la gouvernance de la Ligue de football professionnel. "Tout le monde se plaint d’un manque d’information, tout le monde se plaint d’un manque de gouvernance. Tout le monde sait qu’il y a une petite clique, dont tu fais partie Jean-Pierre (Caillot, NDLR) qui, disons-le, contrôle l’information, contrôle la gouvernance. Cette petite clique, si elle était éclairée, et si elle avait pris les bonnes décisions, si on était dans une autre situation, on serait tous là à vous applaudir. À l’évidence, ça n’a pas été le cas", constate très froidement Joseph Oughourlian, qui parle de "décisions catastrophiques" prises depuis un an. Pour en remettre une couche: "On parle souvent d’intelligence collective mais dans notre cas, excusez-moi messieurs, on est quand même sur un sacré exemple de bêtise collective. (…) Il y a des gens qui apprennent des erreurs des autres, il y a des gens qui apprennent de leurs erreurs. Nous, on l'a refait deux, trois fois… Parce que là, vous avez bousillé le produit. Mais bousillé. Là, c’est 10 ans qu’on a devant nous pour revenir aux chiffres d’Amazon (Prime Video, NDLR)."

"400.000 ou 500.000 abonnés, ça valorise nos droits de 150 à 200 millions d'euros", estime Oughourlian

Joseph Oughourlian poursuit sa démonstration devant tous les présidents de Ligue 1. "Pour que ce soit clair, 400.000 ou 500.000 abonnés, ça valorise nos droits de 150 à 200 millions d'euros. Pour que ce soit clair pour tout le monde: c’est à peu près ça, la valeur de nos droits aujourd’hui. Ok? Donc quand les prochaines négos commenceront, avec Canal+, avec DAZN, avec je ne sais pas qui… On est à 150-200 millions. Grâce aux décisions de notre petite clique éclairée qui derrière a convaincu le collège Ligue 1. Voilà où on en est", ajoute-t-il, tout en demandant... une remise à plat du principe de répartitions des droits TV.

"Je ne suis pas là pour refaire l’histoire", estime le président du RC Lens dans sa tirade. "Je pense que les gens qui ont poussé pour la solution DAZN à la dernière minute, sans regarder l’offre commerciale, devraient être un peu humbles sur ce call. Un peu plus humbles. (…) Aujourd’hui on a 400.000 abonnés, on était à 1,2 million sur Amazon, et on était à 3 millions sur Canal+."

"400.000 abonnés, c’est minable dans un pays de 65 millions d’habitants. Vous vous rendez compte? Vous vous rendez compte, pour revenir même au million, l’effort qu’il faudra faire? Et ce travail, personne ne va le faire pour nous. Il faut se retrousser les manches avec toutes les forces vives, si tant est qu’il y en a..."

Joseph Oughourlian, toujours: "A 400.000 abonnés, faites les maths… Je ne sais pas quoi dire devant l’étendue des dégâts. C’est difficilement compréhensible ce qui a été voté. DAZN, la clause de deux ans... C’est intellectuellement compliqué à comprendre."

Le président du RC Lens remettra ensuite en cause la gestion de la LFP. "Moi je pense qu’aujourd’hui, le management de la Ligue, Vincent Labrune en particulier, le management du Collège, Jean-Pierre Caillot, ont une responsabilité très importante dans ce putain de désastre qui est le nôtre. Dans ce putain de désastre qui est le nôtre! Qui me laisse pantois. J’aimerais bien que ces gens-là prennent leurs responsabilités mais c’est beaucoup trop leur demander. Je vous en supplie, parce que c’est mon fric perso que je mets dans le club, je vous en supplie: travaillez à un plan B avec des gens compétents."

Nicolas Pelletier et l'After Foot