Larqué : "Les statistiques, ça me gonfle"

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« On a beaucoup parlé de la méthode Bielsa ces derniers temps. Au-delà des questions de méthode, il y a quelque chose qui m’interpelle, ce sont ces séances vidéos qui n’en finissent pas, interrompent les jeux et les mises en place. Je dois avouer humblement que je ne suis pas de la génération informatique et statistique. Je ne suis pas non plus de la génération Gutenberg, mais je trouve qu’il y en a un peu ras-le-pompon. D’une manière générale les entraineurs, leurs adjoints mais aussi parfois les spécialistes veulent tout expliquer au travers de la vidéo, y compris l’inexplicable. Et l’affectif, l’humain, l’inspiration, la qualité technique et le talent, on s’en fout complètement ! On explique aux joueurs : "Voilà messieurs, vous comprenez, là vous avez manqué un contrôle, vous avez manqué une frappe, vous avez manqué un appel de balle… On arrête et on va vous montrer comment on fait." Et ça me gonfle. Honnêtement, ce n’est pas possible.
Tu as des émissions de foot où on t’explique tout sur ce qu’il faut faire. On te dit : "Voilà, il y a un but parce qu’ils ont fait ci et ils ont fait ça." Moi, je prends le problème à l’envers. Puisque vous savez comment marquer un but maintenant, vous allez entrainer une équipe, leur montrer au tableau noir et vous allez leur dire : "A chaque fois, vous allez faire ça pour marquer un but." Je n’ai jamais perdu un match au tableau noir. Jamais. On te parle d’organisation défensive mais on ne te parle jamais de la qualité technique du joueur. Sur une transversale de 40 mètres, même si tu vois ce qu’il faut faire, tu n’y arriveras jamais si ta frappe de balle t’emmène à 20 mètres…
« Une dérive totale »
J’ai le sentiment que, de temps en temps, il faudrait oublier les statistiques, la vidéo, les explications de tout bord et se consacrer à améliorer les joueurs sur le plan technique. Je suis abasourdi quand je vois maintenant les assistants dans les matchs de rugby. Tu as une batterie et tu les vois assis dans les tribunes, avec leurs ordinateurs. Mais ça n’a jamais changé le cours d’un match. Tu peux mettre une batterie d’ordinateurs pour le prochain match entre l’Angleterre et la France, c’est l’équipe qui aura le plus d’adresse, d’inspiration et d’engagement qui gagnera. Et ça, ce sont des qualités humaines, pas celles d’un ordinateur.
L’art de la pédagogie, c’est la continuité, pas le bachotage. On ne peut pas dire d’une méthode est bonne si elle s’essouffle au bout de six mois. Au bout de six mois, les gars te disent : "La vidéo c’est bien, mais j’ai raté ce geste alors montrez-moi ou expliquez-moi sur le terrain pour que je sois meilleur techniquement." Je suis plus sensible à ça qu’au reste. Je pense que c’est une dérive totale et que tout le monde s’en empare. Il y en a trop. »