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"Nous n’avons jamais été confrontés à une telle instrumentalisation du football": l'ANS fustige la communication du ministre des Sports

Le ministre des Sports Gil Avérous, le 9 novembre 2024

Le ministre des Sports Gil Avérous, le 9 novembre 2024 - Emma da Silva/Icon Sport

Ce lundi, RMC Sport expliquait la poursuite de la colère dans les tribunes de Ligue 1 et de Ligue 2. Elle s'amplifie de jour en jour. Après un week-end marqué par des banderoles dans plusieurs enceintes des championnats professionnels, l'Association nationale des supporters (ANS) a fait parvenir un courrier au nouveau ministre des Sports, Gil Avérous. La colère ne retombe pas.

L'Association nationale des supporters a adressé un courrier ce lundi soir au nouveau ministre des Sports, Gil Avérous. Dès le début de cette lettre, l'ANS tacle le successeur d'Amélie Oudéa-Castéra. "Depuis votre prise de fonction, vous n’avez jamais cherché à échanger directement avec notre association et ne vous êtes jamais impliqué dans les travaux de l’instance nationale du supportérisme. Pourtant, dans le même temps, vous avez multiplié les prises de parole politiques et médiatiques 'sur le dos' du football et de ses supporters", tacle l'ANS. 

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La photo avec Vincent Labrune au ministère ne passe pas

Dans ces six pages, dont RMC Sport a pris connaissance, l'Association pointe du doigt le "mépris" de tous "les travaux de l’instance nationale du supportérisme et de ses membres sur le sujet, vous avez offert à des chants injurieux une caisse de résonance nationale contreproductive".

Et de poursuivre: "Pire, alors que l’instance nationale du supportérisme travaillait sur le sujet, dans les locaux du ministère, vous avez préféré rester dans votre bureau pour accueillir, devant les photographes et avec le sourire, le président de la LFP alors même que le Sénat publiait un rapport effarant sur la gouvernance de la LFP et que le Parquet engageait une procédure pénale contre la LFP et son président. Quelques jours avant de perquisitionner les bureaux et le domicile du président de la LFP."

Ces derniers mois, sous la direction de l'ancienne ministre des Sports, le dialogue était plutôt régulier entre l'ANS, les différentes parties prenantes et le ministère. Ce n'est plus le cas. La réunion, vendredi dernier, entre les différentes autorités reste en travers de la gorge des dirigeants de l'Association nationale des supporters. "Une réunion extraordinaire, extrêmement médiatisée et rassemblant les huiles de la police, de la gendarmerie, du gouvernement et des instances sportives a été organisée en grandes pompes. Cette mise en scène trahit trois hypothèses, dont aucune n’est satisfaisante", complète le courrier.

Avec trois hypothèses expliquées comme: "Soit il s’est agi d’exploiter la médiatisation du football pour mettre en scène l’image d’un gouvernement autoritaire"; "soit il s’est agi de donner des gages à des syndicats policiers dont on sait l’influence au ministère de l’Intérieur et dont on comprend qu’ils s’agacent à juste titre de voir autant de forces de l’ordre mobilisées le week-end pour les rencontres de football"; "soit il s’agit en réalité tout simplement d’une méconnaissance totale de la part du gouvernement de la question". 

Des "menaces graves et illégales à l’encontre de l’État de droit"

L'ANS explique qu'au cours de cette réunion "des menaces graves et illégales à l’encontre de l’État de droit ont été proférées". Et de poursuivre: "Il a ainsi été demandé aux autorités préfectorales de prendre davantage d’interdictions administratives de stade pour réprimer les comportements individuels". L'ANS s'attaque ensuite à la communication du ministre des Sports. "Vous décidez dans votre communiqué qu’'un tifo à caractère politique […] n’a pas sa place dans une enceinte sportive'. Cette affirmation méconnaît les principes fondamentaux de notre État de droit". Avant de revenir sur la légende du tifo déployé par le CUP, lors du match de Ligue des champions PSG-Atlético. 

"Nous n’osons croire que l’objectif serait d’interdire aux supporters d’exprimer un regard critique sur les pratiques mercantiles de Bein Sports, sur l’instrumentalisation du football français par un état étranger ou sur l’arrivée des fonds d’investissements et de la multipropriété dans le football français", poursuit le document. Et d'enchaîner: "Depuis dix ans que nous travaillons avec les ministères et les instances sportives, nous n’avons jamais été confrontés à une telle instrumentalisation du football et de ses tribunes à des fins de communication politique. Cette doctrine s’oppose frontalement au dialogue qui préside depuis dix ans en la matière et fragilise une relation de confiance construite par le travail et dans la durée avec les services ministériels."

"Nous vous demandons de placer d’urgence le dialogue préalable et l’intérêt général avant les prises de parole précipitées, creuses et martiales", martèle l'ANS. Avant de conclure: "Par le présent recours gracieux, nous vous demandons de retirer, sans délai, votre communiqué de presse du 8 novembre 2024. (...) À défaut, nous solliciterons notre avocat afin qu’il soumette la légalité de cette censure de la liberté d’expression des supporters au contrôle du juge administratif".

Nicolas Pelletier