Obraniak, Trémoulinas, Monaco : les vérités de Triaud

Jean-Louis Triaud - -
Jean-Louis Triaud, les Girondins de Bordeaux se sont-ils affaiblis en vendant Ludovic Obraniak au Werder Brême le dernier jour du mercato ?
Si Ludovic Obraniak est parti, c’est qu’on n’a pas pensé s’affaiblir réellement. D’ailleurs, on a proposé une recrue potentielle à l’entraîneur, qui a examiné notre point de vue et qui nous a dit : « Non, j’aime autant rester tel qu’on est. Pas la peine d’envoyer des messages négatifs aux joueurs qui sont appelés à jouer en faisant venir quelqu’un à cette période de l’année. » Il nous reste 24 pros dans le vestiaire pour maintenant 15 matchs. L’effectif est assez complet pour faire face.
En janvier 2013 et l'été dernier, Ludovic Obraniak aurait reçu des propositions du Zenith Saint-Pétersbourg et le club aurait refusé ce départ. Pourquoi l'avoir accepté quelques mois plus tard ?
Je n’ai jamais vu de proposition de Russie, ni d’ailleurs, concernant Ludovic Obraniak. On en a eu une à 100 millions d’euros, pour la Laponie, mais on a refusé… Non, il faut arrêter de dire des conneries. On n’a jamais eu la moindre proposition pour Ludovic Obraniak. Parce qu’à 10 millions, je peux vous dire que je l’aurais emmené en vélo en Russie. Je vais voir si je n’ai pas égaré le fax dans un coin du bureau. (Rires) Tout ça, c’est le baratin habituel qu’on lit dans la presse au moment des transferts. Un baratin qui fait un mal fou au club d’ailleurs, puisque les supporters ne comprennent pas. Tout ce que vous dîtes, ils le prennent pour argent comptant. Les pauvres, s’ils savaient, ils déchanteraient. Dans toutes ces annonces, il y a beaucoup de rumeurs non fondées. Mais une rumeur non fondée devient une vérité en quelques semaines parce qu’on a oublié l’origine de la rumeur.
Comment expliquez-vous aux supporters bordelais le transfert de Ludovic Obraniak ?
Les supporters ne comprennent pas toujours. Certains joueurs, quand ils sont en place, ne trouvent pas grâce à leurs yeux et ne sont jamais aussi bons que quand ils partent du club. Il y a un côté émotif, émotionnel, qui joue surement. Je n’ai pas grand-chose à leur expliquer, c’est un choix du club. Contre Saint-Etienne, on a gagné (2-0) et Ludovic Obraniak ne jouait pas. Ça ne veut pas dire qu’il n’est pas bon et qu’il ne servait à rien. Mais ça veut aussi dire que derrière, il y a des jeunes qui sont prêts à prendre la relève. Garder quelqu’un qui n’a pas envie de rester, ce n’était pas forcément une bonne solution. Donc je crois qu’aujourd’hui, on peut dire que la tendance générale sera d’accorder un bon de sortie à tout joueur, dans la mesure où le club ne sera pas pénalisé financièrement. Si le même Ludovic était venu me trouver en me disant qu’il voulait partir à Brême, mais à condition qu’il soit libre, il serait encore à Bordeaux aujourd’hui.
Le club va-t-il être à l'équilibre financièrement ?
Aujourd’hui, on en est encore très loin. On était très, très loin de l’équilibre. Aujourd’hui, on n’en est plus que très loin, donc il y a une amélioration nette. Et puis ça dépendra du classement final, puisque chaque place gagnée représente entre 800 000 et 1 million d’euros en droits TV. On avait révisé notre budget en mettant la 9e place puisqu’on avait vu qu’à un moment, on n’était pas très bien. Et puis, comme il vaut mieux des bonnes surprises que des mauvaises, on avait révisé notre budget sur la base d’une 9e place. Donc vous voyez qu’il y a des places à gagner et des améliorations financières à aller chercher. Les feux étaient rouges foncés. Ils sont rouges clairs.
Quel est l'objectif des Girondins en Ligue 1 ?
L’objectif de la cinquième place, qui est à deux points, est relativement accessible. Après, il n’est pas interdit de faire mieux. Je m’aperçois que les équipes qui sont à côté de nous sont accessibles. On a longtemps mené à Lyon, avant d’être rejoint au score dans les derniers instants (1-1). On a mené 2-0 à Marseille (2-2). On a battu Lille chez nous (1-1). Saint-Etienne, on les a battus aussi (2-0), donc on n’a rien à envier à ces équipes-là. De qui doit-on avoir peur ? De personne. Qui nous est largement supérieur ? Paris, c’est certain. Ils nous l’ont fait comprendre quatre fois de suite. Et puis probablement Monaco. Pour le reste, tout est possible pour le peu qu’il y ait de l’envie.
Pourquoi Benoît Trémoulinas, prêté à Saint-Etienne par le Dynamo Kiev, n'est pas revenu à Bordeaux cet hiver ?
Je crois que le garçon a envoyé quelques SMS vers le vestiaire. Son agent est venu me voir pour me dire qu’il s’embêtait là-bas (au Dynamo Kiev, ndlr), qu’il ne jouait pas beaucoup et souhaitait finir la saison en France en prêt. J’ai dit : « Pas de problème. Voilà notre budget, voilà ce qu’on peut proposer, repartez vers le Dynamo Kiev et dites-nous ce qu’il en est. » Il n’y a qu’une chose qu’on n’avait pas prévu, c’est que Trémoulinas a le même agent que Ghoulam. Ghoulam est parti de Saint-Etienne à Naples et Trémoulinas est arrivé à Saint-Etienne en remplacement, avec semble-t-il des conventions tripartites entre Naples, Kiev et Saint-Etienne. Une drôle de triangulaire dont je n’essaye même pas d’analyser le contenu. Mais qui a fait que son arrivée à Saint-Etienne était possible et plus du tout à Bordeaux.
Le mois de janvier a été compliqué pour votre équipe. Les joueurs ont-ils été perturbés par le mercato ?
Pour certains, la tête ne risquait pas de tourner parce qu’ils ne s’attendaient pas vraiment à avoir des offres de l’extérieur... Ça concernait peut-être un ou deux joueurs. Ça n’a pas empêché Ludovic Obraniak de bien jouer puisqu’il n’a pas joué. Il était blessé, parait-il. Pour les autres, je ne crois pas qu’il y ait eu une pression. Je n’ai reçu aucune sollicitation, eux non plus. Ce que je crois, c’est qu’on a mal redémarré. On a été nul contre Toulouse à domicile (0-1). Et à Bastia (1-0), ce qui m’a paru incroyable, c’est le manque de réussite et de concentration. L’Ile-Rousse (élimination en 16e de finale de la Coupe de Franc), autant ne pas en parler… Ça rejoindra dans mes souvenirs la demi-finale contre Calais, quand on s’était fait torcher (sic) par une CFA. Et là, par une CFA2. Tout le monde dit que c’est la belle incertitude du football. Moi, je dis que c’est inadmissible. On ne voit ça qu’au football. Ce qui reste le plus dans ma mémoire, ce sont les souvenirs honteux, quand on a été ridicules.
Que pensez-vous de l'accord trouvé entre la LFP et Monaco ?
Pour moi, ce n’est pas vraiment un sujet d’actualité puisque ça fait plus de 15 ans que je parle du statut inacceptable de Monaco. C’est une reculade des présidents de club. Une grande partie des présidents de club sont très velléitaires. On prend des décisions unanimes et puis le lendemain, on se déballonne. Je connais ça depuis des années. C’est le principe même des présidents de clubs en France.
Pourquoi le statut de Monaco est-il inacceptable ?
La situation de Monaco était acceptable dans le passé, parce que les clubs n’avaient droit qu’à trois étrangers. Les salaires n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. Les charges sociales étaient plafonnées en France. Aujourd’hui, elles sont déplafonnées. Il n’y avait pas la taxe à 75%, etc... Ce qui faisait que l’avantage de Monaco était « supportable », alors qu’aujourd’hui, il est devenu insupportable. Les choses ont carrément changé.
Monaco va verser 50 millions d'euros à la LFP...
Cinquante millions, c’est à peu près l’avantage de Monaco sur une saison. Monaco doit avoir le même budget que Marseille aujourd’hui, à peu de choses près, soit 120 millions d’euros à la louche. Si Monaco avait eu son siège en France, pour que les joueurs aient le même salaire net et avec les charges sociales, le budget serait plus élevé de 50 millions. Moi, je n’ai pas besoin de leur argent, je ne suis pas un mendiant. Ce n’est pas ce que je veux. Ensuite, ils vont les donner à qui ces 50 millions ? Tout le monde en veut, y compris Monsieur Le Graët et la Fédération, qui a parait-il besoin de financer les équipes de France de 17 et 19 ans qui coûtent cher. On s’en fout, ce n’est pas son problème. On parle du championnat professionnel, là. Après, il y a la Ligue qui va vouloir sa part. Tout ça, c’est dérisoire. On n’est pas en train de tendre la main et de faire la manche. Je n’ai rien contre Monaco, mais ce que je souhaite, c’est qu’il y ait une compétition équitable.
Mais la présence de Monaco en Ligue 1 a aussi des avantages...
On me dit : « C’est très bon pour les droits TV s’il y a Monaco ». Mais s’il n’y a pas de concurrence entre deux diffuseurs, vous pouvez mettre Monaco et Barcelone dans le championnat français, s’il n’y a qu’un diffuseur, il mettra le prix qu’il veut, pas plus. Et on me dit : « C’est bon pour attirer les investisseurs étrangers ». Ah bon ? Quel serait le crétin qui viendrait investir de l’argent dans un autre club français, en sachant que Monaco aura toujours un avantage incroyable par rapport à lui. Donc c’est plutôt un moyen de faire fuir les investisseurs. J’ai l’impression que Monaco, ils viennent rafler la mise de nos droits TV en ayant acheté un ticket moins cher que les autres. Pour moi, il y a distorsion de la concurrence. Ce n’est pas honnête et éthiquement, ce n’est pas correct.
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