RMC Sport

OM : « Le grand malheur » tactique que Bielsa n’a toujours pas résolu…

-

- - AFP

Marcelo Bielsa n’a encore jamais titularisé André-Pierre Gignac et Michy Batshuayi ensemble cette saison. Le coach de l’OM reconnait avoir du mal à trouver la bonne formule pour faire cohabiter deux buteurs. Un dilemme qui l’a beaucoup fait souffrir dans le passé, notamment avec l’Argentine.

L’image a fait le tour de Marseille. André-Pierre Gignac, tout sourire, qui agrippe Michy Batshuayi après son but contre Bordeaux, dimanche dernier, dans un Vélodrome en délire (3-1). Un moment de délivrance pour l’attaquant de 21 ans, cantonné au banc depuis son arrivée cet été et auteur de sa première réalisation en Ligue 1. De quoi rêver d’un duo en or avec « Dédé », le meilleur buteur du championnat (à égalité avec Alexandre Lacazette), et « Michy », le grand espoir belge. Une perspective que n’écarte pas Marcelo Bielsa, qui n’a encore jamais titularisé ses deux pointes ensemble.

« C’est une alternative, reconnait le coach argentin. Mais je ne crois pas que ce soit l’association de ces deux joueurs qui a fait sauter le verrou bordelais. Le but de Gignac est venu sur coup de pied arrêté et celui de Batshuayi sur une contre-attaque ». De quoi calmer un peu les ardeurs, même si Bielsa a accepté de débattre de cette hypothèse ce mercredi face à la presse. « En ayant deux joueurs de ce niveau, il faut trouver la manière de pouvoir en profiter, a expliqué El Loco. La difficulté, c’est qu’il faut faire sortir un de ces deux joueurs de sa position naturelle et qu’il jouera forcément moins bien. Quand deux n°9 jouent ensemble, un des deux descend ou va sur le côté pour ne pas être au même endroit que l’autre. Et celui qui occupe ce rôle joue moins bien parce que sa meilleure position se trouve au centre de l’attaque, près du but adverse. Mais dans certaines occasions, l’association des deux peut tout de même améliorer le rendement de l’équipe. »

Le traumatisme du Mondial 2002

Ce n’est pas toujours le cas et Bielsa en sait quelque chose. « Je ne suis pas très doué pour faire cohabiter deux n°9 et ça a été le grand malheur de ma vie de technicien », avait révélé le coach de 59 ans en début de saison. Un traumatisme qui date notamment de son passage à la tête de l’équipe d’Argentine. Plus précisément lors de la Coupe du monde 2002. Après une campagne d’éliminatoires brillante (13 victoires en 18 matchs), l’Albiceleste se présente en favorite au Japon et en Corée du Sud. Bielsa peut compter sur un effectif exceptionnel emmené par Juan Sebastian Veron, Walter Samuel, Pablo Aimar ou Claudio Lopez. Mais il dispose surtout de deux buteurs de génie : Hernan Crespo et Gabriel Batistuta.

« Lors des éliminatoires, c'est Batistuta qui a commencé à jouer n°9, se rappelle Sébastian Tabakman, journaliste chez TYC Sports, l'une des chaînes de télévision les plus regardées d’Argentine. Puis, « Bati » s'est blessé. Crespo l'a remplacé et il s'est imposé comme le grand buteur de l'équipe d'Argentine. Mais Bielsa a pourtant décidé de faire débuter Batistuta pour le Mondial. Il ne mettait jamais les deux ensemble. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase, c'est le dernier match (1-1 contre la Suède), lorsque l'Argentine a été éliminée dès les poules. Bielsa a décidé de sortir Batistuta et de faire entrer Crespo, alors qu’on devait absolument gagner. La presse ne le lui a jamais pardonné ça. »

« Quand on analyse trop, on arrive à la paralysie intellectuelle »

Miné par cet échec (« Quoi que j’accomplisse dans le futur, rien ne pourra faire disparaître cette tristesse », déclare-t-il à l’époque), El Loco s’enfermera chez lui durant de longs mois pour évacuer sa frustration. Douze ans après, les circonstances n’ont rien à voir mais le dilemme reste le même. « Quand on analyse trop, on arrive à la paralysie intellectuelle », sourit le tacticien pour résumer son casse-tête. Car il sait que l’association Gignac-Batshuayi l’obligera à repenser tout son système.

« Le problème de jouer avec deux n°9, ce n’est pas de les placer ensemble, mais plutôt décider quel aspect du jeu on doit mettre entre parenthèses, argumente-t-il. Si vous mettez deux n°9 sans un milieu créatif, vous enlevez une personne qui donne les passes décisives et de la verticalité au jeu. Si vous enlevez un des deux ailiers, vous enlevez un joueur qui peut approvisionner les attaquants dans la surface. Et si vous gardez les deux ailiers et le milieu créatif, il faut enlever un élément défensif de l’équipe. Ce n’est pas une décision simple à prendre. » Il pourrait toutefois franchir le pas prochainement.

Michy commence à trouver le temps long

D’autant que Michy, qui avait flambé lors de la préparation (cinq buts), commence à trouver le temps long au bord du terrain, même s’il s’entend très bien avec Gignac. Conscient de ce petit « malaise », Bielsa lui octroie des séances supplémentaires et tente de l’impliquer au maximum pour qu’il reste concerné. Une première titularisation en L1 (il ne l’a été qu’une fois en Coupe de la Ligue) constituerait une belle récompense. Et pourquoi pas dès ce vendredi face à Nantes, aux côtés d’APG, en ouverture de la 15e journée ? Avec la blessure d’André Ayew, l’incertitude autour de Romain Alessandrini (cheville) et les performances moyennes d’Abdelaziz Barrada, Bielsa pourrait saisir l’occasion. Et en profiter pour chasser enfin ses vieux démons.

Alexandre Jaquin avec Florent Germain, à Marseille