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Sagnol sème le trouble avec ses propos sur les joueurs africains

Willy Sagnol

Willy Sagnol - AFP

L’entraîneur bordelais Willy Sagnol est dans l’œil du cyclone pour des propos sur « le joueur typique africain » tenus lors d’un entretien avec des lecteurs du journal Sud-Ouest. Si son club le soutient, le monde du foot est beaucoup plus partagé.

Le rappel des faits

Dans un face-à-face avec les lecteurs du quotidien régional Sud-Ouest, Willy Sagnol est interrogé sur la façon dont il compte gérer les départs de ses joueurs africains à la CAN 2015, en janvier prochain. « C’est problématique, concède le coach bordelais. Tant que je resterai entraîneur du club, il y aura beaucoup moins de joueurs africains qui rejoindront les rangs des Girondins de Bordeaux parce que je n'ai pas envie de me retrouver avec 12 gars qui se barrent tous les deux ans. » Jusque-là, pas dérapage. Mais l’ancien sélectionneur des Espoirs français ajoute, plus ambigu : « L'avantage du joueur typique africain, c'est qu'il n’est pas cher quand on le prend, c'est un joueur prêt au combat généralement, qu'on peut qualifier de puissant sur un terrain. Mais le foot, ce n'est pas que ça. Le foot, c'est aussi de la technique, de l'intelligence, de la discipline. » Et se lance dans une forme de comparaison pour le coup très maladroite : « Des Nordiques aussi, c'est bien les Nordiques, bonne mentalité. C'est un mélange, une équipe de foot, c'est comme la vie, c'est comme la France, c'est un mélange. »

Le club au soutien

Alors que la polémique ne cesse d’enfler depuis la publication de la vidéo sur le site de Sud-Ouest (les propos polémiques de Willy Sagnol ne figuraient pas dans la version papier), les Girondins ont officiellement soutenu celui qui s’est assis sur le banc cet été. « L’interprétation de l’interview accordée à Sud-Ouest semble plus tenir de réactions épidermiques et malveillantes que d’une analyse objective des mots prononcés par Willy Sagnol », explique le communiqué, qui croit bon d’ajouter : « Le club tient à rappeler que lors de son intronisation, Willy Sagnol a très rapidement confié le capitanat à Lamine Sané, ce qui démontre la mauvaise foi de ceux qui interprètent les propos de notre entraîneur. Jamais au cours de sa vie et de sa carrière, Willy Sagnol n’a eu de problème avec la diversité. Devant cette polémique, Willy Sagnol éprouve un sentiment d’incrédulité et de colère face à l’interprétation erronée et raccourcie de ses propos. »

Le malaise du monde du foot

Ce mardi, les acteurs du ballon rond contactés par RMC Sport oscillaient entre surprise et consternation. Sélectionneur du Congo, Claude Le Roy a usé de mots très durs pour qualifier les propos de Sagnol. « C’est triste. Peut-être qu’il a eu comme conseiller Patrick Buisson ou Jean-Marie Le Pen, ou il a lu le discours de Dakar, a ainsi fustigé celui a qui a remporté la CAN 1988 aux commandes du Cameroun. C’est terrible. » Plus mesuré mais tout aussi en colère, l’ancien coéquipier de Sagnol en équipe de France, Louis Saha, juge que l’entraîneur de Bordeaux doit « être conscient de son erreur et s’excuser » pour des mots « inqualifiables » et « sanctionnables ». Même s’il estime qu’on ne peut pas soupçonner l’ex-joueur du Bayern Munich d’être raciste. Ce que notre consultant Jean-Michel Larqué confirme : « Je suis convaincu que Willy Sagnol voulait parler d’intelligence de jeu. Il y a vingt ans, on disait que les joueurs africains étaient des diamants bruts parce qu’ils étaient formés dans la rue et que sur le plan tactique, quand on leur parlait de 4-4-2 ou de 4-3-3, ils étaient un peu perdus. Est-ce que c’est du racisme ? Arrêtons avec ces polémiques vaines ! »

Une affaire qui en rappelle une autre

Les propos de Willy Sagnol rappellent étrangement l’ « affaire des quotas », qui avait secoué le football français en avril 2011. A l’époque, un enregistrement publié sur le site de Mediapart dévoilait le contenu d’une réunion technique tenue quelques mois plus tôt, durant laquelle des dirigeants de la FFF évoquaient l’instauration de « quotas officieux » pour limiter le nombre de binationaux. Des débats pendant lesquels le sélectionneur tricolore Laurent Blanc, enregistré à son insu, avait notamment déclaré : « Qu'est-ce qu'il y a actuellement comme grands, costauds, puissants ? Les blacks (…) Mais le jeu, forcément, ça va être d'intégrer d'autres types de joueurs. Parce que le jeu, c'est l'intelligence, donc c'est d'autres types de joueurs. » L’actuel entraîneur du PSG s’était alors défendu de toute volonté de discrimination mais avait présenté ses excuses et n’avait écopé d’aucune sanction.