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Taxe à 75% : la grève qui divise

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« Risible », « mauvaise idée », « Knysna »… Les supporters désapprouvent en majorité la décision des clubs professionnels de faire la grève fin novembre. Certains joueurs s’interrogent et les présidents tentent d’apporter un éclairage sur les retombées de la taxe à 75%.

Entre le cœur et la raison, les supporters des clubs français se fient majoritairement à la raison. L’annonce de la grève du football professionnel, lors de la 15e journée de L1, a du mal à passer auprès de plusieurs groupes de supporters. D’abord en raison du décalage entre les moyens des footballeurs et ceux des spectateurs, puisque cette décision privera le public de plusieurs affiches comme PSG-Lyon, Monaco-Rennes ou des derbys comme Valenciennes-Lille et Guingamp-Nantes. « Sur la forme, ce n’est vraiment pas une bonne idée de priver les gens de leur spectacle favori et de les embringuer de force dans l’histoire en les sanctionnant en premiers, témoigne Amprino, ancien leader des Bad Gones, groupe de supporters de l’OL. Ce n’est pas très populaire. »

Trois ans après la grève du bus de Knysna, beaucoup font le parallèle avec ce mouvement des présidents de clubs, qui s’échinent à ne pas prononcer le « gros mot » grève. « C’est un peu risible, s’étonne Thierry Greco, membre des Rouge et Bleu, autre groupe lyonnais. On veut donner des leçons de moralité aux joueurs de l’équipe de France après leur grève du bus, et on se met à leur niveau. » « Faire la grève alors que certains se saignent pour venir au stade ou aller à Monaco ce week-end, c’est un peu déplacé », abonde Thierry Boisrivent, autre membre des Rouge et Bleu. Du côté de Marseille, la pilule a aussi du mal à passer. « Si j’ai bien revu mes classiques, une grève, c’est normalement réservé aux salariés d’une entreprises et pas aux patrons », enrage Michel Tonini, leader des Yankees.

Orsoni : « Je comprends le citoyen lambda »

Si tous s’accordent sur la maladresse de ce mouvement, beaucoup comprennent les inquiétudes de leur club sur la taxe à 75%. « En tant que supporter, ça m’embête cette histoire de taxe, surtout si on s’éloigne des clubs européens, explique Bastien Desmons, membre de la section « y’est D’dins » à Lille. Après s’il y a un effort de toute la société, que les entreprises et les privés sont aussi assujettis à tout cela, pourquoi pas le football ? » Le verbe est encore plus haut chez Michel Tonini : « S’ils payaient le vrai salaire des tocards qui sont dans notre championnat, ils ne seraient peut-être pas assujettis à la taxe tout simplement, s’agace-t-il. Donc qu’ils les taxent, qu’ils leur prennent tout ou alors qu’ils donnent le vrai salaire aux mauvais joueurs de notre championnat. »

Si le fond est compréhensible, la forme choque. Même parmi certains footballeurs. « Je trouve ça énorme. Comme je dis, je ne suis pas concerné, donc il faut voir ce que ça donne, a déclaré Antoine Devaux, milieu de terrain de Reims ce jeudi. Mais c’est vrai que ça parait invraisemblable. » Face à cette impopularité, Alain Orsoni, président d’Ajaccio invité de l’Intégrale Foot, a tenté une explication. « On a bien conscience qu’un citoyen lambda, qui voit des sommes extrêmement importantes en salaire pour quelques joueurs, se demande : "qu’est-ce que c’est que ce cinéma ? Dans le football, il y a de l’argent, ils n’ont qu’à payer". Je comprends cette réaction parce qu’on ignore la réalité du football français aujourd’hui, a-t-il déclaré. Il y a une crise profonde avec des clubs en difficultés et cette taxe vient s’ajouter à un arsenal fiscal déjà très lourd, qui met en péril bon nombre d’entreprises derrière lesquelles il y a 25 000 emplois. » Le débat n’a pas fini de s’éterniser. Et l’encre de couler…

Perri : « Une taxe mortelle »

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|||Pascal Perri, économiste et consultant pour RMC, estime que la grève souhaitée par les clubs professionnels pose plusieurs problèmes. « Le premier, c’est d’abord les droits TV parce que la Ligue a signé un accord avec les télévisions. Donc, il y aura une défaillance. Le deuxième élément, c’est l’absence de recettes billetterie ce jour-là. Ça compte malgré tout la billetterie. Il y a un troisième problème, c’est qu’il faut resituer cette journée. Il faut la reloger quelque part dans l’année. A quel moment ? Ce sera très compliqué. Les clubs de football vont se retrouver face à une petite impasse et ce sera peut-être un mauvais compromis. Peut-être que finalement, la bonne idée aurait été d’envoyer les équipes réserves ce jour-là. » Il comprend cependant le combat et les inquiétudes des clubs dans leur combat contre cette loi. « Pour certains clubs du football français, il y aura un « coma dépassé », pour utiliser une image médicale, c’est évident. Il y en a pour qui ces quelques millions de taxe supplémentaires vont représenter un surcoût. Mais comme on a des clubs qui sont souvent à l’équilibre, un peu en asphyxie ou apnée de trésorerie, effectivement on peut dire que pour certains, cette taxe peut être mortelle. »

NC avec RMC Sport