Ligue des champions: pourquoi les filles en France s'en sortent mieux que les garçons?

S’il faut remonter à 1993 avec l’Olympique de Marseille pour voir une équipe française masculine soulever la Coupe aux grandes oreilles, la dernière Ligue des champions féminine remportée par une formation tricolore remonte à… l’année dernière, avec l’Olympique Lyonnais face à Wolfsburg (4-1), pour la cinquième fois de son histoire. Alors que les hommes ne semblent pas y arriver, quels sont les facteurs de cette réussite féminine?
Des investissements mesurés, mais suffisants pour gagner
Avec l’Olympique Lyonnais, actuellement la meilleure équipe féminine du monde, Jean-Michel Aulas, le président de l’OL, s’est très vite donné les moyens de réussir, en se lançant un pari d’emmener le football féminin français sur la voie de la professionnalisation.
Si peu de clubs accordent un gros budget à leur section féminine, depuis 2004, Aulas a investi pour son équipe tant sur le plan de la logistique que dans le recrutement. Des investissements raisonnables (7,5 millions d'euros de budget annuel pour les filles de l'OL, contre 285 millions pour les hommes) mais suffisants pour triompher. Et c'est bien là l'intérêt du dirigeant: il a compris qu'un budget inférieur à 10 millions d'euros permet d'être très compétitif pour viser des performances internationales et remplir l'armoire à trophées. "Le football féminin est devenu un secteur de développement important pour le club et pour son image", convient Ulrich Ramé, directeur technique des Girondins de Bordeaux, actuellement troisièmes en D1 féminine.
Aujourd’hui, avec le Parc OL, les féminines possèdent en outre les mêmes accès que les garçons, et bénéficient d’infrastructures de très haut niveau. Leur centre d’entraînement et le terrain d’honneur font partie des meilleurs, et certains de leurs matchs se jouent même au Groupama Stadium.
L'équipe lyonnaise, principalement composée d’internationales françaises (Eugénie Le Sommer, Amandine Henry, Wendie Renard...), possède également une véritable plus-value apportée par le recrutement de grandes joueuses étrangères, dont Ada Hegerberg, premier Ballon d’Or féminin, ou encore Dzsenifer Marozsan et Shanice Van de Sanden. "Les internationales étrangères montrent la voie aux joueuses françaises pour avoir la culture de la gagne et obtenir de bons résultats", estime l'entraîneur parisien Olivier Echouafni, qui rappelle en outre le travail "d'éducateurs de qualité".
Un manque de concurrence européenne
Il faut également prendre en compte que, dans la Ligue des champions féminine, il n’y a pas autant d’équipes pouvant prétendre au titre que chez les hommes: chez les femmes, seule une poignée de formations se "disputent" réellement le titre (l’OL, le PSG, Wolfsburg, Francfort...). Si les clubs allemands régnaient sur l'Europe jusqu'en 2015, il y a désormais une indiscutable suprématie de l’Olympique Lyonnais, club le plus titré sur la scène continentale.
De 2016 à 2018, les Lyonnaises ont remporté la Ligue des champions à trois reprises (contre Wolfsburg en 2016 et 2018, et contre le PSG en 2017), ce qui n’est pas sans rappeler la performance du Real Madrid de Zinedine Zidane. Mercredi soir, les filles de Reynald Pedros ont d'ailleurs battu Wolfsburg (2-1), leurs grandes rivales, sur la pelouse du Groupama Stadium en quart de finale aller.
Les Parisiennes, elles, contrairement aux hommes de Thomas Tuchel, ont connu deux fois la finale de la compétition, pour deux défaites (contre Lyon, donc, et Francfort) et disputeront jeudi soir (20h05) le troisième quart de finale de leur histoire face à Chelsea, à Kingsmeadow. "Peut-être qu'il y a un peu moins de complexe chez les filles", observe Echouafni.
Mais la donne pourrait bientôt changer. Car si le football féminin ne rapporte financièrement pas grand-chose aux clubs à l'heure actuelle (d'où le désintérêt de beaucoup d'entre eux), les droits TV devraient fortement progresser dans les années à venir, et donc susciter de nouvelles vocations. Et là, il faudra voir si les équipes françaises parviendront toujours à résister. "On est bien, mais il ne faut pas se laisser aller car il y a d’autres pays qui travaillent très bien, je pense notamment à l’Angleterre, reconnaît Echouafni. Dans les années à venir, les clubs anglais ne seront pas très loin."