L’Espagne ne digère pas ses demies

- - -
En Espagne plus qu’ailleurs, l’objectivité de la presse sportive demeure une notion abstraite, et forcément les commentaires sur l’élimination du Real Madrid par le Bayern (2-1, 2-1, 3 tab 1) varient que l’on soit pro-Madrid ou pro-Barcelone. Ainsi, la presse de la capitale se morfond de devoir abandonner les rêves de « Décima » (dixième Ligue des champions) de la Maison Blanche. Le quotidien As titre sur « le final le plus cruel possible » et écrit : « Ainsi se termine la présente Ligue des champions pour le Real, dans la plus grande dignité ».
Un long passage est aussi consacré à Bastian Schweinsteiger, l’homme qui a libéré Munich en inscrivant le dernier tir au but, et qui a forcément laissé une trace amère sur les plumes du quotidien : « Heynckes avait mille raisons de ne pas le garder 120 minutes sur le terrain ». Elles frôlent même parfois l’aigreur xénophobe : « ‘Schweini’ le repoussant (sic), sur les rotules, a saisi sa chance : la dernière balle dans le revolver du plus allemand des Allemands ».
L’international bavarois semble être la tête de turc de la presse madrilène ce jeudi, puisque Marca, un brin moins agressif que As, parle d’un joueur « carbonisé dès le milieu de la seconde période, mais qui portait toute l’expérience de l’Allemagne sur ses épaules ». A l’inverse, Sergio Ramos, qui a complétement raté son tir au but mercredi, est lui plus qu’épargné : «Il a pris le ballon avec son âme madrilène, a frappé fort du cou du pied, mais son tir s’en est allé dans les tribunes qui l’aiment tant ». On a vu critique plus virulente pour un joueur qui a sa part de responsabilité dans l’élimination des siens.
« La dernière balle dans le revolver du plus allemand des Allemands »
Côté catalan, en revanche, sans parler de large sourire, il n’est pas non plus question de profonde tristesse. Le Mundo Deportivo affirme non sans ironie : « Les Madrilènes se voyaient déjà à Munich célébrer leur Décima, mais ils devront patienter au moins une année de plus », soulignant les dix ans de disette du Real Madrid en Ligue des Champions.
Le mot de la fin revient à El Pais, le journal de référence en Espagne, qui voit plus loin que les querelles partisanes en écrivant que les échecs du Real et du Barça, la veille, étaient une « énorme déception pour le football espagnol, qui a exporté le Clasico sur le toit de l’Europe ». Un dur retour à la réalité pour une nation habituée à truster les victoires ces dernières années.