Matches truqués : la France à l’abri ?

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La France est-elle menacée ?
« Ecoutez, des enquêtes sont en cours dans les pays des grands championnats, comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Angleterre et l’Italie, explique Hervé-Martin Delpierre, réalisateur du documentaire « sport, mafia et corruption ». En Italie, 23 millions d’euros ont été placés en quelques minutes sur un match de troisième division... En France, 80% des mises sur le championnat de France proviennent de l’étranger. Ces organisations mafieuses utilisent les championnats européens comme terrain de jeu. Je ne me risquerais pas à dire que la France est à l’abri. »
Faut-il supprimer les paris sportifs ?
« Si on supprime les paris sportifs, il y aura des paris clandestins, prévient Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, et à l’origine d’un Livre blanc paru l’an dernier. Il ne faut pas cacher, les paris sont un moyen important de financement du sport. En France, c'est l'équivalent du budget du ministère. Interdire les paris ne viendrait pas à annuler les paris. Ça développerait les sites illégaux et donc le trucage des compétitions. »
Qui se cache derrière ces matches arrangés ?
« Ce sont de vraies organisations criminelles, le procès de Bochum en Allemagne (plusieurs dizaines de matches, dont un certain nombre du tour préliminaire de la C1 de 2009, ndlr) a révélé le même schéma, explique Jean-François Vilotte, président de l’ARJEL. Ce sont des réseaux des Balkans dans la prostitution et la drogue qui trouvent à investir dans les matches des sommes importantes à blanchir. Il faut avoir les bonnes réponses pénales, les harmoniser au niveau international. Le mouvement sportif doit être extrêmement attentif aux alertes, et prendre la mesure de ces risques. »
La voix de la France porte-t-elle ?
« La France est notamment force de propositions dans l’élaboration de la convention internationale du Conseil de l’Europe (Jean-François Vilotte, président de l’ARJEL est vice-président du comité de rédaction). Cette convention, juridiquement contraignante, doit aboutir en 2014, indique la ministre des Sports Valérie Fourneyron, dans un communiqué publié ce lundi. La France continuera à s’opposer avec fermeté aux acteurs qui font pression, au sein même de l’Europe, pour créer des ambiguïtés favorables aux opérateurs de paris en ligne douteux. La ministre appelle à nouveau les gouvernements à prendre toute leur place dans le combat contre les matchs truqués, afin de ne pas laisser le mouvement sportif seul face au crime organisé. »
Que fait-on pour limiter les risques ?
« Le tennis et le football sont bien organisés en France, avec des systèmes d’alertes, se félicite Christian Kalb, ancien responsable de la Française des Jeux, aujourd’hui à la tête de CK Consulting. Ils sont en train de mettre en place des programmes de sensibilisation des joueurs, des dirigeants, des arbitres, et des agents, c’est très important. La France a récemment limité la liste des évènements, on ne peut pas parier sur n’importe quoi, notamment sur des gestes négatifs. Il faut aussi réguler les taux de retour. En France le taux de retour est limité à 85%, c’est une très bonne mesure à conserver, mais dans d’autres pays vous pouvez avoir des taux de 99,5%, ça existe. »