"Mes parents n'étaient pas ravis que leur fils fasse l'otarie": on a rencontré Renaudinho, footballeur freestyle pro et star des réseaux sociaux

Vous n'avez que 21 ans et pourtant vous avez déjà une sacrée expérience dans le football freestyle...
J’ai commencé en 2016 à 13 ans à Bordeaux, avec mes deux meilleurs amis. C'était un petit collectif, SWF (South West Freestylers), où se réunissaient les meilleurs freestyleurs de la ville. C’est là-bas que j’ai vraiment explosé et progressé. Je me suis entraîné jour et nuit jusqu’en 2019.
À quoi ressemblait votre quotidien d’apprenti freestyleur?
C’était un temps plein (rires) ! En vrai, j'étais juste passionné par le freestyle. Pendant 4 ans, je me suis entraîné à peu près 6 jours sur 7, environ 5 heures par jour. J'étais vraiment passionné par ce sport. Et en plus, j'avais les cours à côté. Mais à partir de 2020, j'ai un peu diminué le rythme parce que ça ne m'intéressait plus autant. Je n'étais plus autant passionné. En 2020, je suis passé à environ trois entraînements par semaine.
C’est une discipline dans laquelle il est très compliqué - voire impossible - de gagner sa vie. Vous êtes une vingtaine en France, et vous en faites partie, notamment grâce à des prestations que vous réalisez...
Aujourd’hui, le freestyle pour moi, c’est mon produit. Là où je gagne ma vie, c'est avec les prestations que je fais à côté. Je produis des animations pour des événements, que ce soit des spectacles, des initiations... Je fais ça un peu partout en France et on est une minorité à vivre de ça. C'est un privilège de pouvoir vivre de ça et de sa passion. En termes de compétition et de performance, on ne peut pas vivre de ce sport encore, c'est trop niche. Sauf quand on s’appelle Jesse Marlet (actuel champion du monde).
Mais vous êtes aussi très présent sur les réseaux sociaux, où vous cumulez plus d’un million d’abonnés, votre "communauté des Brésiliens" comme vous les appelez. C'est un métier à part entière de faire ces vidéos sur les réseaux sociaux pour vous aujourd’hui?
Moi, ce que j'aime par-dessus tout, c'est partager ma passion à travers ma chaîne. Je partage des tutos pour commencer dans le freestyle. J'essaye de promouvoir ce sport comme je peux, parce que c’est très compliqué d’être coaché, d’être suivi. Alors si je peux aider à ma manière certains à se lancer là-dedans, c’est cool. J'essaie de mettre de la lumière sur ce sport comme certains l’ont fait avant moi. Je pense à Sean Garnier ou Gautier Fayolle avec la Footstyle TV.
Vient le moment d’annoncer à ses parents que l’on veut faire de cette passion un métier. Quelles ont été leurs premières réactions?
Ils n'étaient pas ravis que leur fils fasse l'otarie sur la promenade des Anglais au début (rires)... Quand ça a commencé à devenir un peu plus sérieux, à partir de 2021, moi je voulais en vivre. Sauf qu'ils m'ont dit: "tu vas d'abord prendre ton diplôme". J’ai donc fait une licence de management du sport, et à côté je me suis lancé à plein temps dans mon activité d'auto-entrepreneur, de prestataire de service. Aujourd’hui j’en vis, et j’essaie de profiter de tout ce qui m’arrive, de prendre du plaisir.
Avec un tel niveau technique, on imagine que le rêve de devenir footballeur a dû vous trotter dans un coin de la tête aussi. Vous avez songé à faire carrière dans le "vrai" foot?
Pas du tout. Je n’ai fait que deux ans de football, et c’était assez catastrophique. Pourtant j’adorais Neymar, j’étais fan. Mais je crois que je n’ai gardé de lui qu’une partie de sa technique hors-du-commun.
Le freestyle reste un sport exigeant physiquement, parfois qualifié d’extrême pour le corps. Quelle est la durée d'une carrière de haut niveau dans cette discipline?
La retraite au freestyle, elle arrive beaucoup plus jeune que dans d'autres sports plus classiques, comme le tennis ou le foot. C'est un sport qui demande de l'engagement physique, une certaine capacité à être élastique. Par exemple, le champion du monde Erlend (Fagerli, considéré comme l’un des plus grands de ce sport, NDLR), qui a été 10 fois titré, a pris sa retraite à 26 ans, ce qui est quand même très tôt. On va dire qu'on a une forme maximale à partir de 25 ans. Et après, ça commence à se détériorer. Moi, là, je vais avoir 22 ans. Mon but, ce n'est déjà plus la compétition. Je sais qu'il faut s’entraîner jour et nuit. Ce n'est pas ce que je veux faire. C'est un sport qui arrive à maturité très tôt.
Les championnats d’Europe de ce week-end, à domicile pour vous à Nice, qualificatifs pour les championnats du monde, seront donc votre dernière compétition officielle. Quel est votre ultime objectif pour conclure votre carrière?
Top 16, ce serait le Graal (seuls les cinq meilleurs hommes et les cinq meilleures femmes seront qualifiés). Top 32, je pense que c'est atteignable pour moi. Mais faire un top 16 au championnats d'Europe, sachant qu’en Europe, on est les meilleurs dans le monde, ce serait plutôt sympa. Mais je veux surtout prendre beaucoup de plaisir et ne rien regretter pour ma dernière. Je suis un showman sur scène, donc je vais tenter de régaler tous ceux qui seront présents.
Si vous deviez regarder derrière vous, que garderiez-vous de votre jeune carrière de professionnel?
Mon titre de champion de France en ligne en 2019. Je pense que c’est mon plus grand accomplissement. J’avais seulement 17 ans et devenir champion, c’était dingue. Chaque mois pendant 6 mois, on devait envoyer une vidéo, et je finis premier. Plus récemment, j’ai fini 40e mondial au Super Ball World Open (la plus grande compétition ouverte de football freestyle au monde, NDLR). Mais je garde aussi des souvenirs de tous les pays que j’ai visités, plus d’une dizaine au total. Je repense à la Colombie notamment où j’ai passé deux semaines pour animer un festival de freestyle. C'est un sport qui ouvre beaucoup de portes parce qu'on n'est pas nombreux et qu'il y a beaucoup d'opportunités. Je suis très reconnaissant pour tout ce qu’il m’a apporté.