RMC Sport
INFO RMC SPORT

"Pas de place pour les regrets": l'agent Ali Barat revient sur l'histoire tourmentée entre Xavi Simons et le PSG

placeholder video
Fondateur d'Epic Sports, Ali Barat est l'un des agents les plus influents du moment. Au micro de RMC Sport, il s'est livré à un bilan de son été et s'est confié sur sa vision du marché et l'évolution de son métier.

Ali, vous êtes considéré comme l'un des agents les plus influents du football mondial. Quelle est votre analyse du dernier mercato qui vient de se terminer?

Je pense que c'était un mercato très actif à l'échelle mondiale. De nombreux grands clubs européens ont investi massivement pour renforcer leurs équipes. Rien qu'en Angleterre, les dépenses ont dépassé les 3 milliards de livres. C'est le niveau de dépenses le plus élevé de l'histoire de la Premier League. En Espagne aussi, le Real Madrid, l'Atlético, le Barça ou Villarreal ont été très actifs. Tout comme en Italie, avec des clubs comme l'AC Milan, Naples ou Rome, et en Allemagne, avec le Bayern Munich et Dortmund. Donc oui, je pense que dans l'ensemble, c'était un mercato très très chargé. Chez Epic Sports, rien que cet été, nous avons conclu 15 grandes opérations dans sept championnats pour une valeur totale de plus de 400 millions de livres. Des transferts comme Dean Huijsen au Real Madrid par exemple, Renato Vega à Villarreal, Nico Jackson au Bayern Munich, ou encore Xavi Simons, Noni Madueke, Piero Hincapié... C'était un super mercato.

Lequel de ces transferts vous a donné le plus gros mal de tête? Lequel était le plus compliqué?

Je dirais que chaque transfert a ses propres spécificités et est donc compliqué à boucler. Mais avant toute négociation, je prends toujours le temps de planifier soigneusement. Les transferts à ce niveau sont incroyablement complexes, ils impliquent beaucoup de dimensions financières, émotionnelles même. Les fans voient souvent juste l'annonce finale mais dans chaque transfert, il y a toutes les conversations et la construction de la confiance. Mais je dirais que le plus compliqué était le transfert de Nico Jackson de Chelsea au Bayern Munich.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce transfert? Comment les discussions se sont-elles déroulées en coulisses (le transfert s'est bouclé dans les dernières heures après de nombreux rebondissements, NDLR)?

Vous savez, le football est vraiment imprévisible. Ces choses-là arrivent tout le temps. Je dirais que la chose la plus importante est de garder son calme, de ne pas être trop émotionnel. Il y a toujours des paramètres inattendus. Pour Nico, la clé était toujours sa volonté. Il voulait le Bayern et notre rôle était de protéger ce souhait et de s'assurer qu'il était respecté, même si des obstacles se dressaient sur la route. Ai-je pensé que cela s'effondrerait? Oui, pendant un court moment j'ai douté. Mais dans le football, il faut être patient, calme et persévérant pour trouver des solutions. Et au-delà de l'avis du joueur, il faut aussi prendre en compte celui des clubs, car bien évidemment les besoins des clubs ont aussi un rôle important à jouer dans tout cela.

Quand Chelsea l'a rappelé alors que vous étiez déjà à Munich, comment avez-vous réagi à ce moment-là? Vous nous dites qu'il faut rester calme. Est-ce votre expérience qui a fait la différence?

Je pense que oui. Nous avions conscience que Chelsea aurait besoin d'un remplaçant. Alors nous avons essayé de voir avec eux s'ils ne pourraient pas faire revenir Marc Guiu de son prêt à Sunderland. Et dès que cela s'est concrétisé, nous avons pu finaliser le transfert dans les dernières minutes du mercato.

Pensez-vous qu'il y ait une réelle chance que le joueur reste au Bayern après cette saison, vu ce qu'a déclaré Uli Hoeness (le dirigeant bavarois a affirmé que "cela n'arriverait pas", NDLR)?

Vous savez, la saison est longue. Ils ont une option d'achat obligatoire (de 80 millions d'euros, NDLR) s'il joue 40 matchs, mais ils ont aussi une option à 65 millions d'euros (d'il joue moins de 40 matchs, NDLR). Donc je pense que si Nico Jackson performe cette saison, compte tenu du cours actuel du marché des attaquants, à 65 millions d'euros à mon avis, ils devraient l'acheter. Encore une fois, tout dépend de la façon dont Jackson s'intègre et performe. Mais normalement, avec le potentiel qu'il a, je ne pense pas qu'ils auront de problème à payer les 65 millions d'euros à la fin de l'été.

Avec toutes les difficultés rencontrées, est-ce le transfert dont vous êtes le plus fier?

Sur ce mercato? Oui, je pense. Vous savez, je suis fier de tous les transferts, j'ai une relation vraiment personnelle avec toutes les familles et tous les joueurs. Donc pour moi, chaque transfert est vraiment spécial pour être honnête.

Le nom de Xavi Simons a beaucoup fait parler ici à Paris puisqu'il a joué pour le PSG et que le club semblait très attentif à sa valorisation. Il y avait des liens forts avec Chelsea pendant assez longtemps, alors pourquoi a-t-il fini à Tottenham?

Avec Xavi, la clé était de comprendre clairement ses priorités et de s'assurer que le club qu'il rejoignait partageait sa vision à long terme. Xavi a un très gros mental et une grosse personnalité. Tottenham et Chelsea sont tous deux des clubs fantastiques avec des projets solides et il y avait un intérêt réel des deux côtés. Mais Chelsea a toujours été clair avec nous, ils avaient certaines contraintes qui rendaient l'avancée des discussions difficile. Alors quand les discussions avec Tottenham ont commencé, il est devenu clair que ce serait un projet qui conviendrait parfaitement à Xavi et je pense que la discussion qu'il a eue avec Thomas Frank a été vraiment clé pour la décision de Xavi.

En parlant de sa décision, en tant que conseiller, quel poids avez-vous dans la décision finale du joueur? Vous parlez évidemment avec lui, avec sa famille...

Oui, la décision finale appartient toujours au joueur. Notre rôle est de lui fournir tous les scénarios, toutes les informations et ensuite de respecter pleinement son choix. Nous travaillons main dans la main avec les familles, qui jouent un rôle de plus en plus important dans le football d'aujourd'hui. Pour moi, les relations humaines sont au cœur de la profession. Donc notre objectif n'est pas seulement de négocier les contrats. Bien sûr, c'est important, mais moins que de construire des carrières qui ont un sens et de soutenir les gens.

Pour les fans du PSG qui liront cette interview, pouvez-vous expliquer pourquoi Xavi Simons a quitté le PSG?

Le PSG n'était pas dans cette phase actuelle de développement des jeunes, même s'il a joué quelques matchs. Il a ensuite très bien performé au PSV, à Leipzig, et avec l'équipe nationale néerlandaise. Il fait maintenant pleinement partie d'un projet à Tottenham. Dans le football, il n'y a pas de place pour les regrets. Il faut toujours regarder devant.

Donc il n'y a pas de regrets de son côté?

Non, non, pas de regrets.

Parlons aussi de Dean Huijsen, car c'est l'un des grands transferts du derner mercato Et puis un transfert au Real Madrid, c'est toujours un grand transfert. Comment l'avez-vous géré?

Avec Dean, c'était très facile. Nous avons très bien travaillé avec sa famille. Je pense qu'il y avait plus de sept clubs qui le voulaient. Il y avait une clause de 50 millions de livres aussi. Donc il n'y avait pas de réelle négociation à faire avec le club, ce qui a rendu le travail beaucoup plus facile. Il s'agissait juste de rendre visite à tous les clubs, d'écouter tous les projets. Nous avons fait tout ce processus sur les deux derniers mois de la saison, et ensuite on s'est assis avec Dean et sa famille pour faire son choix. Pour lui c'était clair: son rêve était de jouer pour le Real Madrid.

On dit que quand le Real Madrid frappe à la porte, tu n'as pas le choix: tu dois y aller. Est-ce vrai?

Je ne sais pas si tu n'as pas le choix mais dans le cas de Dean, c'est un international espagnol. Donc je pense que pour lui, cela avait encore plus d'importance. En plus il était fan du Real Madrid quand il était plus jeune donc je pense que pour lui cela avait un plus grande importance que pour un joueur allemand ou un joueur anglais par exemple.

En regardant le tableau d'ensemble en France, on voit clairement que les clubs ont moins dépensé, probablement à cause de la baisse des droits TV. Il y a moins d'argent, donc ils dépensent moins. Est-ce quelque chose que vous avez constaté dans d'autres pays?

Oui, je pense que la France et l'Espagne ont toutes deux un vivier de talents très riche. Mais je pense qu'économiquement, le football français a rencontré des difficultés ces dernières années, avec les problèmes de droits TV. Même chose en Liga, je pense que financièrement, ils ne sont pas dans leur meilleure période. Mais bien sûr le marché est différent pour le PSG en France parce qu'ils ont des ressources financières bien plus importantes que les autres clubs. Pourtant on a aussi vu revenir d'anciens vainqueurs de la Coupe du monde comme Olivier Giroud ou Benjamin Pavard. Donc je pense que la Ligue 1 peut encore attirer de très grands talents français.

En tant qu'agent, comment adaptez-vous votre façon de travailler au fait que certains championnats aient moins d'argent?

Je pense qu'en tant qu'agent, c'est à nous de prendre les décisions. Par exemple, nous avons un joueur au Brésil qui s'appelle Angelo, il joue à Sao Paulo. C'est probablement le meilleur jeune arrière droit du monde et nous avons décidé de l'amener en Ligue 1. Pourtant, nous avons eu des offres de grands clubs de Premier League, mais nous avons pensé que pour son développement ce serait beaucoup mieux d'aller en Ligue 1. Pareil, nous avons amené à Monaco un joueur ivoirien, Valy Konaté, alors que nous avions d'autres grands clubs. Parce que nous pensons que pour ces jeunes joueurs, c'est parfois le meilleur championnat.

Avec la présence de plus en plus grande des "intermédiaires" et d'agents non-licenciés, comment voyez-vous l'évolution de la profession d'agent?

Je pense qu'elle est mieux réglementée maintenant avec la Fifa. Il y aura bientôt des examens. Je pense que c'est une très bonne étape. Parce qu'avant, n'importe qui pouvait payer 500 livres, obtenir sa licence d'intermédiaire et être agent. Je ne pense pas que ce soit correct. Je pense que cette réglementation est vraiment positive pour tout le monde. En France la profession est déjà réglementée avec un concours. Et puis le rôle des familles devient de plus en plus important, et beaucoup de fois nous jouons presque un rôle de conseiller pour la famille.

Propos recueillis par Fabrice Hawkins