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Blanc : « Ferguson a un don pour gérer les hommes »

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Laurent Blanc a côtoyé Sir Alex Ferguson durant deux saisons à Manchester United (entre 2001 et 2003). Invité de Luis Attaque sur RMC, l’ancien défenseur des Bleus a ouvert la boite à souvenirs pour évoquer le manager le plus titré d’Angleterre.

Laurent, avez-vous été marqué par vos deux ans passés à Manchester United avec Sir Alex Ferguson ?

Il a marqué tous les joueurs qu’il a eus sous ordres. Avec la longévité qu’il a eue, il a marqué deux ou trois générations. C’est un monsieur qui m’a effectivement beaucoup marqué, dans sa façon de gérer tactiquement et footballistiquement son équipe, mais surtout humainement. Je crois que c’est quelqu’un qui a un don pour gérer les hommes.

Comment vous a-t-il contacté pour rejoindre United ?

C’est une grande histoire ! A l’époque où Eric Cantona était à Manchester, je suis allé le voir jouer plusieurs fois. C’est à ce moment-là que j’ai fait la connaissance de Sir Alex. Avec Montpellier, on les avait tirés en Coupe des Coupes. J’ai ensuite eu plusieurs fois la possibilité de partir là-bas. Ça aurait dû se concrétiser quand je suis allé à Barcelone (en 1996), mais ça ne s’est pas fait. Je me suis dit que l’opportunité était passée. Mais elle s’est finalement représentée. J’avais 35 ans, je n’y croyais pas. Il m’a appelé personnellement en me disant : « On manque d’expérience derrière ». Je lui ai répondu : « Ecoutez, si vous prenez un mec de 35 ans, vous aurez de l’expérience mais des jambes, je ne sais pas ! » (rires). Et il m’a dit : « Je suis sûr que tu peux m’amener quelque chose, je vais tout faire pour te prendre ». J’ai signé un an. Et ça s’est tellement bien passé qu’on a prolongé d’une année supplémentaire.

Comment était-il au quotidien ?

Je l’ai connu, si on peut dire, en fin de carrière. Il était présent tous les jours à l’entraînement mais de temps en temps, il s’accordait quelques moments personnels pour ses loisirs. Il déléguait le travail à ses adjoints, qui étaient très compétents. Par contre, pour les questions humaines, il ne laissait personne gérer à sa place. Ce qui m’avait vraiment étonné, c’est qu’il avait en face de lui des grands joueurs qu’il considérait comme ses fils, parce qu’il les avait connu à l’âge de 12 ans pour certains. Ça ne m’étonne pas qu’aujourd’hui que des joueurs comme Giggs, Scholes ou Gary Neville soient encore là-bas. Ils sont avec leur père. Ce club a une dimension familiale même si c’est un des plus grands clubs au monde.

Quelle est sa méthode de travail ?

Il avait une façon de gérer presque individuellement les joueurs. Je l’ai vu faire des choses incroyables. Il responsabilisait beaucoup ses hommes. Il avait des attitudes surprenantes mais qui fonctionnaient parce que les gens avaient confiance en lui. Avec Roy Keane par exemple, qui était un garçon difficile à gérer, il a su s’adapter à sa manière. Sir Alex a beaucoup de caractère. Il aime surprendre son effectif. Un jour, on est arrivé, il nous a laissé nous déshabiller, puis il nous a demandé de nous rhabiller et on est allé voir… une course de chevaux ! C’est ça aussi sa façon de manager. C’est pour ça que les joueurs l’aiment, parce qu’il sait faire la place à l’humain.

« Très caractériel, parfois bouillant »

Depuis toutes ces années, il a toujours conservé son système en 4-4-2…

Il n’a jamais changé. C’est un entraîneur très offensif. Il adore marquer des buts, être dangereux dans la surface adverse, donc il fait des compositions d’équipe en conséquence. Il veut tout le temps gagner, que ce soit à domicile ou à l’extérieur. Mais il savait aussi s’adapter. Il nous disait à l’époque que sa façon de jouer en Europe devait être différente de sa façon de jouer en Angleterre, s’il voulait gagner la Ligue des champions. Il avait compris que contre des grandes équipes italiennes, espagnoles ou allemandes, il devait adapter son jeu, sinon il n’arriverait pas à gagner.

A-t-il tout de même un défaut ?

Je ne sais pas si c’est un défaut, mais il est très caractériel, parfois bouillant. Et c’est vrai que lors des mi-temps, ça peut monter en température. S’il n’est pas content et qu’il n’arrive pas à se maîtriser, ça peut être très chaud. Lors de cet épisode de la chaussure (en 2003, lors d’un match de Coupe d’Angleterre contre Arsenal, ndlr), même si c’est malencontreux parce qu’il n’a pas voulu viser David (Beckham), il a donné un de ces coup de pompe ! Mais c’était un hasard que ça tombe sur David. Après, on l’a d’ailleurs chambré en lui disant que s’il avait voulu, il n’aurait pas réussi à faire ça.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour comprendre son accent écossais ?

Aujourd’hui, je ne le comprends toujours pas ! (rires). Ça me rassure, parce qu’il y avait des joueurs anglais à côté de moi qui ne le comprenaient pas non plus. Mais lorsqu’il voulait vraiment se faire comprendre, il nous prenait à part et on comprenait ! Il était fort dans ce domaine.

Pensez-vous que Manchester United puisse se remettre de son départ ?

Oui, même si ça va faire drôle de ne plus le voir sur le banc de Manchester. Pour celui qui va avoir l’honneur et la chance de lui succéder, ça va être difficile. Ça va être un très beau challenge. Mais je pense que Manchester va pouvoir s’en remettre parce que l’identité d’un club est plus importante que les personnes. Un club comme ça arrivera à écrire une autre histoire avec un autre entraîneur. Manchester United est un grand club depuis 100 ans.

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Luis Attaque