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Graham Taylor, l'homme qui avait réussi le plus bel exploit du foot anglais

Graham Taylor

Graham Taylor - AFP

Spécialiste du foot britannique, consultant embed Outre-Manche pour SFR Sport et habitué de l'After Foot, Philippe Auclair nous offre toutes les semaines un éclairage sur le foot britannique. Focus ce jeudi sur Graham Taylor, ancien sélectionneur de l'équipe d'Angleterre, disparu d'une crise cardiaque à 72  ans.

Footballeurs, journalistes, fans de Watford et de Villa, nous avons tous nos souvenirs de Graham Taylor, qui vient de nous quitter à l’âge de soixante-douze ans, beaucoup trop tôt. Il était de ces hommes qu’on voudrait que la mort oublie.

Tout ce que vous lirez sur sa courtoisie, sa gentillesse, son humour, c’est vrai. J’ai eu la chance de le côtoyer lorsqu’il nous rejoignit en salle de presse, après que le football avait décidé de ne plus vouloir de lui comme entraîneur, alors qu’il avait encore tellement à offrir. Je n’étais pas son “ami”, à moins que cela signifie faire partie des centaines de gens avec lesquels il aimait partager des histoires, des anecdotes, des opinions; auquel cas j’en étais un. Ce que ressent sa femme adorée Rita, ce que ressentent ceux qui étaient ses vrais proches, je n’ose l’imaginer, vu ce que nous autres, les copains de salles de presse, ressentons aujourd’hui. C’est la première fois que Graham Taylor en a fait pleurer beaucoup d’entre nous, à moins que ce soit de rire.

On s’est moqué de lui, cruellement, lorsque son équipe d’Angleterre n’était pas parvenue à se qualifier pour la World Cup de 1994. Quand je dis ‘on’, je parle du Sun et de sa fameuse ‘une’ où on avait superposé sa photo sur celle d’un navet. D’autres que Graham Taylor auraient très mal pris la chose (et on les aurait compris). Il préféra en rire en public, même s’il me confia, un soir à Stamford Bridge, que ç’avait été comme un coup de poignard dans ses reins. Questionné par un serveur dans un restaurant peu de temps après, il demanda s’il y avait une ‘soupe aux navets’ sur le menu, en s’esclaffant. Typique d’un homme qui ignorait ce que c’était que la rancoeur ou la méchanceté.

Ce qu'il a fait avec Watford: le plus grand exploit du foot anglais

Il fut aussi un des meilleurs entraîneurs anglais de sa génération, quand il y en avait encore quelques-uns qui méritaient le respect. Ce qu’il accomplit avec Watford, et plusieurs saisons d’affilée, n’est pas loin de ce que Ranieri fit avec Leicester. Non. Est en fait encore plus remarquable. Avec lui, le petit club du nord de Londres monta de la 4ème à la 1ère division en l’espace de cinq saisons, et ne s’arrêta pas en si bon chemin, puisque les Hornets finirent seconds de la First Divison immédiatement après leur accès à l’élite – où ils jouaient pour la première fois de leur histoire – et atteignirent la finale de la FA Cup un an plus tard. Passé à Villa en 1987, Villa qui venait d’être relégué, cinq ans après avoir été sacré champion d’Europe, il les fit regrimper en D1, et, deux saisons plus tard, les Villans étaient dauphins de Liverpool.

On l’a présenté comme une sorte d’apôtre du jeu long, de la ‘balance’. Peu de choses énervaient Graham Taylor. Ça, oui. N’était-il pas le manager qui avait donné sa chance à John Barnes et Mo Johnstone? “Quand Maldini fait une passe de cinquante mètres, personne ne dit qu’il balance”, me dit-il un jour comme il dû le dire à des centaines d’autres. “Mais quand un de mes défenseurs essayait de trouver Barnes ou Blissett en sautant le milieu, on disait qu’il balançait!”

La colère ne durait jamais. Le merveilleux sourire revenait très vite.

Il était une encyclopédie du football, mais n’en rajoutait jamais, ce qui faisait de lui l’un des consultants les plus aimés de Radio 5 Live. Il n’a jamais refusé une question, un bonjour, une photo. Il était ce que les Anglais appellent un football man, droit, sincère et généreux. Il fut aussi l’un des meilleurs entraîneurs de club des années 1980, ce dont on va sans doute se rendre compte maintenant qu’il est trop tard.

Peu importe: il avait été l’un des plus aimés, et le demeurera. On fait difficilement mieux comme palmarès.

Philippe Auclair