Reportage dans les coulisses de Football Manager

La version 2015 de Football Manager est sortie ce vendredi. - DR
Le très discret siège de Football Manager
Quelques heures après notre arrivée à Londres et tandis que nous faisons connaissance dans le taxi qui nous emmène aux studios de Football Manager avec Cieran Brennan, le responsable presse du jeu, une question légitime nous taraude l’esprit : à quoi ressemblent donc les locaux de Sports Interactive ? Vu le succès international que connait Football Manager depuis de nombreuses années, on imagine un siège tout ce qu’il y a de plus sophistiqué. Bref, un immeuble majestueux, ultra-luxueux, vantant à tout-va la marque Football Manager. Après dix bonnes minutes de trajet, nous nous arrêtons à Old Street, dans une petite ruelle sans charme… et tout ce qu’il y a de plus industriel. Cieran nous guide alors vers un immeuble un peu décrépi et entièrement recouvert de briques rouges : le Classic House. C’est seulement après avoir vu sur la plaque à côté de l’ascenseur le nom de Sports Interactive, qui s’étale sur trois étages, que l’on comprend qu’on ne s’est pas trompé d’endroit. Rue sans prétention, immeuble quelconque : on comprend surtout, déjà, qu’à Londres, Football Manager se la joue très, très discret.
En réunion, on distribue aussi des... cartons !
Notre immersion dans les studios de Football Manager commence au 5e étage du Classic House. A la sortie de l’ascenseur, nous retrouvons le célèbre logo de Sports Interactive trônant au-dessus de la porte d’entrée. Nous croisons un des développeurs du jeu, visiblement pas à l’aise devant notre caméra. Quelques secondes passées dans le couloir nous mettent dans l’ambiance. Sur notre gauche, des portants en carton à l’effigie des trois précédentes versions de Football Manager. En face de nous, une salle de réunion avec en toile de fond, un petit encart publicitaire digne des panneaux pubs des plus grands clubs européens. Un grand écran, une grande table… mais ce sont surtout les post-it jaunes et rouges collés sur un des bureaux de la salle qui attirent notre attention. Leurs couleurs ne sont pas sans rappeler celles des… cartons d’un arbitre. Le pied de nez est volontaire et se confirme avec le contenu de ses « biscottes » improvisées et distribuées au cours des réunions : « Une seule personne parle», « Hé après ? » « Rejeté », « Tout le monde ferme sa g…. ». On vous laisse deviner quels propos font office de cartons rouges…

Watford ? En veux-tu, en voilà !
La suite du couloir est un vibrant hommage au club de Watford. Sur les murs trônent des photos d’anciennes gloires de l’équipe anglaise, actuel leader de Championship (2e Division anglaise). John McClelland, défenseur nord-irlandais. Les Taylor, milieu de terrain anglais. Les joueurs défilent. Tous inconnus au bataillon en France. Tous assurément emblématiques de Watford. Jusqu’à ce cliché de Gianfranco Zola. L’occasion de se souvenir que l’ancienne légende de Chelsea a managé le club de cœur du créateur de Football Manager, Miles Jacobson… avant de quitter ses fonctions il y a pratiquement un an, en décembre 2013.

En pause, ça joue au foot… et aussi au catch !
A force de s’enfoncer dans le couloir principal, on finit par trouver ce que l’on est venu chercher : à savoir des bureaux. Et si possible, un open space. Celui du cinquième étage est immense. Là encore, le décorum est 100 % tourné vers la promotion de Football Manager. On demande gentiment à filmer le personnel de Sports Interactive en plein travail. Le refus est poli… mais pas définitif. Il va falloir négocier. Cieran va directement s’entretenir avec un de ses collègues. En l’attendant, on décide de prendre d’assaut la salle de pause, située tout au fond du couloir, à gauche. Celle-ci se compose d’un grand lavabo, de deux frigos, d’une table basse avec quelques magazines et… une console de jeux. Non deux. Une Playstation 3 et une Xbox 360. Les jeux ? Du catch, un exemplaire de PES 6 et les deux dernières versions de FIFA. On s’imagine alors déjà défier l’un des développeurs de Football Manager. Et tenter de lui soutirer quelques-uns des secrets de fabrication du jeu. Mais après avoir fait le pied de grue pendant de longues minutes, pas âme qui vive. On retourne donc à l’open space.
Silence… on bosse !
Cette fois, nous sommes dans LA place. D’ailleurs, le paillasson estampillé Football Manager nous le confirme d’entrée. Un peu timide, nous faisons notre entrée. De manière très collective, le « staff » de Sports Interactive nous rend la politesse. Et la gêne. Les regards sont souriants mais un peu perplexes. Comme avec l’employé croisé plus tôt dans la journée, on sent que les équipes de Sports Interactive ne sont pas à l’aise à l’idée d’être filmées. Là encore, on négocie avec Cieran, qui nous permet, au départ, de filmer seulement de dos un de ses collègues. Puis un autre, de côté. Enfin, de la façon que l’on veut. L’étau se desserre un peu. Mais l’ambiance, elle, reste on ne peut plus studieuse. Et digne d’un silence de cathédrale. A part les bruits feutrés de notre pied de caméra et les clics incessants des développeurs, tous concentrés sur leur partie, le moindre son n’existe pas.
Le bureau de Miles ? Mieux que la caverne d’Ali Baba
Pas le temps de tergiverser. Ni de questionner en face à face l’un des membres de l’équipe. De retour en salle de réunion, Tom Davidson, l’un des développeurs du jeu, nous fait une présentation de Football Manager 2015. Pas un moindre mal, tant certaines innovations ne sautent pas toujours aux yeux, même après plusieurs heures de jeu. On décide de mettre un terme au « show » de Tom pour lui proposer une petite interview. Il est d’accord, pas Cieran, qui nous rappelle que le boss, Miles Jacobson, nous attend pour une interview. Tant pis pour Tom, tant pis pour nous. On monte au 6e. Une fois arrivés, on fait rapidement connaissance avec la data room, là où les scouts travaillent, dorment, mangent et pensent Football Manager, futures pépites, joueurs confirmés et notation des joueurs. Malgré la pression de Cieran, on arrive à voler quelques images du lieu, tout ce qu’il y a de plus conventionnel et classique dans l’univers de l’open space. Rien à voir donc avec le bureau de Miles, qui fait figure de véritable OVNI au sein de la Classic House.
Au paradis des geeks !
Car on y trouve de tout ! Un encart publicitaire Football Manager of course. Mais aussi plusieurs maillots dédicacés, ceux de Rooney, Cristiano Ronaldo, Lionel Messi. Des ballons de foot, beaucoup. Un coussin en forme de maillot de Watford. Un canapé. Une des répliques officielles de la flamme olympique. Et des Pokémon, une autre addiction de Miles, juchés au-dessus de l’armoire située derrière lui. Bref, un vrai paradis pour les geeks. Qu’on n’aura pas le temps d’explorer de plus près. D’abord parce que Miles nous accorde quelques minutes de son précieux temps pour une interview. Et que derrière, il faut déjà partir. Frustré, un peu, de ne pas avoir eu le temps de percer quelques secrets au sein des locaux de Sports Interactive. Mais satisfait, aussi, d’avoir pu approcher de près ceux qui ruinent une partie des nuits de millions de personnes, remettent en cause un mariage voire un emploi, qui sait. On s’attendait à trouver des gens orgueilleux, peut-être même trop sûrs d’eux, car bien au fait de leur renommée. A la place, nous avons découvert une équipe jeune, pas forcément adepte de la grosse gastronomie au travail (chips, sandwiches et coca au menu ce jour-là, un repas 100 % foot !), humble, timide et déterminée à cultiver le secret jusqu’au bout. Rien de plus normal après tout lorsqu’on sait que Sports Interactive travaille déjà sur… les quatre prochaines versions du jeu ! Rien de plus normal, finalement surtout. Car si Football Manager révélait tous ses secrets, sa connexion à la réalité serait beaucoup moins… bluffante.