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Ville futuriste, stade suspendu dans les airs, salaires XXL: Neom, ce club saoudien qui affole le mercato

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Inconnu il y a encore un an, le club saoudien de Neom est aujourd’hui dans le Top 20 des plus dépensiers sur le marché des transferts. Sa particularité: il est au cœur d’un projet futuriste et s’est offert cinq anciens joueurs de Ligue 1, en attendant le monégasque Saïmon Bouabré.

Le départ annoncé de Saïmon Bouabré de Monaco vers Neom a confirmé deux tendances: le club saoudien a un sacré attrait pour la Ligue 1 et il parvient aussi à convaincre de jeunes joueurs très prometteurs. Car Bouabré, 19 ans, succède à Nathan Zézé, 20 ans et parti de Nantes contre plus de 20 millions d’euros. Qui lui-même est arrivé après Marcin Bulka (25 ans), ancien gardien de Nice, et l’ex-Rémois Amadou Koné (20 ans). Jusqu’ici, les clubs saoudiens réussissaient plutôt à attirer des joueurs expérimentés à l’image de Lacazette et Benrahma, aussi à Neom, Benzema (Al-Ittihad), Neymar (Al-Hilal) ou Ronaldo (Al-Nassr) un peu plus tôt.

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Un projet à 500 milliards

Mais entendre très régulièrement le nom de Neom plutôt que ceux d’autres clubs du Royaume est tout sauf un hasard. Car le club incarne un projet plus global. Celui de transformer une région, dans le Nord-Ouest, où on trouve plage, désert et montagne, dans le cadre du projet de transformation et modernisation du pays, appelé "Vision 2030". Budget: 500 milliards d’euros. "Lancé en 2017 par Son Altesse Royale le Prince Mohammed bin Salman bin Abdulaziz, Prince héritier et Premier ministre, NEOM est une région futuriste du nord-ouest de l’Arabie saoudite alimentée à 100% par des énergies renouvelables", lit-on sur le site du projet. "Dirigé par le Fonds d’investissement public, NEOM est un lieu qui donne la priorité aux personnes et à la nature, créant ainsi un nouveau modèle de vie, de travail et de prospérité durables. C’est un lieu où l’humanité peut progresser sans compromettre la santé de la planète." Une ville appelée "The Line", de 170km de long, 200m de large et 500m de haut devait être construite depuis la mer rouge. Le projet a été revu à la baisse et elle ne devrait finalement faire que 2,7 km de long. Pour le moment, les travaux sont en cours et ne semblent pas avancer au rythme espéré.

"Il se positionne à l’international"

Mais pour mettre en avant ce grand projet futuriste, le royaume a décidé d’y développer un grand club et a donc racheté en 2023 le Neom SC, anciennement Al-Suqoor (fondé en 1965) et donc délocalisé. "C’est un club multisport: tennis, basket, billard, handball…", détaille Jeremy Hajji, journaliste et producteur pour la Saudi Pro League. "C’est du soft power, bien sûr", avoue-t-il. "C’est aussi varier les investissements pour ne pas être dépendant que du pétrole. Le royaume veut développer le sport pour attirer, à terme, des investissements étrangers. Le club a pris de l’ampleur dans le cadre de ce grand projet Vision 2030, avec l’objectif pour la région d’avoir une place forte dans le secteur touristique mais aussi sportif." Il végétait en troisième division avant son rachat et vient d’être sacré champion de D2. "C’est d’abord un positionnement par rapport aux autres grands clubs du championnat. Neom veut avant tout être un acteur qui compte en première division saoudienne", nuance Jean-Baptiste Guégan, spécialiste de la géopolitique du sport. "L’idée est aussi de peser en Asie. Il se positionne aussi à l’international avec ce type de transferts pour faire exister la marque Neom. Il sait que ça va faire parler de lui, de la marque de la nouvelle métropole. L’idée est d’abord de ne pas être ridicule, sinon ils iraient acheter Rodrygo ou Vinicius."

Des salaires énormes

C’est pour toutes ces raisons que le club, financé indirectement par le fond public d’investissement saoudien et donc aux moyens immenses, enchaîne les recrues. Avec un argument majeur: le salaire. Nathan Zézé aurait multiplié par dix ses émoluments alors que Saïmon Bouabré doit toucher un revenu XXL, alors qu’il ne compte que quatre matchs en Ligue 1. "C’est évident que ça joue", dit Jérémy Hajji. "Les joueurs sont de plus en plus conscients que leur carrière est courte, qu’elle peut s’arrêter à tout moment à cause d’une blessure. Quand vous pouvez gagner sept fois plus en salaire vous ne réfléchissez pas très longtemps. Les joueurs se plaisent ici, il y a de la sécurité, l’ambiance est bonne, les gens sont charmants et respectueux." Jean-Baptiste Guégan ajoute: "Le cadre n’est pas très attirant, donc l’entité fait venir des joueurs avec des salaires surélevés. Il paye son ticket d’entrée pour faire partie des clubs attractifs c’est pour ça aussi qui surpaye les transferts."

La patte Christophe Galtier

Les clubs aussi n’hésitent pas à tendre l’oreille dès que Neom s’intéresse à un de leurs joueurs. Nantes a réussi la meilleure vente de son histoire. Bouabré part pour plus de 10 millions à un an de la fin de son contrat. Une aubaine pour les clubs français dans une contexte économique désastreux. Et c’est notamment grâce à… Christophe Galtier, nouvel entraîneur de Neom. "Il est clair que dès son arrivée, les premières rumeurs Lacazette, Tolisso et autres joueurs de Ligue 1 sont arrivées", détaille Hajji. "Avant il n’y en avait pas. Galtier a clairement mis sa patte. On sait que les transferts se sont aussi grâce aux agents, et Galtier en connaît, qui ont pu lui proposer certains joueurs." L’ancien entraîneur du PSG collabore avec son nouveau directeur sportif grec, Kyriakos Dourekas, arrivé cet été après un passage réussi à Nottingham Forrest. Il a fait monter l’équipe anglaise en Premier League et l’a mené jusqu’à la Coupe d’Europe. C’est aussi la volonté du dirigeant de ne pas recruter de superstars comme d’autres ont pu le faire par le passé, mais des éléments jeunes, prometteurs et revendables en Europe d’ici quelques années. Reste que pour le moment, si le projet sur le terrain avance très bien, le reste patine.

Un stade toujours en attente

Neom joue dans un vieux stade de 12.000 places dans la ville de Tabuk, à 150 kilomètres de la future ville. Les joueurs vivent majoritairement à Tabuk, environ 600.000 habitants, qui se développe avec les chantiers alentours et l’arrivée de main d’œuvre étrangère mais moins animée que Djeddah ou Riyad. D’ailleurs, le traitement des ouvriers et des tribus déplacées a déjà fait bondir certaines organisations.

Pour suivre l’équipe, un groupe d’ultra été créé tout récemment avec la montée mais "il n’y a pas encore un élan énorme avec un grosse base de fans", reconnaît Jérémy Hajji. Le Neom SC attend encore son nouveau stade futuriste, censé être prêt pour la Coupe du monde 2034. Mais comme la ville "The Line", il n'avance pas pour le moment. Pourtant, il attire une très grande curiosité. Selon la présentation, il doit être suspendu 350 mètres au-dessus du sol avec une capacité de 46.000 places et couvert… Mais il est probable qu’une grande partie des joueurs achetés sera partie lors de son inauguration. En attendant, Neom visera le Top 5 de la Saudi Pro League dès cette saison.

Valentin Jamin