Supporters PSG-Zagreb : « Des professionnels de la violence »

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Comment jugez-vous ces incidents entre supporters du PSG et du Dinamo Zagreb, lundi soir à Bastille ?
Cette bagarre est relativement classique par rapport à ce qu’on voyait lors des années précédentes. On avait vu des incidents assez similaires lors de PSG-Twente avant le Plan Leproux, à savoir des hooligans étrangers qui se posent dans la ville et qui sont trouvés par les hooligans parisiens. La principale nouveauté est qu’au vu des mesures de sécurité, les affrontements se déplacent dans l’espace et le temps. Dans les années 1990, les affrontements se déroulaient autour du Parc des Princes. Dans les années 2000, ils se passaient la journée du match. Et maintenant que l’ensemble de la journée est sécurisée sur l’ensemble de la ville, les incidents ont tendance à se reporter quelques jours avant le match, et on voit ça dans toute l’Europe.
Quels types d’individus participent à ces « fights », alors que le Plan Leproux est en vigueur depuis 2010 ?
J’ai l’impression qu’il y a une grande continuité dans les profils des supporters parisiens impliqués dans les bagarres de lundi soir. Ce sont, en gros, ceux qui étaient actifs sur la scène hooligan à la fin des années 2000 et qui continuent, quand ils en ont la possibilité, de participer à des affrontements. Certains participent à des « fights » dans des forêts ou des lieux excentrés. D’autres tentent d’avoir des affrontements lors des matchs européens.
Il n’y a donc rien de nouveau dans ces affrontements ?
Il y avait des anciens hooligans de Boulogne et des anciens supporters d’Auteuil qui étaient ensemble face aux Croates, ce qui n’est pas complétement une nouveauté, mais qui est tout de même intéressant à relever. Entre les factions parisiennes présentes lundi, il y avait déjà eu des bagarres communes contre des adversaires communs.
« Le Plan Leproux a un peu manqué sa cible »
L’opposition entre Boulogne et Auteuil est-elle encore aussi vivace qu’auparavant ?
Le conflit est toujours vivace entre certaines factions d’Auteuil et de Boulogne, mais il s’est atténué entre d’autres. C’est un microcosme extrêmement difficile à comprendre quand on le voit de l’extérieur. Il y a encore certaines factions extrêmement rivales qui vont s’affronter dans des bars ou autour de concerts. D’autres ont cherché à se rapprocher pour lutter contre le Plan Leproux ou pour provoquer des incidents.
Pourquoi le Plan Leproux n’arrive-t-il pas à endiguer le hooliganisme à Paris ?
Il faut être lucide. La politique de lutte contre le hooliganisme peut limiter les problèmes. C’est un leurre de penser qu’elle va éradiquer complétement les violences. Une partie des individus qui s’intéressent au football souhaite de toute façon se battre. Ces gens-là vont donc tenter de s’adapter au dispositif policier. Le Plan Leproux est arrivé à un moment nécessaire pour avoir une action extrêmement ferme par rapport aux dérives qu’il pouvait y avoir. Mais il faut aussi s’interroger sur les effets pervers de ce Plan Leproux, qui a un peu manqué sa cible, à savoir les individus les plus violents. Ceux-là arrivent à s’adapter car ce qui compte pour eux, c’est de se battre en marge des stades. Et en voulant toucher les plus durs, on a ratissé très large et on prend dans les filets des individus pas concernés par ces violences. On ne pourra jamais éradiquer complétement les violences.
Est-on entré dans une nouvelle ère du hooliganisme ?
L’histoire du hooliganisme est une perpétuelle adaptation aux mesures policières pour lutter contre la violence. Donc, de fait, le hooliganisme s’adapte, devient éloigné des matchs et du stade. C’est pour ça qu’on a vu se développer des bagarres rangées, et pas le jour du match. Il y a une adaptation des professionnels de la violence, qui sont passionnés par ces incidents. Ils vont réussir à contourner le dispositif pour s’affronter entre eux.
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Une majorité de jeunes dans ces affrontements|||
Parmi la centaine de supporters parisiens à avoir participé aux affrontements face aux fans du Dinamo Zagreb lundi, une grande majorité est âgée d’une vingtaine d’années et est issue de la grande banlieue parisienne. Lors de cette rixe, la mouvance Auteuil, notamment la K-Soce Team, était plus représentée que celle de Boulogne, dont le noyau dur est plus âgé. Surtout, tous les milieux sociaux étaient représentés : chômeurs, cadres, employés,… « Ce sont des jeunes et des moins jeunes, avec quelques intentions politiques, qui essaient, en marge de rencontres de football, de commettre des actes de violence et de se donner une notoriété par rapport à cela, explique Antoine Boutonnet, chef de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme. Et c’est sur cette population-là qu’il peut y avoir une transversalité en ce qu’on appelle des ultras et des personnes qui commettent des actes de violence. » LB