Mercato: les explications d'un spécialiste de l'économie du football sur les dépenses folles de Chelsea

Comment analyser ce mercato très actif du côté de Chelsea ?
Le premier facteur s’explique avec la croissance des revenus de la Premier League. C’est un championnat très riche par rapport aux autres, c’est pratiquement deux fois le chiffre d’affaires des autres ligues. L’économie du football en Angleterre est en pleine croissance. Le deuxième facteur s’explique par les promesses de Todd Boehly lors de l’achat du club. Il y a eu un endettement et puis il y avait aussi l’engagement d’investir dans le club et dans les joueurs. Donc les ambitions du nouveau propriétaire sont respectées pour le moment avec ce montant dépensé lors du marché d’hiver.
On parle beaucoup des droits TV et des sponsors, la possibilité d’offrir des contrats très longue durée aux joueurs est aussi une arme importante ?
Oui, c’est un autre problème. Il y a les droits TV qui expliquent l’investissement important des américains dans les ligues en Europe. Les droits internationaux vont dépasser les revenus domestiques, c’est le premier aspect. Pour les gros clubs, ils peuvent compter sur les revenus de sponsoring toujours efficaces. Les contrats longue durée c’est un autre problème. Chelsea peut dépenser, mais il faut rentrer dans les clous du Fair Play Financier. Signer des contrats longs permet d’étaler la charge des transferts sur la longueur du contrat. On peut trouver d’autres justifications comme le fait de signer des joueurs en devenir pour éviter une signature dans un autre club. Les joueurs recrutés cet hiver sont jeunes.
Ça permet de s’adapter avec les règles du fair-play financier…
Ça reste sous la réglementation des législations nationales. Là il y a une vraie différence si l’on compare le PSG et Chelsea par exemple. Chelsea n’est pas limité avec un contrat inférieur à cinq ans. Ça permet de recruter du monde et d’étaler le paiement, c'est un bel avantage. Pour le FPF, ça pose problème et il y a un vrai problème d’équité. Chelsea a recruté autant que toutes les autres ligues donc on peut dire que la messe est dite.
Todd Boehly veut un club satellite pour faire évoluer ses jeunes joueurs…
Il y a deux tendances, la première c’est l’arrivée des nouveaux actionnaires dans le football. Notamment des fonds d’investissement. La deuxième tendance, c’est la multiplication de la multipropriété. Il y a plusieurs logiques : une logique financière de diversification des risques ou une logique de formation. Chelsea se retrouve avec un effectif de 33 joueurs, cette idée pourrait satisfaire tout le monde. Acheter un autre club ou avoir un partenariat peut être intéressant pour Todd Boehly. Je pense que les actionnaires de Chelsea ont les moyens d’acheter un autre club. Après du côté de l’Angleterre, ça permet aussi de créer une concurrence plus forte. Chelsea a une vraie ambition sportive de monter une équipe compétitive, on verra si Todd Boehly va réussir comme aux États-Unis.
Le football repousse toujours les limites, les mercatos s’enchaînent et les montants s’envolent…
Beaucoup de gens pensent qu’il y a une bulle autour du football et qu’elle va exploser. Nous n’avons jamais dit ça. L’économie du football anglais connait une telle croissance des revenus, même si leur endettement est important, les transferts suivent. Ils se sont très vite remis du COVID. On a repris les échanges d’avant COVID. On pouvait craindre le Brexit mais finalement les effets sont limités. On a l’impression que le fossé entre la Premier League et les autres championnats est encore une fois en train de se creuser. Et je pense que ça correspond à la politique commerciale de la PL, ils ont réussi à se vendre de manière extrêmement bien notamment aux USA. C’est plus que la MLS aux USA. C’est un des facteurs qui peut expliquer la venue des milliardaires américains dans le foot européen.
C’est différent quand on voit des fonds investir en France ?
Oui, c’est différent, en investissant en PL on est dans le championnat d’élite avec une visibilité très forte. En Ligue 1, ça dépend dans quel club vous souhaitez investir. Mais l’autre question est de savoir si la Ligue 1 est toujours une ligue majeure. Je laisse un point d’interrogation. D’un côté vous avez une Ligue qui fait des bénéfices sur ses opérations courantes avant COVID, ne dégage pas beaucoup de profits car ils achètent énormément sur le marché des transferts. Et en Ligue 1, c’est l’inverse. La logique sportive est complètement l’inverse. Après ce qui est intéressant, c’est de voir ces américains arriver en Europe avec la culture américaine. Est-ce que c’est compatible avec la culture européenne ? C’est la grande question.