Vairelles soutenu par la profession

Tony Vairelles - -
« Ce que vous me dites me surprend ». A l’autre bout du fil, à chaque fois, la voix trahit une profonde et sincère surprise. Serge Romano, René Le Lamer et Roger Lemerre connaissent bien Tony Vairelles. Les deux premiers l’ont eu comme joueur et patron du côté de Gueugnon, tandis que le dernier l’a dirigé à Lens et l’a lancé en équipe de France. Mais aucun d’entre eux ne confirme l’existence d’un homme capable de péter les plombs, au point, au nom de la vengeance, de prendre part à une fusillade contre des videurs de boite de nuit. Au point d'avoir été placé en détention provisoire avec ses trois frères à la prison de Metz, mardi, par le parquet de Nancy pour tentative d'assassinat.
« S’il y a bien quelqu’un auquel je n’aurais jamais pensé, c’est bien lui, lâche Lemerre. J’ai du mal à croire qu’il ait pu faire de tels agissements. Je ne l’ai jamais vu dans des situations équivoques. C’était quelqu’un de très catho, de très croyant. » Un homme qui, pour beaucoup, a toujours suivi sa foi et affiché un profond amour pour la religion. Et dans les engagements qu’il tient, ce qui avait marqué Serge Romano lors de leur saison commune à Gueugnon (2010-11). « Pour moi, Tony Vairelles est une personne intègre. Je garde des souvenirs favorables de lui. Il n’y a jamais eu aucun travers, même avec son entourage au niveau du club, des joueurs...»
« Jamais mêlé à la moindre bagarre »
René Le Lamer (2009-10) n’en dira pas autant. En poste lors de l’arrivée du clan Vairelles, le technicien a eu toutes les peines du monde à s’adapter à ce dirigeant qui « voulait cumuler toutes les fonctions. » « J’avais dit lors de son arrivée sur le ton de la boutade : il y a cinq millions d’entraîneurs dans le monde, il a fallu que ça tombe sur moi. C’est délicat. Au départ, « on se dit pourquoi pas ? Ça peut fonctionner ». Mais en réalité, c’est quasiment impossible. Il a fallu que je le gère en tant que joueur, que je gère ses deux frères. Ce qui n’était pas facile vis-à-vis des autres joueurs. » La famille, en qui « il avait seulement confiance » (dixit Le Lamer), serait-elle la principale source des ennuis de Vairelles ? « D'après ce que j'entends et ce que je lis, ce seraient ses frères qui seraient à l'origine des choses, lâche Serge Romano. Les Vairelles ont un esprit très famille, ça ne date pas d’aujourd’hui. Est-ce qu’il a pété un câble pour défendre sa famille ? Je n’en sais rien. »
D’autant qu’à Gueugnon, on n’a pas gardé l’image d’un joueur violent. « Pendant une saison complète, il n’a jamais été mêlé à la moindre bagarre, continue Le Lamer. En rachetant le club, il a toujours dit qu’il se reconnaissait dans l’image des forgerons. Il a voulu montrer l’aspect d’un gars qui se bat, qui se défonce sur le terrain. Etre, quelque part, un exemple. » Tellement loin de celui qu’il montre aujourd’hui.
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Vairelles, l’incroyable chute
« C’est l’histoire d’un mec »... La suite n’est pas une reprise du sketch de Coluche. Mais plutôt le récit d’un joueur généreux dans l’effort qui a tutoyé les sommets, fait l’unanimité aussi auprès de ses entraîneurs, et marqué les esprits par son style atypique et sa coupe de cheveux qui lui vaudra le surnom d’« Elvis du Ballon Rond ». Avant de plonger, après plusieurs échecs, dans le sordide, samedi dernier en pleine nuit, en prenant part aux côtés de ses frères à une fusillade aux Quatre-As, une discothèque d’Essey-lès-Nancy.
Rien ne prédisposait « Tony le Gitan » – il a d’ailleurs été le premier joueur de cette communauté à endosser le maillot tricolore - à toucher le fond comme ça. Après quatre ans sous les couleurs de l’ASNL (1991-1995), Vairelles explose à Lens (1995-99) où il contribue largement (12 buts) au titre de champion en 1998. Le temps de refuser les avances du PSG, il file à Lyon (1999-2001), mais ne parviendra jamais à franchir la marche supérieure. Une brouille plus tard avec Jacques Santini, il s’en va traîner son spleen à Bordeaux (janvier-juin 2001). Avant de se refaire une santé à Bastia en 2001-02 (14 buts).
Mais la suite (Lyon de nouveau, Rennes, encore Bastia, Lierse et Tours) n’est pas du même acabit. Après un passage réussi à Dudelange, au cours duquel il remporte le championnat du Luxembourg (2009), Vairelles pose ses valises à Gueugnon avec la double casquette d’actionnaire-joueur. Son projet de reprise prend fin le 8 avril dernier après l’annonce par le tribunal de commerce de Mâcon de la liquidation du club. Dans l’histoire, il perdra plus de 250 000 € en fonds propres. Un échec de plus dans la carrière de Vairelles, grand absent du Mondial 1998 et qui n’aura pas, non plus, flambé en équipe de France (8 sélections, 1 but). Un écueil loin de faire, aujourd’hui, la une des journaux sportifs.