Annecy, les raisons d’un fiasco

C'est terminé pour Annecy 2018 et Charles Beigbeder - -
Un budget famélique
« Il faut au minimum 30 M€ pour espérer faire gagner une candidature de Jeux d’hiver ». Laurent Scharapan, expert en questions olympiques, un temps au service d’Annecy 2018, met en lumière ce qui est resté la principale faiblesse du dossier français. L’argent a toujours manqué, et quand Charles Beigbeder annonce au printemps qu’il a sécurisé 29,1 M€, Munich en est déjà au double, et Pyeongchang à plus du triple. La sous capitalisation de la candidature française a provoqué à l’hiver 2010 la démission d’Edgar Grospiron (« Je ne sais pas faire avec ce que j’ai »), le manque d’arguments pour enrôler les meilleurs communicants anglo-saxons, les exercices d’épiciers pour boucler les derniers voyages, les appels du pied au privé pour voler à l’œil (Air France) et s’habiller gratis (LVMH). « L’argent est un problème (pour Annecy) », avoue Sophie Dion, quelques semaines avant la dérouillée de Durban. Et ce n’est peut-être pas terminé, lorsqu’il faudra solder les activités du GIP Annecy 2018. L’Etat et les collectivités locales ont affirmé qu’elles ne mettraient pas un euro de plus en cas de déficit…
Un lobbying qui ne fait pas le poids
Les responsables français juraient qu’on ne les y reprendrait plus après s’être fait coiffer sur le fil par Londres en 2005 pour l’attribution des Jeux 2012 sur le terrain des « influenceurs ». Le fiasco de Durban montre qu’il n’en est rien. La France a du mal à peser dans les instances internationales. Les deux membres français du CIO, Jean-Claude Killy et Guy Drut ne pèsent pas autant qu’on voudrait le croire. Rares sont les Fédérations internationales qui ont un Français à leur tête : Bernard Lapasset (IRB), Michel Platini (UEFA), Jean Todt (FIA)… des disciplines qui ne pèsent pas dans la géopolitique olympique. Difficile dans ce cas de trouver les prescripteurs qui permettent de faire passer les bons messages aux bonnes personnes. La faiblesse française se retrouve sur le terrain des consultants olympiques. Andrew Craig, recruté tardivement par Havas, n’a pas fait le poids face aux cadors Mike Lee et Terence Burns débauchés par Pyeongchang, et Jon Tibbs qui a rejoint Munich.
Une candidature sans leadership
En trois ans, la candidature française a connu trois gouvernances différentes. Collégiale en 2009 et menée par les acteurs politiques d’Annecy et de la Haute-Savoie ; sportive et olympique en 2010 avec Edgar Grospiron, soutenu par Jean-Claude Killy ; entrepreneuriale en 2011 et pilotée par l’Elysée, avec Charles Beigbeder. Les rivalités de pré-carré n’ont jamais permis à Annecy 2018 de marcher droit, comme ce fut le cas pour Pyeongchang. L’amateurisme des débuts a précédé les luttes de pouvoir entre Jean-Luc Rigaut, maire d’Annecy, et Jean-Claude Killy. Avec la démission de son poulain, Edgar Grospiron, le héros de Grenoble 1968 a limité a minima son soutien. Alors que la candidature est au bord du dépôt de bilan, l’Elysée, via Chantal Jouanno, reprend les choses en main. La nomination d’un chef d’entreprise, comme Claude Bébéar pour Paris 2008 ou Arnaud Lagardère pour Paris 2012, n’a rien changé. L’incapacité de Beigbeder à lever des fonds a consommé la confiance que lui accordait la ministre des Sports. « L’ambiance est très bonne, on est tous unis », clamait Jouanno avant le vote. Y compris dans la défaite ?
Un projet en mal de popularité
Le cœur même d’Annecy 2018 n’a jamais vraiment battu pour la campagne de candidature. Contrairement aux habitants de Munich et Pyeongchang, les habitants de la cité de Haute-Savoie ont toujours contesté le projet présenté par leurs élus. Un sondage IFOP réalisé pour le comité de candidature en mai prenait soin de n’interroger que les populations de Haute-Savoie et de Savoie. « La candidature concerne 13 communes, et pas seulement Annecy », justifiait-on. Quelques jours plus tard, un sondage Opinion Way mené pour la radio ODS montrait qu’une majorité d’Annéciens étaient hostile à la tenue des Jeux. Les manifestations d’anti-JO à Lausanne ont fini d’écorner l’image d’une candidature faible sur ses appuis. « On a trop délaissé le local pour des raisons budgétaires », déplore Bernard Accoyer, maire d’Annecy-le-Vieux, président de l’Assemblée nationale, et ardent promoteur du projet. L’argent, encore et toujours.