
Avant Tokyo, les meilleurs souvenirs olympiques de Mélina Robert-Michon, symbole de l’esprit JO

Melina Robert-Michon - AFP
"I will persist until i succeed". Ce slogan "Je continuerai jusqu’à ce que je réussisse", issu d’un clip monté en l’honneur de la française, résume tout ce qui est l’esprit des Jeux. Jeune fille ayant grandi à la campagne près de Grenoble, dans une famille d’agriculteurs, Mélina Robert-Michon n’a jamais osé rêvé d’une participation aux Jeux olympiques. Et pourtant, malgré les obstacles et les déceptions, la discobole est passée du 29e rang aux Jeux de Sydney en 2000, à la médaille d’argent tant espérée en 2016, après cinq olympiades. Robert-Michon a aujourd’hui 42 ans, maman de deux petites filles, et fait toujours partie des meilleures chances de médailles de l’équipe de France d’athlétisme aux Jeux olympiques de Tokyo. Du trac d’un essai raté devant 110.000 spectateurs aux galères de transport à Rio, la vice-championne olympique du disque nous détaille chaque édition, et ses plus beaux moments.
Premiers Jeux olympiques: Sydney 2000. Mélina Robert-Michon a 21 ans. Elle termine 29e avec un jet à 54m11.
"C’était l’inconnu. J’avais des yeux d’enfants, c’était beaucoup de choses nouvelles d’un coup, je me suis retrouvée dans un stade vraiment grand. Il devait y avoir 110.000 spectateurs pour des qualifs, complètement plein… je mets le premier jet dans la cage, et j’entends tout le stade qui fait "ahhhhh" cela m’a assommé direct, je ne m’en suis pas remise".
Deuxièmes Jeux olympiques: Athènes 2004. Mélina Robert-Michon a 25 ans. Elle termine 31e avec un jet à 56m70.
"J’avais beaucoup de pression. Je sortais des Mondiaux de Paris en 2003 où j’étais dans le top 10 pour la première fois. J’arrivais avec de l’ambition, et je n’ai pas réussi à gérer toute cette pression. Vraiment la grosse déception de ma carrière."
Troisièmes Jeux olympiques: Pékin 2008. Mélina Robert-Michon a 29 ans. Elle termine 7e avec un jet à 60m66 en finale.
"C’est une prise de conscience et de confiance. Première place de finaliste olympique donc c’est une étape pour moi et une étape très importante. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de faire un choix, celui de continuer ou d’arrêter ma carrière. Et si je continuais, je savais que j’étais arrivé au bout de l’aventure dans le système mis en place et il fallait changer. J’ai tenté l’aventure de ne faire que ça, me consacrer à l’athlétisme, voir ce que cela donnait pour ne pas avoir de regrets plus tard."
Quatrièmes Jeux olympiques: Londres 2012. Mélina Robert-Michon a 33 ans et maman d’une petite fille. Elle termine 5e avec un jet à 63m98 en finale.
"C’est le déclic. C’était censé être mes derniers Jeux et finalement je suis 5e, je revenais de ma première grossesse. Il y a eu beaucoup d’émotions sur cette compétition, je les vivais comme mes derniers moments. Et à la fin, je me dis ‘wahou, 5e c’est vraiment au pied du podium’, je ne peux pas m’arrêter si près, j’ai fait toute ma carrière pour ça et maintenant que j’y suis presque. Je ne peux pas arrêter. Je me suis dit ‘allez encore un an’, et finalement je suis allé jusqu’aux Jeux de Rio."
Cinquièmes Jeux olympiques : Rio 2016. Mélina Robert-Michon a 37 ans. Elle remporte la médaille d’argent avec un jet à 66m73, record de France en prime.
"Une vraie consécration. C’était encore les derniers Jeux alors c’était la consécration forcément. Je les vivais comme ça en tout cas (rires). Et cela a fait du bien, le soulagement de me dire que je n’ai pas fait tout ça pour rien. Ça valait le coup d’attendre parce que c’était long mais du coup les émotions étaient à la hauteur de tout ça. Elles ont été encore plus forte et une fois que tu as goûté à ça, tu n’as plus envie de t’arrêter."
Le best-of olympique de Mélina Robert-Michon
Mélina Robert-Michon arrive au Japon pour ses sixièmes Jeux olympiques, et pense déjà à Paris 2024. "C’est seulement dans trois ans, et c’est à la maison! Si je n’ai ne serait-ce qu’une chance d’y participer, j’irai!" Si elle rêve encore à 42 ans, c’est que les Jeux lui ont apporté sa dose de souvenirs impérissables et d’émotions impossibles à imaginer lorsqu’elle était jeune lanceuse de disque dans son lycée Isérois.
Ta plus belle émotion?
"A part la médaille d’argent évidemment, je dirais le premier défilé à Sydney lorsqu’on rentre dans le stade olympique avec la tenue. La cérémonie d’ouverture, c’est un ‘truc’…. Mes parents m’ont dit ‘on t’a vu à la télé tu avais l’air perdue’ et c’est vrai, je ne savais même plus où regarder. J’avais l’impression d’être dans un rêve, c’est juste des émotions immenses… cette première cérémonie était forte parce que c’est le symbole des Jeux, c’est le porte-drapeau et tout ce qui va avec. Et quand j’y repense c’était le début d’une nouvelle vie."
Ta pire émotion?
"C’est à Athènes… mais choisir un moment précis c’est difficile… Ça doit être l’esprit qui fait cela, mais j’ai assez peu de souvenirs de la compétition d’Athènes. Je ne me revois pas après les qualifs, je ne me revois pas… Je pense que mon cerveau a vite zappé tout cela. Mais je me souviens de la saison qui a suivi après et j’ai mis vraiment du temps à m’en remettre. Je me suis blessée en 2005 car je n’avais pas digéré cette contre-performance."
Ton pire moment de solitude olympique?
"C’est quand je mets mon premier essai du concours dans la cage à Sydney et j’entends vraiment tout le stade qui fait ‘ouhhhh’ et je me dis ‘ah ouais en fait tout le monde me regarde’ et ça m’a vraiment assommé!"
Ton moment préféré aux Jeux?
"C’est quand tu arrives, tu te promènes dans le village et tu te dis ‘ah ouais, c’est tel ou tel athlète en face de toi’ parce que tout le monde est au village, c’est énorme. A Sydney, donc mes premiers Jeux, je regardais tout avec des grands yeux et j’avais fait une photo avec Gustavo Kuerten! La star du tennis à l’époque. Les Jeux c’est ça en fait : qui que tu sois, ta discipline, ta nationalité, tout le monde est hébergé là-bas, tu manges avec les autres. Ce côté universel me plaît. C’est un monde parallèle. A Sydney, on avait un petit jeton, on pouvait tout prendre avec, les boissons que tu veux. Une ville dans la ville et c’est vrai que le retour à la réalité n’est pas toujours facile."
Ton moment de sport olympique favori, vécu sur place?
"La finale du handball à Londres (ndlr: France – Suède, 22-21) parce que c’était le dernier jour de la compétition et tous les athlètes français qui étaient encore là y sont allés. Je crois qu’on devait avoir dix billets, on a dû rentrer à 100 (rires). On était tous là, cette équipe de France derrière l’équipe de France. J’avais adoré ce moment-là et en plus ils gagnent. C’était hyper fort et tu te dis ouais l’équipe de France olympique c’est ça!"
Le sportif qui t’a le plus impressionné?
"Je n’ai pas des yeux de fan mais j’admire beaucoup Teddy Riner. Gagner c’est fort mais le plus dur c’est de durer et de gagner encore. La capacité à se remettre en cause, et d’être attendu tout le temps et de répondre présent, c’est des trucs que j’admire beaucoup."
La meilleure organisation?
"Londres ou Pékin. Les deux étaient parfaites. Différemment c’est vrai parce que Pékin on sent que tout est millimétré, il y a une ligne, personne ne passe la ligne. Londres parce qu’ils ont cette passion du sport et tu sentais l’engouement d’un pays pour cet événement."
La pire organisation?
"Athènes et Rio se valent mais je pense que c’est quand même Rio 2016…Parfois, on avait des navettes supprimées au dernier moment. Pour situer, sur la dernière séance qu’on a faite sur Rio, mon entraineur a mis 4h30 pour arriver au stade parce que personne ne savait où était le stade, personne n’arrivait à lui indiquer, le taxi s’est perdu… On en parle encore de cette anecdote… Pendant la séance, je me suis dit ce n’est pas le moment de le faire chier (rires) parce qu’il vient de passer cinq heures dans la voiture… ce n’est pas le moment de faire une mauvaise séance."
Le meilleur public?
"Londres! Les Anglais sont vraiment passionnés de sport et il n’y pas ce côté téléguidé où par exemple c’est le départ du 100m on dit ‘chut’ et tout le monde se tait. Là, s’il y a un Anglais qui passe une barre ou réussi un essai, tout le monde se lève et tout le monde crie. Ce côté spontané m’a plu."
Le pire?
"Non il n’y a pas de pire public, c’est plutôt des cultures différentes. A Rio, c’est vrai qu’il y avait beaucoup moins de monde, c’était plus calme mais non il n’y a pas de pire public, je ne pense pas."
Le plus beau stade?
"J’ai beaucoup aimé Pékin, le nid d’oiseau. Et Londres aussi, j’ai vraiment adoré ces stades, hyper chaleureux et conviviaux."
Le pire stade?
"Rio ce n’était pas le plus joli quand même (sourire). J’ai vraiment le bon souvenir de la médaille mais le reste ce n’était pas forcément top. Le stade était assez petit, perdu et loin de tout. D’habitude, le stade d’athlé, c’est le stade olympique donc c’est le grand stade avec la flamme. Mais ce n’est pas grave, ca ne m’a pas empêché de réussir!"
La meilleure équipe de France olympique?
(Elle hésite) "Je dirais Londres parce que c’est celle où j’ai dû rester le plus longtemps au village. Il y a aussi le timing, parfois on arrive au dernier moment, on n’est pas forcément logé sur place. Londres je me souviens des bons moments, du retour en train à Paris avec tous les athlètes. C’est l’occasion de découvrir d’autres sportifs, à part quand tu es à l’INSEP, tu vois d’autres façon de s’entraîner, de vivre."
Le voyage qui t’a fait rêver?
"Forcément, l’Australie parce que c’est le bout du monde et c’était le plus dépaysant… l’immensité… moi qui vient de la campagne! Le contraste entre les buildings de Sydney et à quelques kilomètres, hop tu te retrouves à la campagne."