
Ce village que les JO ne veulent pas voir

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Quartier East Side, le soleil surplombe la rue Hastings. Et pourtant... Sous les buildings, un campement de plusieurs dizaines de tentes rouges. Derrière le grillage, à même le trottoir, ils sont entre cent et deux cents suivant les jours, tentant de survivre et d’attirer l’attention pendant les Jeux Olympiques. Des panneaux sont là pour rappeler aux rares passants qu’ils existent : « Les tentes olympiques » « Des logements pour tous » « Ce n’est pas un jeu ici », peut-on notamment lire. L’atmosphère sent la Marijuana, le crack.
Les « habitants » de ce baraquement de fortune n’ont ni eau, ni électricité, ni salle de bain, ni toilettes. Seul le bitume et le sentiment d’avoir été abandonné par le gouvernement canadien. « Les gens vivent dans ce trou à rats. Ils restent tous ensemble parce qu’ils ne savent pas quoi faire. Ils se saoulent pour oublier leurs malheurs. On dort sous la flotte, dans le froid, à même le sol parfois. Nous sommes des déchets pour le gouvernement. On nous traite comme des animaux, mais nous sommes des êtres humains », pleure Elena Durochin, porte parole improvisée des SDF.
A l’intérieur du campement, des femmes battues, des vieillards, des enfants abandonnés.
Chacun a son histoire, son destin mais la finalité est la même dans cette zone où se mêlent dealers de crack, chômeurs sans avenir, séropositifs et autres paumés en mal d’affection. 500 dollars pour vivre, une misère réduite de moitié si Elena et ses compagnons voulaient louer un appartement. Ils n’ont donc pas le choix.
« Ils sont où les appartements promis ? »
Le quartier est sous tension, car les descentes de police sont fréquentes et souvent violentes : « Nous avons peur de la police car il suffit de boire une bière pour terminer en prison et prendre une amende de 200 dollars. Quand les flics nous voient, nous sommes obligés d’écraser nos pipes à crack », lâche Eric Castomguay, dans la rue depuis un an et demi. L’homme a un casier judiciaire, des « bêtises de jeunesse », dit-il. L’air d’avoir 50 ans, Eric en a 17 de moins. Un cancer, une maladie cardiaque et les poumons en mauvais état mais qu’importe : « Je suis bénévole pour une association qui essaie d’aider les gens ici. Le gouvernement m’a même félicité pour le travail que je faisais. Et après ? Nous avons tous voté pour le maire de Vancouver qui nous avait promis des logements avant les Jeux Olympiques. Ils sont où ces appartements ? » fulmine-t-il.
Les autorités sont pointées du doigt et une histoire dérange à East Side. Il y a un mois, le maire de la ville a été arrêté dans un autre quartier de la ville. Au volant de sa voiture, l’homme était en état d’ébriété et a sa voiture a été confisquée. Evidemment, aucune sanction pour l’élu de la ville alors qu’à East Side, uriner dans la rue suffit parfois à se faire rouer de coups par les policiers.
A moins de 500 mètres de la pauvreté, les Jeux Olympiques se déroulent comme si de rien n’était. La flamme rayonne aux yeux de tous, comme pour détourner l’attention et oublier ces sans-abris. Mais les JO ne sont pas le prétexte de ce campement : « Nous ne voulons pas manifester contre les Jeux Olympiques. Si nous le faisions, ça reviendrait à être violent. Or nous sommes pacifistes », assure Eléna Durochin. Plus d’un milliard de dollars canadiens ont été investis dans la sécurité. Eric, Elena et les autres n’en demandent pas tant. Juste un toit et un endroit décent pour se laisser mourir. « Nous sommes tous condamnés », conclut Eric, le regard déjà absent.