Championnats d’Europe de lutte: les Mousquetaires caucasiens de l’équipe de France

Le lutteur français Rakhim Magamadov, 16 septembre 2023 - ICON Sport
C’est l’équipe dans l’équipe. Mais pas l’Etat dans l’Etat. Quatre amis que la lutte a rapproché à l’Insep. Quatre combattants qui viennent du même coin du Caucase, entre Daghestan et Tchétchénie. Il y a un petit côté Dalton chez Khamzat Arsamerzouev, Zelimkhan Khajiev, Rakhim Magamadov et Adlan Vishkanov. Moins sur la taille que la taille des biscottos du petit Khamzat jusqu’aux longs bras musclés du Niçois Adlan, pensionnaire des moins de 97 kilos. La comparaison s’arrête là. La bande des quatre est plus douée dans son domaine que les affreux en pyjamas rayés de l’Ouest américain. Ça se branche beaucoup entre eux ce mardi sur le tapis de l’Insep. Le groupe rentre d’un long stage dans l’université de Yamanashi au Japon.
"Chaque fois qu’on est au Japon ce sont des entrainements de fou", rappelle Zelimkham Khadjiev. "Cette fois-ci on devait rester en poirier deux minutes, trois fois, sans poser la tête. En dessous, ce sont des cailloux." Encore rincés par le décalage horaire, ils transpirent fort à quelques jours de l’Euro sous les regards de leurs coaches Didier Païs et Luca Lampis. Deux entraîneurs un peu papas qui n’ont jamais hésité à jeter un œil dans les agendas de leurs athlètes pour les rappeler à leurs obligations ou les aider s’ils rencontrent un problème hors-lutte. "On est très solidaire", appuie Rakhim Magamadov, ancien champion du monde junior et récent vice-champion d’Europe U23. On a plein de choses en commun qu’on partage en dehors de la lutte. Si quelqu’un a un pépin quelqu’un est là." Comme le rappelle le moins de 65 kilos Khamzat Arsamerzouev: "On est pote avec tout le monde."
Il n’y a pas le groupe des Tchétchènes et des autres. Dans les allées de l’Insep, ces lutteurs sont un point de repère. Ils ne quittent les lieux que pour leurs stages, préférant rester entre eux avant le prochain entraînement: "On aime se poser dans une chambre boire un thé ou un chocolat", explique Magamadov. "On boit du café", le corrige avec le sourire Zelimkham Khadjiev. "Un petit cappuccino, qu’est-ce qu’il raconte?"
Khadjiev le taulier
A 30 ans, Khadjiev est le plus ancien de la bande. Il a été le premier champion du monde français en lutte chez les juniors, avant d’être imité par Magamadov. Il a brillé à l’Euro senior avec plusieurs médailles. De retour de suspension pour dopage depuis un an, il a repris sa progression avec une prestigieuse victoire au tournoi Ranking Series de Zagreb cet hiver, une performance jamais réalisée par un Bleu. Il a créé un sillage pour ses "petits". Khadjiev, toujours rayonnant lorsqu’il raconte ses amis préfère que les jeunes viennent lui demander conseil avant d’agir sur un coup de tête: "Ils sont tous motivés, ils ont du talent et surtout ils s’entrainent beaucoup. Il faut un petit palier mental à dépasser et je suis sûr que d’ici un ou deux ans ils auront leur médaille en senior. Los Angeles 2028 c’est pour eux."
Avant Paris 2024, aucun n’avait réussi à se sortir de l’enfer des tournois de qualification olympique laissant la libre sans représentant. Magamadov, 22 ans, le meilleur espoir, a connu une série de problèmes personnels, avant de retrouver un niveau intéressant cet hiver. Le Montalbanais des 86 kilos, spécialiste du croisé de cheville lors des passages au sol, peut être le leader de cette génération avec sa lutte tonitruante. Lors de ses débuts en senior, il avait frôlé le match à médaille lors du championnat du monde, s’inclinant en quart de finale après plusieurs victoires en mode bulldozer. Arsamerzouev, 23 ans, excellent en catégorie jeune, vient d’inscrire ses premières médailles seniors. Quant à Adlan Vishkanov, 23 ans, il s’approche du niveau de ses amis.
Dans les tableaux de lutte libre, il est courant de voir les patronymes tchétchènes ou daghestanais fleurir dans les tableaux et sous beaucoup de bannières différentes. Des parcours comme celui des parents de Magamadov qui ont fui la guerre pour trouver un meilleur présent et un avenir pour leurs enfants. Entre eux, les lutteurs écoutent des chansons d’amour ou qui évoquent la guerre. "On parle souvent français mais ça nous arrive de parler tchétchène, il ne faut pas oublier sa langue", pointe Arsamerzouev. Une culture où il est important se rassembler: "On a beaucoup de règles chez nous rappelle Khadjiev. Il faut connaitre les choses à respecter envers les anciens, les grands, il y a des choses à ne pas dire. On est un petit peuple, on doit connaitre les règles, ça c’est important." Ce rendez-vous en Slovaquie face à la crème du continent peut être la parfaite rampe de lancement de l’olympiade.