Coronavirus: les JO reportés? un énorme casse-tête en prévision

Haruyuki Takahashi se voulait peut-être rassurant. Son interview au Wall Street Journal a eu l’effet inverse. Ce membre du comité organisation des Jeux olympiques (qui en compte 25) a balayé l'idée d'une annulation des JO mais a ensuite confié qu’un report avait été évoqué en raison de la propagation du coronavirus. Sa confession secoue le monde du sport sur un sujet tabou malgré les questions légitimes l’entourant. "Je ne pense pas que les JO puissent être annulés, a-t-il déclaré précisément. S'il le fallait, nous envisagerions plutôt un report. Le CIO ferait face à trop de problèmes en cas d'annulation. Notamment en ce qui concerne les droits américains de retransmission télé."
La ministre des JO monte au front
Un report serait aussi un gigantesque casse-tête puisque ce même Haruyuki Takahashi a parlé de JO potentiellement décalés "d’un ou deux ans". Face à l’inquiétude, d’autres responsables sont montés au front pour tenter d’éteindre l’incendie, comme la ministre japonaise des Jeux olympiques. "Du point de vue des athlètes qui sont les acteurs principaux des Jeux de Tokyo, alors qu'ils se préparent pour cet événement qui n'arrive qu'une fois tous les quatre ans, c'est inconcevable d'annuler ou de reporter l'événement", a déclaré Seiko Hashimoto devant des parlementaires nippons.
La ministre a toutefois reconnu que "c'est au Comité international olympique (CIO) qu'il revient de prendre la décision finale sur les Jeux". "Nous pensons qu'il est important que le gouvernement donne une information correcte pour que le CIO puisse prendre une décision appropriée", a-t-elle ajouté. Ce mercredi, le site du journal Kyodo News affirme qu’un comité exécutif de l’organisation va se réunir pour établir un plan de report.
Envisager les scénarios de crise relève d’une logique responsable mais ces déclarations publiques installent toujours plus le doute. Il y a quelques semaines, Thomas Bach, président du comité international olympique (CIO) était lui-même intervenu pour assurer la tenue des JO après les déclarations de Dick Pound, membre du CIO, évoquant les risques d‘organisation. Il avait ajouté que le CIO se donnait une fenêtre de trois mois pour prendre une décision finale. Malgré l’optimisme de dirigeants haut-placées, les doutes publiquement affichés fissurent l’unité et font craindre le pire en termes de retombées économiques pour l’évènement le plus suivi au monde.
Des pertes vertigineuses en cas d'annulation
Le groupe audiovisuel NBC, qui a obtenu les droits de diffusion pour les Etats-Unis, a annoncé la semaine dernière qu’il avait déjà décroché 1,25 milliard de dollars de recettes publicitaires avant les Jeux olympiques. La Japon a, de son côté, chiffré ses pertes à 65 milliards d’euros en cas d’nnulation. Les 900 millions d’euros de réserve du CIO ne pèseraient pas lourd face à cela.
Sportivement, un report provoquerait d’immenses maux de tête aux organisateurs. D’autant plus dans les délais évoqués (un ou deux ans) alors que des athlètes ont déjà validé leurs billets pour les JO. D’autres sont toujours en attente avec la programmation de nombreux tournois de qualification olympique dans les prochains mois. Cela remettrait en cause la préparation d’athlètes programmés pour arriver à 100% le jour de leur épreuve. La forme du moment ne sera pas forcément celle de l’année prochaine ou celle d’après.
Pour les athlètes, la forme de 2020 ne sera pas celle de 2021
Pour les sportifs français, cela pourrait par exemple impacter Teddy Riner, double champion olympique. Le judoka a programmé ses combats pour arriver au top à Tokyo, dans un pays berceau de la discipline où il est une star. A 30 ans, le décuple champion du monde avait aménagé son calendrier pour se ménager avant une montée en puissance. Celle-ci a été contrariée par sa première défaite en 10 ans au tournoi de Paris en février dernier. Un report des JO d’un an pourrait impacter ses chances à un âge où les entraînements deviennent plus contraignants pour le corps.
Où en seront certains athlètes ayant validé leur billet pour les JO, dans un an? Quid de ceux ayant émergé entre temps? Autant de questions superficielles face à l’urgence sanitaire mondiale mais démontrant la complexité d’un report.
En France, le ministère des Sports agit évidemment en pariant sur un maintien des JO. La ministre Roxana Maricineanu pousse pour que les compétitions qualificatives (les TQO) aient lieu à huis clos pour ne pas perturber le calendrier. "Nous préconisons la continuité sportive pour que les activités puissent avoir lieu notamment sur ces épreuves qualificatives pour lesquelles les sportifs se sont entraînés et pour lesquelles ils ont des échéances cet été, e-t-elle déclaré lundi. Il faut que les qualifications puissent se faire."
La Ministre envisage même de faire passer ces compétitions dans la liste des évènements considérées comme utiles à la vie de la nation. "Il faudra voir si ces événements peuvent rentrer dans l’exception qui a été évoquée au plan national", a-t-elle déclaré lundi. Tout cela sera dicté par l’évolution mondiale du coronavirus. Le CIO, lui, pourrait annoncer fin mai sa décision sur le maintien ou non des Jeux olympiques. Cela pourrait se produire bien plus tôt que prévu.