Estanguet, les coulisses de l’exploit

Tony Estanguet - -
L’échec en demi-finales à Pékin lui était resté en travers de la gorge. Tony Estanguet a ruminé ce revers qui l’a quasiment fait plonger dans la dépression durant les six mois qui ont suivi. Puis, il s’est relevé en se remettant en question, en effaçant peu à peu son obsession maladive du détail et en décidant de relâcher la pression énorme qu’il s’infligeait depuis ses deux premiers sacres olympiques à Sydney en 2000 puis à Athènes en 2004. « Je m’étais préparé pour Pékin avec en tête qu’il me fallait un projet très ambitieux et une manière de naviguer très fermée pour gagner les Jeux, expliquait-il avant le début des Jeux de Londres. Là, j’essaie d’être très ouvert, de profiter, d’aller à la rencontre des athlètes que je ne connais pas, de vivre l’événement pleinement et de ne pas m’isoler de tout le reste. Je ne sais pas si ça sera meilleur qu’il y a quatre ans mais c’est une autre stratégie. » Aujourd’hui, La réponse est oui !
Pour ses proches, la remontée de la pente du champion ne s’est pas fait sans heurts. « Nous avons subi une tension terrible, témoigne Jean-Pierre Campagnol, membre historique du club de Tony à Pau. Depuis sa contre-performance de Pékin, le club a toujours été derrière lui pour le supporter et l’encourager. Il a aussi eu l’humilité de reconnaitre qu’il s’était égaré dans sa stratégie. » La reconstruction a vite porté ses fruits avec deux titres de champion du monde en 2009 et 2010 puis un d’Europe en 2011. Mais l’ascension jusqu’à Londres n’a pas été aussi simple. Davantage libéré, le Palois a dû faire face à une concurrence accrue avec l’avènement de Denis Gagaud, champion du monde en titre.
Gargaud : « Fier d’avoir concouru avec un mec comme ça »
C’est au prix de sélections nationales en forme de crève-cœur qu’Estanguet a arraché son billet pour Londres au cours d’une Olympiade où rien n’aurait été fait pour l’épargner. « C’est encore plus beau, admire Gargaud, fair-play. Ça rend l’histoire belle. Je pense que je ne battrai pas son palmarès mais je suis fier d’avoir pu concourir contre un mec comme ça. Je pense que j’en sortirai grandi. » A 34 ans, Estanguet a assuré qu’il était temps de penser à la retraite. Le voir à Rio en 2016 apparait pour l’heure inenvisageable.
Il va d’abord savourer cet exploit hors du commun avant de se replonger dans sa campagne pour intégrer la commission des athlètes pour CIO. « J’espère que ça lui apportera un plus et un peu de notoriété, souhaite Guy Drut, ancien champion olympique et membre de l’instance olympique. Il a très bien monté sa campagne. Il a reçu beaucoup d’aide, il a fait ça comme un pro. Il l’a fait de la même façon qu’il conduit sa carrière sportive. » Si c’est effectivement le cas, cela augure une nouvelle bonne surprise le 9 août prochain, jour du suffrage.