Fauquet : « Ne parlez pas de Manaudou au passé »

Claude Fauquet a accepté de nous livrer ses impressions sur les performances des nageurs français. Manaudou, Bernard, Duboscq, le DTN donne son avis tout en défendant ses athlètes et leurs performances.

Claude Fauquet, êtes-vous satisfait par la médaille d’argent du relais 4X100m, ou déçu vu le scénario de la course ?
On bat le record du monde de quatre secondes, et on n’est pas champions olympiques… Maintenant on ferait la tronche parce qu’on est médaille d’argent ? C’est quand même quelque chose. Les nageurs ont été fantastiques, même si au bout ils n’ont pas ce qu’ils voulaient. Avant la course, le meilleur 100m sur un relais était celui de Stéphane Bousquet en 46’’63, et là le dernier relayeur américain Jason Lezak fait 46 secondes. C’est un truc de fou.

Qu’est-ce qui a manqué aux Français pour décrocher l’or ?
Peut-être un peu plus d’expérience. Alain Bernard a eu un peu de souci à aborder son dernier relais avec l’Américain derrière lui. Il aurait dû s’écarter de la ligne et lui montrer qu’il y avait de l’écart. Alain est un jeune nageur au niveau international, on a tendance à l’oublier, c’est ses premiers Jeux Olympiques (ndlr : Alain Bernard, malgré cette inexpérience, est recordman du monde du 100m nage libre en 47’’60).

Vous semblez amer ?
On a pris un petit coup sur la tronche quand même. Pour moi, c’était très important pour la natation française de marquer l’histoire avec une médaille d’or dans ce relais.

Alain Bernard semblait très déçu. Cela va-t-il avoir des conséquences sur la suite de ses Jeux ?
Forcément. Soit il arrive à surmonter cette déception et l’utilise pour être plus fort, soit ça se passe pas comme ça et alors ce sera difficile (ndlr : Alain Bernard est favori au titre sur 100m nage libre). Mais les champions de sa dimension savent réagir.

La médaille de bronze d’Hugues Duboscq sur 100m brasse, elle, est totalement satisfaisante ?
Celle-là elle est belle. 59’’37 (record de France), c’est aussi une course folle. Il est là au moment où il faut. Espérons que ça aide les autres. Pendant deux ans, Hugues a vécu les pires galères, il avait l’impression de ne plus savoir nager. Il s’est reconstruit et il est allé chercher ce podium. Hugues est un exemple pour tous. Bon, en quelques minutes on a eu deux médailles, à deux fois huit centièmes prêt, on en faisait quatre plus une Marseillaise !

Coralie Balmy est effectivement passée à huit centièmes du podium sur 400m nage libre, mais dans cette course on retient surtout la dernière place de Laure Manaudou…
L’histoire du sport n’est faite que de ces moments-là. C’est peut-être ce qui en fait sa grandeur, sa beauté et sa difficulté. Laure a tenu à nager ses courses en championne qu’elle est, elle n’a pas voulu fuir et a pris ses responsabilités. Peut-être que de façon intuitive, elle sentait que ce serait difficile mais elle a été au charbon. Au 200m, on pouvait y croire puis il y a eu comme une rupture. Ces champions-là quand ils voient que la victoire n’est plus possible… Moi je pense beaucoup à elle. Laure a le soutien de toute l’équipe de France, personne ne lui en veut. Elle a perdu son titre mais elle a encore l’occasion d’apporter une médaille (Laure Manaudou participait à la finale du 100m dos la nuit dernière, puis elle enchaînera avec le 200m dos et le 4X100m quatre nages le week-end prochain).

Elle a craqué mentalement dans cette course ?
Physiquement, elle était très bien mais un athlète de haut niveau est un être humain comme les autres. C’est toute son histoire qui s’est écrite en quatre minutes. Faut se rappeler ce que cette jeune fille a vécu cette année (ndlr : Laure Manaudou a changé trois fois d’entraîneur et des photos intimes de la nageuse ont été diffusées en décembre dernier). Qu’elle soit là, c’est déjà presque un miracle.

Laure Manaudou est-elle un monument en péril ?
Elle n’a pas ajouté de pierres à sa statue. Mais ce qu’elle a construit, c’est du solide, ce sont des pages d’histoire de la natation française et mondiale absolument extraordinaires. Faut pas oublier ça. Je demande à tout le monde de ne pas la juger et de ne pas lui en vouloir, c’est une championne exceptionnelle. Ne parler pas de Manaudou au passé, il ne faudra jamais parler d’elle au passé vu ce qu’elle nous a apporté.

La rédaction - La Tribune