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JO 2018: 4 questions pour tout savoir sur les costumes du patinage artistique

Evgenia Tarasova à Pyeongchang

Evgenia Tarasova à Pyeongchang - AFP

Créatif, criard, provocateur, ennuyeux... Les costumes des patineurs sont un élément essentiel de la performance des athlètes. Un des plus commentés par le grand public aussi.

Edit: Article actualisé le 19 février 2018 après le "costume-gate" de Gabriella Papadakis lors du programe court.

Le "costume-gate" de Gabriella Papadakis, (un sein s'échappant de son costume) lors du programme court des  Jeux olympiques a remis sous les projecteurs les habits de lumière des patineurs. Devant votre télévision, même avant le passage de Papadakis et Cizeron, vous vous êtes forcément posé de nombreuses questions sur les costumes des patineurs, une incongruité dans le monde si policé et normé des Jeux. Dans le monde du patinage, on explique que la mode est au sobre, à l'élégant. Mais si l'on jette un oeil sur le costume de l'Italienne Carolina Kostner aux championnats d'Europe à Moscou - une combinaison moulante pailletée vert fluo (attention, cliquer sur le lien peut amener des dégâts à la rétine), ou sur la robe jaune à pois noirs d'Evgenia Tarasova à Pyeongchang (en illustration de l'article), on se dit que le kitsch a encore de beaux jours devant lui.

A quoi sert le costume?

Attention, ne croyez pas que les quelques centimètres carrés de tissu qui couvrent (plus ou moins) le corps des patineurs (et surtout des patineuses) sont anecdotiques. Le costume est un élément crucial de la performance d'un patineur. Avant même que la musique commencent ou qu'ils commencent leur programme, le public, et les juges voient leur costume qui sert donc de "première impression". 

Il existe d'ailleurs des costumiers spécialisés dans la fabrication de ce type de vêtements: "souvent ils font aussi des costumes de danse de salon, de gymnastique, ou même de natation synchronisée. Ils connaissent les matières qui sont élastiques, confortables, ils ont l'habitude, donc ça fait gagner du temps" explique Nathalie Péchalat, consultante RMC Sport et ancienne danseuse sur glace avec Fabian Bourzat. Quand ils étaiten en activité, Nathalie Péchalat et son binôme avaient décidé de travailler avec une jeune créatrice lyonnaise, pour se démarquer de ce qu'ils voyaient partout. "Elle apportait des trucs qu'on ne voyait pas ailleurs. Elle me mettait des cerceaux dans la jupette, j'ai eu des seins pointus, elle avait trouvé des stratagèmes pour que ça tienne. Elle me faisait découvrir des nouvelles matières, c'était pas le lycra ou le velours qu'on voit tout le temps..." 

Comment fabrique-t-on un costume?

En amont, les patineurs donnent à la costumière la musique, l'histoire qu'ils veulent raconter, l'idée qu'ils ont potentiellement en tête. Ensuite, en quelques ajustements et rendez-vous, il faut que la tenue soit prête. Et l'essayage sur la glace permet de se rendre compte de... détails qui tuent... : "parfois en cabine d’essayage tout va bien, mais quand tu vas sur la glace et que tu fais des mouvements, la culotte, hop, ça devient un string et ça c’est pas cool! se marre Nathalie Péchalat, une fois j'avais un costume de momie, sur la glace ça faisait papier toilette, il a donc fallu mettre de la peinture dessus pour créer des ombres, du relief..."

Qui choisit le costume?

Des tâtonnements que vivent avec eux les coachs, qui portent le premier regard extérieur. "Quand c'est pas bon, faut mettre à la poubelle et refaire" tranche Romain Haguenauer, coach de plusieurs couples de danseurs sur glace, et notamment de Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron. Fin septembre à Montréal (où tout le groupe s'entraîne, NDLR), Marie-Jade Lauriault, la patineuse française qui danse avec Romain Le Gac, débarque dans la patinoire avec la première version de sa robe, "une horreur" se souvient Haguenauer. "Mais je n'ai aucune difficulté à leur dire. Si c'est moche, c'est niet total. Il faut que ça soit parfait à l’œil. On travaille assez dur toute l'année pour ne pas être désavantagé par un look sur la glace". 

Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron travaillent eux aussi avec une créatrice lyonnaise. Ce qui rend les allers-retour pas toujours simples "on reçoit les tuniques par colis, quand elles ne se font pas taxer à la douane de Montréal, c'est déjà arrivé", raconte Romain Haguenauer. Guillaume Cizeron est passionné de stylisme. Il a même failli arrêter le patinage de haut niveau après son bac, car il était pris dans une école de mode. C'est donc lui qui dessine et esquisse les costumes du couple. "Surtout avec les patins qui ajoutent de la lourdeur, il y a toute une histoire de proportions à respecter, il faut parfois réajuster les choses" raconte son coach, "mais ils ont la chance d'avoir des physiques avantageux, c'est rare qu'une tunique ne leur aille pas".

Combien ça coûte?

Pour la fabrication de ces pièces, Nathalie Péchalat estime qu'elle et son partenaire dépensaient 6 000 euros par saison - donc pour 4 costumes, 2 pour le programme court et 2 pour le programme libre. Un budget largement dépassé par Surya Bonaly dans les années 90, qui avait travaillé avec Christian Lacroix notamment. Sur ces costumes en tous cas, pas de sponsors ou de publicités. C'est interdit par les règlements de la fédération internationale. "On n'est pas des pancartes publicitaires" explique Nathalie Péchalat. "Nous on avait un sponsor, et on avait le droit de le mettre sur notre veste d'équipe de France, mais c'est sûr qu'on n'a pas grand chose à leur donner, c'est ce qui rend le sponsoring difficile dans notre milieu. Maintenant les réseaux sociaux sont une vitrine". C'est d'ailleurs sur ces réseaux que Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron posent, pour une grande marque de café. 

Camille Gelpi (à Pyeongchang)