JO 2022: La neige artificielle aux Jeux de Pekin, pas un débat pour les Bleus

De nos envoyés spéciaux à Pékin et Yanqing
Avant d’avoir vu le moindre skieur portant l’armoirie Coupe du monde sur son dénivelé, la piste de Yanqing faisait jaser. En cause, les photos aériennes relayées sur les réseaux sociaux montrant une pauvre langue blanche de neige au milieu d’une montagne nue, noire, arbres brûlés par le vent, et sans une seule trace de flocon à côté.
C’est Kjetil Jansrud, champion olympique 2014 du Super-G qui a allumé la mèche avec une photo prise d’avion, sans le moindre commentaire. Dans cette région de Chine balayée par le vent, le tapis blanc est rare. Forcément, on a sorti l’artillerie lourde pour créer de toutes pièces ces pistes à grands coups de canons à neige. Ca fait jaser. Pas les Français: "les gens rêvent ou quoi se demande Nils Allègre. C’est 80% de neige artificielle même en France. Moi je suis là pour faire du sport. Je m’adapterai. Quand les gens vont skier en France dans n’importe quelle station c’est au moins 60% de neige artificielle."
Johan Clarey: "Si on pense ça, il ne fallait pas donner les jeux à Pékin"
Blaise Giezendanner lui emboîte le pas: "les gens critiquent que ce soit de la neige artificielle mais en Europe c’est pareil. Ca choque parce qu’il n’y a pas de neige sur les bords. A Kitzbühel, c’est de la neige artificielle aussi." Dernière lame avec Johan Clarey: "Choqué? Si on pense ça, il ne fallait pas donner les jeux à Pékin. Maintenant ce n’est pas mon problème. S’il n’y avait pas de canon, les sports d’hiver seraient en grande difficulté en Chine ou en Europe."
Fin du débat? A voir d’ici la descente, première épreuve, dimanche. Mais elle est comment cette neige qu’on dit singulière? Meilleur Français de la vitesse il y a quatre ans à Pyeongchang avec une quatrième place sur le Super-G, Giezendanner dresse un parallèle entre neiges chinoise et sud-coréenne: "C’est un peu ce qu’on a vu il y a 4 ans. C’est un peu agressif seulement. On pensait que ça serait froid et agressif, non." La neige est plus humide et moins abrasive qu’aux Etats-Unis à Beaver Creek par exemple. Après les premiers kilomètres pour s’habituer à ce revêtement, les skieurs vont commencer à se creuser les méninges pour trouver le bon réglage sur leurs skis.
Giezendanner: "Un complexe de fou"
Pas facile quand on n’a pas d’historique avec l’endroit: "On va travailler sur l’accroche pour faire passer ce feeling explique Rafaelle Scozzafave le technicien de Giezendanner. La texture est bizarre à cause de ce taux d’humidité très élevée mais ça va faire de super courses." Le vent façon poignard qui balaye la froide station de Yanqinq (-11 degrés ce dimanche) en rafales pourrait être plus enquiquinant que cette neige nouvelle. Les organisateurs ont inventé cet endroit à grands renforts de machines. Les installations sont impeccables. Les Bleus sont sous le charme de la création chinoise: village olympique au pied des pistes, télécabine avec siège chauffant et de quoi glisser. "Un complexe de fou" selon Giezendanner, "un truc de malade" pour Clarey. Les doutes sont envolés. Place à la chasse aux médailles.
Malgré l’altitude du site notamment de descente dont le départ sera situé à plus de 2000 mètres, le district de Yanqing n’est que très rarement touché par des épisodes neigeux, 5cm par an tout au plus. Mais comme il y fait très froid en hiver, les organisateursont pu dès novembre fabriquer de la neige artificielle. 80 hectares de montagne ont ainsi été recouverts par 1,2 million de mètres cubes d’or blanc.
L'équivalent de 800 psicines olympiques
Des chiffres fièrement avancés par les autorités sur place, qui n’évoquent pas en revanche les deux millions de mètres cubes d’eau nécessaire à l’élaboration de cette fausse neige, et à son arrosage également pour la maintenir la plus glacée possible. Il a fallu l’équivalent de 800 piscines olympiques pour assurer le bon déroulement des épreuves de ski alpin selon l’ONG China Water Risk qui dénonce au passage une absurdité écologique .
Pour la première fois de l’histoire, le ski aux JO se déroulera sur une neige 100% artificielle, c'est l'aboutissement d'une tendance lourde: c'était le cas à 90% il y a 4 ans à Pyeongchang et 80% il y a 8 ans à Sotchi.
En France, un tiers du domaine skiable est enneigé artificiellement, et chaque hiver 28 millions de m3 d'eau sont utilisés pour la production de 20 millions de m3 de neige de culture.