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JO 2024 (tennis): derrière le zéro pointé français, la préparation désastreuse des doubles interpelle

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Le bilan du tennis français sur ces Jeux olympiques est "catastrophique", comme l’a reconnu Ivan Ljubicic, démissionnaire de son poste de directeur du haut niveau. Au centre des critiques, la préparation des doubles, fiasco parmi les fiascos.

Installé ce mercredi midi au premier rang de la tribune présidentielle du court Suzanne-Lenglen, Gilles Moretton a poussé Corentin Moutet face à Tommy Paul. Mais après sauvé six balles de match, le gaucher parisien a rendu les armes et le couperet est tombé pour le président de la FFT: après cinq jours de compétition, les Bleus ont enregistré treize défaites dans ces Jeux olympiques de Paris 2024. Pas le moindre quart de finaliste, soit le pire résultat d’un pays hôte à égalité avec la Corée du Sud (1988) et la Grèce (2004).

Quand il a regagné son bureau, Gilles Moretton a eu un échange avec Ivan Ljubicic, responsable du haut niveau. Le technicien croate, qui a redonné du souffle à la carrière de Roger Federer en 2017, lui a proposé sa démission. Après Rio et Tokyo, le tennis français est encore incapable de ramener une médaille.

Ljubicic est réaliste. Il sait qu’en tennis, le soutien du public n’a pas peut-être pas la même force que pour les judokas ou les escrimeurs.

"Le public, c'est bien. Mais si tu n'as pas le niveau", soupire-t-il.

Un constat général implacable qui n'empêche pas Ivan Ljubicic de pointer du doigt les détails du fiasco, et notamment un fait assez incompréhensible: "Que les quatre paires de double n'aient pas pu jouer un match ensemble, c'est difficile à comprendre", juge-t-il. Comme s’il n’avait pas la main sur la programmation des joueurs. Mais c’est plus subtil que cela.

Le plan Mahut – Roger-Vasselin tourne court

Retour en arrière. L’hiver dernier, le technicien croate valide l’option d’associer Edouard Roger-Vasselin et Nicolas Mahut. "J’étais d’accord, j’ai même détaché Boris Vallejo (un entraîneur fédéral, NDLR) pour les accompagner sur le circuit", explique-t-il. Mais les premiers résultats à l’Open d’Australie, Rotterdam et Doha sont inquiétants.

A Indian Wells, l’Angevin se blesse. Après Monte-Carlo, Edouard Roger-Vasselin sent que son statut de Top 10 s’envole et décide de rejouer avec le Mexicain Santiago Gonzalez, avec qui il a vécu une formidable saison 2023. S’il est Top 10 au classement du 10 juin, le Baulois peut choisir son partenaire. Mais l’élimination au premier tour de Roland-Garros contrarie tous ses plans. Il pointe au 14e rang. Comme Nicolas Mahut est alors hors-course, il y a deux voies possibles pour la fédération: une audacieuse, l’autre plus sécurisée.

"L’idée, c’était d’avoir deux paires sur la ligne de départ", coupe Ivan Ljubicic.

L’hypothèse d’une association Edouard Roger-Vasselin – Pierre-Hugues Herbert – par le biais d’une wild-card et, donc, en tirant un trait sur une deuxième équipe – est alors abandonnée.

Pour faire le cut en termes de classement, Fabien Reboul est choisi pour épauler Edouard-Roger-Vasselin. Avec une préparation minimale car le quadra français est engagé à Wimbledon avec Gonzalez. Ils s'alignent à Hambourg où leur association semble fonctionner puisqu'ils y atteignent la finale. Malheureusement, en Allemagne, le joueur toulousain ressent des douleurs à la main. Son forfait est acté au lendemain de la cérémonie d’ouverture. Un véritable coup de massue. Gaël Monfils est appelé à la rescousse. Mais face à une paire allemande de qualité, Monfils et Roger-Vasselin sont éliminés dès le deuxième tour.

L’absence pesante de Kristina Mladenovic

Autre énigme: la composition du double dames Caroline Garcia-Diane Parry. L’association Garcia-Mladenovic paraissait une évidence mais, à la surprise générale, "Kiki" ne figure pas dans la sélection de Julien Benneteau. Le capitaine de l’équipe de France explique que Mladenovic souhaite privilégier sa carrière personnelle. Décrocher son billet pour les qualifications de l’US Open – ce qu’elle est parvenue à faire - avait donc sa priorité.

Mais pour une fille qui a toujours adoré porter le maillot bleu, cela reste un mystère. Il se murmure aussi qu’elle aurait refusé de jouer le mixte à Roland-Garros avec Edouard Roger-Vasselin. "J’ai eu deux refus de Françaises", avait lâché ERV, lequel avait finalement contacté à la dernière minute l’Allemande Laura Siegemund pour aller chercher le titre. Ivan Ljubicic n’a pas voulu confirmer cette information. Mais il a été frappé par des attitudes qu’on décrira de trop individuelles.

"En tant que croate, je ne connais pas l’émotion de jouer les Jeux Olympiques à la maison, dit-il. Mais j’imaginais que la préparation allait être plus intensive, avec plus de motivation pour essayer d’arriver à 100%", regrette-t-il. Se sent-il trahi?

"Si tu discutes avec chaque joueur, chacun te dira qu’il a fait le maximum", soupire-t-il.

Ivan Ljubicic a choisi ses mots avec soin mais au détour de son point presse, il a quand même évoqué des "responsabilités fictives". Il a aussi évoqué les moyens investis. Et le choix de ne pas séjourner au village olympique. "On a envoyé des kinés et un médecin à Wimbledon. Au CNE, on a même amené le piano et le cuisinier..."

Tous les ingrédients étaient réunis mais la mayonnaise a tourné. Au final, c’est un beau gâchis. Dans quatre ans, il faudra stopper l’hémorragie à Los Angeles, sur ciment. Une meilleure surface pour les Bleus. Le problème est peut-être là, il aurait fallu organiser ces Jeux à Roland-Garros...sur gazon.

Eric Salliot