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JO 2024 (triathlon): "J’ai fait un tour et demi de vélo", l’incroyable aventure d’Eloi Adjavon, ovationné par le public et dans l’histoire des Jeux

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Eloi Adjavon (32 ans) est entré dans l’histoire des Jeux olympiques ce mercredi en devenant le premier Togolais à prendre part au triathlon. Le rêve a duré le temps de la nage et d’un tour et demi en vélo avant d’être rattrapé par les premiers et mis hors course mais il a réussi son défi lancé il y a cinq ans dans une ambiance survoltée.

Il n’a pas volé la vedette aux médaillés du jours mais presque. Eloi Adjavon (32 ans) a été célébré comme une superstar lors du triathlon hommes des Jeux olympiques de Paris 2024, ce mercredi. Il a même eu les honneurs des caméras de télévision… et pourtant, il est le premier concurrent à avoir été mis hors course. Malgré cela, le Togolais a écrit l’histoire en devenant le premier athlète de son pays à prendre part à cette discipline lors des JO.

"J’ai failli pleurer"

"C’est un grand moment pour moi, c’est la première fois que je fais une course de cette envergure", explique le licencié de Montpellier Triathlon. "C’était vraiment fort de m’aligner à côté des meilleurs du monde. Le début de natation s’est bien passé, j’étais dans le coup avec le groupe jusqu’à la première bouée à peu près mais après, avec le retour contre le courant, ça m’a poussé sur le côté, j’ai un peu perdu le contact du groupe et à partir de là c’était compliqué, je me suis progressivement retrouvé de plus en plus seule. J’ai concédé du temps à la sortie de la natation, ce qui fait qu’à vélo, j’étais seul."

"Devant, ça roulait très vite et j’ai eu la chance de faire un tour et demi à vélo avant d’être rattrapé par le train-fusée du premier groupe."

Il s’est alors fait "laper" comme on dit dans le jargon quand un concurrent se fait rattraper par les premiers. Le verdict est alors brutal: course terminée. Mais Eloi Adjavon a pris le temps d’en profiter en étant très chaudement acclamé par le public.

"Je voulais vraiment faire un tour parce que je savais qu’il y avait ma famille à côté, je voulais passer devant eux, je les ai salués", a-t-il expliqué. "Ensuite, sur les Champs Elysée, je voyais que ça revenait derrière. Je me suis dit: ’vas y, profites-en, échange avec le public’, je les saluais, ils me donnaient de l’énergie, ils me soutenaient et ça, c’était vraiment beau. J’ai failli pleurer."

"Un gros morceau sombre" touché dans la Seine

Avant de se faire rattraper, il a ralenti pour profiter de la liesse populaire, avant de suivre le reste de la course en spectateur. Il a eu le temps de saluer ses proches moins nombreux que prévu en raison du report de la course de mardi à mercredi. "Beaucoup ont dû rentrer hier soir", confie-t-il. Cela ne gâche pas la fête de ce défi qu’il s’est lancé à lui-même il y a cinq ans. "J’ai toujours eu une admiration pour les JO, leurs valeurs et pour le concept de faire partie des meilleurs athlètes du monde. Ça a toujours été pour moi un rêve d’y participer. J’ai été pris dans les études, j’ai un peu arrêté le sport et arrivé à mes 28 ans, je me suis dit Eloi: ‘si t’as envie de faire quelque chose, c’est maintenant ou jamais."

Né au Togo d’un père travaillant dans une ONG américaine et d’une mère française, Eloi Adjavon s’est alors mis à fond dans cette discipline qu’il ne connaissait pas avec l’envie de marquer l’histoire. "C’était les montagnes russes pour en arriver là mais je suis vraiment fier de ce qu’on a réussi à faire et d’avoir mis le Togo dans cette course", savoure-t-il.

Son chemin de vie l’a mené du Togo à la France en passant par le Kenya, le Sénégal, le Ghana, les Pays-Bas, Hong-Kong, la Belgique, puis Lille où il a lancé son projet olympique après avoir arrêté ses études de cinéma. Il a ensuite migré pour le soleil de Montpellier. "On a un meilleur temps et il y a beaucoup de triathlètes comme Pierre Le Corre (4e ce mercredi). A chaque fois qu’on va nager, on est toujours entouré, ça fait vraiment du bien pour la progression et le mental."

De ses JO, il conservera son incroyable communion avec le public mais aussi son saut dans la Seine. "J’étais très fier après mes coups de bras de lever la tête et de voir que j’étais devant le Sud-Africain Henri Schoeman, ça n’a pas duré longtemps mais c’était une petite victoire", sourit-il. Il confie aussi avoir heurté un objet flottant non identifié. "J’ai touché quelque chose, je croyais que c’était une pagaie d’un kayak qui me disait de m’arrêter, c’était un gros morceau sombre et c’est parti. Pendant les qualifications, on a nagé dans plein d’endroits douteux, on est habitués."

Malmené par les eaux de la Seine, Eloi Adjavon conserve un petit regret de ne pas avoir pu terminer la course. "Il y a cette frustration mais la réalité, c’est que je m’y attendais un peu", conclut-il. "Le niveau est incroyable, ce sont les meilleurs mondiaux. Mon objectif était d’aller le plus loin que je pouvais faire. C’est frustrant de ne pas aller jusqu’à la ligne et de rejoindre tout le monde. C’est pour ça que j’ai voulu en profiter avant de me faire rattraper. J’ai eu ma petite ligne d’arrivée sur les Champs Elysées. C’est magnifique et je ne l’oublierai jamais."

Nicolas Couet avec NP et BB