L’imbroglio Thanou

Thanou : "On veut me faire échouer ou m'obliger à me retirer..." - -
La situation était devenue suffisamment critique pour qu’Ekaterina Thanou convoque d’urgence la presse, vendredi après-midi dans un hôtel de Glyfada, au sud d’Athènes. D’habitude avare en mots, la sprinteuse s’est livrée pendant près d’une heure à une défense de son cas, son accréditation olympique brandit à la main. Signe de la gravité du moment, la championne du monde 2001 et vice-championne olympique 2000 (1), est venue flanquée de ses trois avocats (2). Car Thanou, 19e meilleure performeuse de tous les temps au 100m (10’’83), pourrait très bien regarder les Jeux à la télévision.
Le Comité international olympique a annoncé qu’il allait examiner sa participation le 7 août, jeudi, la veille de la cérémonie d'ouverture. La commission de discipline du CIO, emmenée par Thomas Bach, décidera si Thanou pourra participer au 100m féminin, dont les séries débutent le 16 septembre. On prête à Jacques Rogge, son président, l’intention de barrer la route à la sprinteuse. En cause : son passé sulfureux en matière de dopage. Rappelons que Thanou et son coéquipier d’alors, le champion olympique du 200m à Sydney, Kostas Kenteris, avaient écopé de deux ans de suspension entre 2004 et 2006 en raison de manquements répétés aux contrôles antidopage.
La Grecque a depuis effectué un retour en demi-teinte, se résumant pour l’essentiel à une sixième place (7’’26) en finale des Mondiaux en salle, au mois de mars à Birmingham ; bien loin de son record personnel sur 60m (6’’96). Faisant l’impasse sur les Mondiaux d’Osaka, Thanou a décroché son billet pour les Jeux olympiques de Pékin, le 14 juillet à la réunion de Rethymnon en réalisant les minimas olympiques B (11’’42) de trois centièmes (11’’39).
Si Thanou pensait avoir règlementairement obtenu sa place parmi les 156 athlètes de la délégation grecque, le CIO estime que des zones d’ombre jouent en sa défaveur. Lorsque à l'été 2004, l’athlète avait rendu son accréditation dans la foulée de sa dernière infraction au code mondial antidopage, survenue la veille de la cérémonie d’ouverture des Jeux d’Athènes, le CIO s’était réservé le droit « d’examiner toute nouvelle participation à des Jeux olympiques. » Thanou est encore sous le coup d’une procédure pénale, mise en examen pour faux témoignage par le parquet d’Athènes, dans le cadre de son départ controversé du village olympique le jour du contrôle antidopage. Thanou fait également l’objet d’une procédure disciplinaire de la part cette fois du comité international olympique concernant la réattribution des médailles de Marion Jones, sanctionnée après ses aveux de dopage. Thanou qui pourrait récupérer le titre sur 100m pourrait avoir eu des liens avec le laboratoire Balco, au centre du scandale de dopage qui a emporté Jones en octobre dernier.
Le CIO a décidé de reporter sa décision concernant la redistribution des médailles de Marion Jones après les Jeux de Pékin. En revanche, l’instance olympique tranchera jeudi quant à la participation de Thanou. Vendredi, cette dernière, qui a prévu de s'envoler pour Pékin le 13, a affirmé qu’elle avait été contrôlée 24 fois cette saison et qu’elle vivait « une préparation en état de guerre ». « Depuis le 14 juillet (date de sa qualification pour les JO), je subis tous les jours des pressions orales ou écrites pour me retirer. Je suis la seule athlète à qui il a été demandé de rédiger par écrit son souhait de participer aux Jeux. Je n’en peu plus. Je vis en état de guerre (avec le CIO). On me bombarde pour que j’arrête ma préparation, pour me déconcentrer, pour me faire échouer ou m’obliger à me retirer. Je ne sais pas quelle sera la suite de ma carrière, ni si je participerai aux Jeux de Pékin, mais je peux vous dire qu’à Londres (en 2012), j’y serai. »
(1) En attente du jugement de la commission disciplinaire du CIO qui devra réattribuer les cinq médailles de Marion Jones obtenues à Sydney, dont le 100m féminin qui avait vu la Grecque terminer 2e derrière l’Américaine.
(2) Gregory Ioannidis, Nikos Kollias, Maria Kevga.