La botte secrète du biathlon français

Les relayeuses françaises ont pris l'argent ce week-end - -
Chaque médaillé français y est allé de son petit mot pour les techniciens. Les étrangers également. Car si le biathlon français cartonne pendant ces Jeux Olympiques, c’est non seulement grâce à la qualité des athlètes sélectionnés, mais aussi grâce à la compétence des farteurs qui entourent le groupe. C'est une équipe de quatre techniciens, un métérologue, aidés par les trois coachs et un kiné qui s’active chaque matin de course. Huit personnes placées sous la responsabilité de Gaël Gaillard, l’un des quatre techniciens, et chargées de respecter scrupuleusement un planning imaginé il y a quatre ans et optimisé il y a deux ans. « Tout est calé à cinq minutes près, explique le jeune homme de 32 ans. On sait qu’on ne doit plus rien rater et ne rien lâcher. A cinq minutes près, on peut se mettre dans le rouge et arriver en retard. Le timing est très important jusqu’au bout. »
Tellement important qu’un kiné intervient par talkie-walkie toutes les quinze minutes pour faire un décompte du temps, et indiquer aux techniciens leur marge de manœuvre. Quatre heures sont en effet nécessaires pour choisir un fart (voir encadré) et ainsi imaginer la combinaison magique de trois produits différents. Du coup, ce sont plus 100 000 combinaisons qui sont possibles. Pourtant, pendant que les Norvégiens et Suédois, notamment fonctionnent avec cinq ou six techniciens, les Français n’en ont embauché que quatre. Moins nombreux, mais mieux organisés. Un seul exemple : les coachs, Lionel Laurent et Stéphane Bouthiaux, ainsi que le directeur sportif, Christian Dumont, y vont de leur coup de main pour tester les skis pour un gain de temps estimé à 45 minutes.
25 kilomètres par jour
Mais avant de crier victoire et d’empiler les médailles, la joyeuse équipe a travaillé efficacement en amont des compétitions. Gaillard et sa troupe sont arrivés sur le site le 2 février, un jour avant l’ouverture des pistes. Pendant ce temps, ils ont effectué des reconnaissances météos avec le métérologue resté en France, ou encore imaginé plusieurs combinaisons. Des efforts qui ont payé. Comme lors du relais féminin, lorsque Marie Dorin skie quinze secondes plus vite que toutes ses concurrentes, alors qu’avec des skis similaires, elle perdait environ cinq secondes par tour sur les meilleures.
Après la course le travail n’est en tout cas pas terminé. « On a mis en place un système de note sur dix après les courses pour évaluer nos skis. On doit permettre à nos filles d’aller plus loin que leurs adversaires. On s’est mis neuf sur le relais des filles médaillé d’argent. » Ce Gaillard est donc non seulement un génie, mais également un grand sportif, contraint de se lever à 4h30 lors des compétitions. Ancien fondeur, il parcourt 25 kilomètres tous les jours en période de compétition à l’occasion de ses différents tests. La compétence n'est en tout cas pas cher payée. Le salaire de Gaël Gaillard s’élève à 2 200€ nets par mois. Il est en CDD renouvelable chaque année et avait été embauché il y a quatre ans pour 1 500€.
La journée type des préparateurs: une course contre la montre
H-4h
Le staff technique choisit les produits du jour (6 bases, 8 cera - une sorte de poudre - et 2 accélérateurs) en fonction de la météo et avec l’aide d’un météorologue basé à Bourg-Saint- Maurice.
H-3h30
Le staff applique les seize produits choisis sur des skis tests.
H-2h
Les entraîneurs, et c’est une spécificité française, usent - comprenez tournent sur le parcours - sur 3 km avec les seize paires de skis. Cette phase permet de voir comment vont vieillir les différents produits.
H-1h30
Le staff technique pré-sélectionne huit paires de skis « athlète », tournent avec et en sélectionne quatre. Les skies « athlète » sont ceux qui serviront pendant la course.
H-1h15
Le staff technique part avec son athlète et teste les quatre paires de ski restantes. Le skieur détermine ensuite la paire qu’il souhaite pour sa course. Cette paire est ensuite envoyée à la cabane des biathlètes français.
H-1
Le staff technique reprend les skis usés par les entraîneurs. Ils ont dix minutes pour choisir la bonne base, dix minutes pour la bonne poudre et cinq minutes pour le bon accélérateur. Pour cela, l’encadrement français tient sa formule magique.
Comment font-ils ? Plutôt que de tester une paire de skis, il teste deux skis différents à chaque pied. Il élimine au fur et à mesure le moins bon produit. Au feeling.
Quand ils ont trouvé la bonne base, ils donnent l’information en cabane. Un technicien applique la base choisie sur le ski de course. Il répète l’opération pour la poudre et l’accélérateur.
H-0h15
Tout est prêt pour le départ.