La météorite Beigbeder

Le serial entrepreneur a épinglé la candidature d'Annecy 2018 à son tableau de chasse. Pour quel résultat ? - -
Le patron de la candidature française est un fondu d’astrophysique. A ses heures perdues, l’entrepreneur de 47 ans, « timonier » d’Annecy 2018 depuis janvier 2011, phosphore sur la vitesse lumière, l’infiniment petit et les quasars… Charles Beigbeder aime l’inaccessible, et quand ça brille de surcroit, il fonce la tête la première. L’opportunité de naviguer dans la galaxie olympique ne pouvait le laisser de marbre. « Dans sa vie, il coche des cases, et passe à la suivante quand il pense avoir fait le tour de la question », raconte Ivan Roussin, ami de longue date, et collaborateur chez Poweo, le distributeur d’électricité lancé en 2002.
Avant les Jeux, ce fils d’un chasseur de tête béarnais et d’une traductrice poitevine, frère de Frédéric, a déjà coché plusieurs cases. Banque en ligne, électricité, loisirs, fonds d’investissements, agroalimentaire… « Il a du pif », dit de ce libéral Alain Weill. S’il a autant de casquettes d’entrepreneur que Shiva a de bras, Beigbeder a toujours su garder un pied en politique. Proche de Jean-François Copé, membre du Parti radical de Jean-Louis Borloo, jeune giscardien en 1981, l’homme a la politique pragmatique. « Il sait se rendre incontournable », reprend le patron de NextradioTV. La rosette de la Légion d’honneur, décernée par Nicolas Sarkozy en janvier 2008, consacre ce don d’ubiquité. A Annecy, et en Haute-Savoie, détenus par la droite, il est en famille.
Copé, Boyer, Arnault, la force d’un réseau
Toujours dans les bons coups, ce « réseauteur » hors-pair cultive la loyauté. Jean-François Copé, artilleur du chef de l’Etat, fréquenté dans les années 80 lors des soirées arrosées chez Castel qu’il partageait avec son frère et d’autres mondains ambitieux au sein du « Club des analphabètes cons mais attachants »… Bernard Arnault, actionnaire de Gravitation, la holding familiale de Beigbeder, habille en Kenzo (LVMH) la délégation d’Annecy à Durban. Lucien Boyer, patron d’Havas Sports & Entertainment, connu sur les bancs de Louis-le-Grand, qu’il retrouve sur les pistes du massif du Mont-Blanc.
C’est à l’occasion du Réveillon à Megève, que Boyer propose la succession d’Edgar Grospiron à son ami Beigbeder. « Il m’a répondu qu’il avait du temps, et qu’il était très excité », raconte le publicitaire. Chantal Jouanno donne son feu vert, soulagée après les refus de Killy, Drut, Borloo, Blanchard-Dignac (FDJ), Carron (ex-Crédit Agricole). L’homme providentiel lui est connu : il était pressenti pour être en deuxième position sur la liste UMP aux régionales 2010 à Paris, emmenée par la ministre des Sports, alors à l’Environnement.
Son côté serial entrepreneur agace
Le centre de gravité bascule d’Annecy à Boulogne, siège d’Havas. La communication est décapitée. « Il est resté redevable à Havas, le système était vicié », déplore un membre de la candidature, qui souligne que Beigbeder a attendu le 30 mars pour réunir ses collaborateurs. « Le local a été abandonné », déplore Bernard Accoyer, maire d’Annecy-le-Vieux, et président de l’assemblée nationale. Alors qu’il ne jure que par la promotion internationale, le nouveau patron doit interrompre un séjour avec le Medef International en Ukraine, où il a des intérêts céréaliers avec AgroGénération, pour regagner dare-dare le salon SportAccord à Londres. « Du temps perdu, que faisait-il à Kiev ? », s’indigne un membre de la candidature.
Ce côté serial entrepreneur agace d’autant plus que l’arrivée de partenaires tarde à se concrétiser. « On a un problème avec l’argent », admet Sophie Dion, conseillère Sports de l’Elysée. « Beigbeder est venu pour briller, Annecy 2018 était son cheval de Troie », clament ses détracteurs. « Son prochain objectif, c’est la politique », assure son ami Roussin. « Il est rayonnant, il a une capacité à mobiliser rare », note Thierry Courtaigne, patron du Medef International. « Il est soluble », conclut Roussin. Tout comme le nombre de voix attendues en faveur d’Annecy 2018, ce mercredi à Durban…