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"Sport et sécurité ne doivent pas s'opposer": un athlète olympique interpelle Lecornu pour empêcher un tennis de devenir une gendarmerie

Les courts de tennis du club de Talloires-Montmin

Les courts de tennis du club de Talloires-Montmin - Pierre Fraidenraich

Dans une tribune, le plongeur olympique Jules Bouyer s'adresse au ministre des Armées Sébastien Lecornu pour lui demander d'empêcher la destruction de courts de tennis dans sa commune de Talloires-Montmin, censés être remplacés par une gendarmerie.

Talloires-Montmin, village de carte postale niché entre lac et montagnes, incarne la quintessence du charme savoyard. Mais depuis quelques jours, ce havre de paix situé près d’Annecy et peuplé de 2000 âmes voit son quotidien bouleversé par un "match" local qui oppose sport et sécurité.

Le club de tennis de la commune est en effet menacé par un projet qui divise profondément la population. Celui-ci prévoit en effet la destruction de plusieurs courts pour libérer de la place pour la construction d'une gendarmerie.

Duel musclé entre élus et citoyens

Le 10 février dernier, la justice a ainsi suspendu un référendum explosif censé mettre au vote ce plan de réaménagement, privant ainsi les opposants de moyen de riposte. Un projet qui cristallise donc les tensions entre le maire et ses administrés, chacun campant sur ses positions.

Car celui-ci s'est transformé en véritable bataille rangée. D'un côté, le maire plaide pour une anticipation des besoins en matière de sécurité, invoquant une décision pragmatique et prévoyante. De l'autre, une partie de la population rejette fermement cette initiative, soulignant que la commune est loin d'être confrontée à une quelconque flambée de la délinquance. Les opposants mettent également en avant la possibilité d'implanter la gendarmerie à un autre endroit de la commune, interrogeant la pertinence de ce choix de sacrifier des infrastructures sportives très utilisées.

L'héritage des JO 2024 en question

Cette controverse intervient dans un contexte plus large: celui de l'après-JO 2024. Le budget présenté par le gouvernement Bayrou a ainsi été critiqué pour la baisse drastique des montants attribués au ministère des Sports, pointant du doigt la courte mémoire de l'exécutif qui vantait les mérites de la pratique sportive tout au long de cette année olympique. De nombreux athlètes olympiques, dont Teddy Riner, Léon Marchand ou Victor Wembanyama, ont ainsi fait part de leur inquiétude face au revirement budgétaire du gouvernement.

Dans une tribune, publiée intégralement ci-dessous, le plongeur olympique français Jules Bouyer, originaire de Talloires-Montmin, interpelle ainsi le ministre des Armées Sébastien Lecornu, l'implorant de reconsidérer ce projet.

"Il ne s’agit pas ici de remettre en cause l’importance d’une gendarmerie – bien au contraire. Mais il est évident que sport et sécurité ne doivent pas s’opposer. Supprimer des infrastructures sportives, c’est affaiblir la population, y compris ceux qui nous protègent. Gendarmes et citoyens ont besoin de ces lieux pour se préparer, se renforcer, se dépasser", explique l'athlète olympique, 5e en plongeon synchronisé aux Jeux de Paris 2024.

Une centaine d'opposants réunis

Ce vendredi, le collectif "Alliance des sports Talloires-Montmin" a présenté lors d'une réunion publique son contre-projet, prévoyant de transformer les terrains de tennis de Talloires-Montmin en un complexe multisports. Prévue avant l'annulation du référendum, cette réunion publique a tout de même été maintenue et a rassemblé une centaine de personnes, selon Le Dauphiné. Jules Bouyer a pris la parole à distance pour soutenir ce contre-projet, dont le financement s'appuierait sur des fonds privés.

Jules Bouyer, athlète olympique, à l’attention de M. Sébastien Lecornu, ministre des Armées

Jamais je n’aurais imaginé m’adresser à vous. Je suis un athlète, un champion, un homme de sport. Vous êtes un homme d’État, ministre des Armées. Nous n’avons pas le même maillot, mais nous avons les mêmes objectifs : l’engagement, l’effort, la discipline et l’excellence au service des autres.

Si je me permets de vous écrire aujourd’hui, c’est en tant que simple citoyen, mais aussi en tant qu’enfant de Talloires-Montmin, ce village de carte postale niché entre lac et montagnes, qui incarne la quintessence du charme savoyard. Mais depuis quelques jours, ce havre de paix situé près d’Annecy et peuplé de 2000 âmes, dans lequel j’ai grandi et où toute ma famille a évolué, se déchire.

La raison de cette fracture? La disparition programmée des Tennis de Talloires-Montmin, voués à être détruits pour laisser place à une gendarmerie.

Après une année olympique qui devait célébrer l’héritage du sport, il est triste de voir qu’il est déjà en train d’être sacrifié. Le sport, nous le savons tous les deux, est une école de la vie. Sans entraînement, sans rigueur, sans infrastructures adaptées, je ne serais pas devenu l’athlète que je suis. Et sans préparation physique et mentale, les gendarmes ne pourraient pas accomplir pleinement leur mission.

Nous le savons tous: nos gendarmes sont des champions. Ils le sont dans leur engagement, dans leur endurance, dans leur courage quotidien. C’est précisément pour cela que je ne peux pas imaginer que vous vous satisferiez de la disparition de notre équipement sportif. Vous n’empêcheriez pas nos enfants de s’épanouir par le sport, car vous savez à quel point il forge des individus solides, capables de relever tous les défis, y compris ceux de la sécurité.

Il ne s’agit pas ici de remettre en cause l’importance d’une gendarmerie – bien au contraire. Mais il est évident que sport et sécurité ne doivent pas s’opposer. Supprimer des infrastructures sportives, c’est affaiblir la population, y compris ceux qui nous protègent. Gendarmes et citoyens ont besoin de ces lieux pour se préparer, se renforcer, se dépasser.

Je ne prétends pas avoir la solution, mais je crois qu’il est essentiel de trouver une alternative. Parce que nous savons tous les deux qu’il existe des options qui permettraient d’assurer à la fois la sécurité et l’accès au sport. L’un ne doit pas sacrifier l’autre.

Je vous remercie par avance pour l’attention que vous porterez à cette alerte, portée par de nombreux habitants attachés à leurs terrains et à ce qu’ils représentent.

Respectueusement,

Jules Bouyer, athlète olympique

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