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Victor Conte : « Thanou était en contact avec Balco »

Conte à sa sortie du tribunal, San Fransisco, Juin 2004.

Conte à sa sortie du tribunal, San Fransisco, Juin 2004. - -

L’ex-cerveau du scandale Balco soutient le CIO dans l’affaire des médailles de Marion Jones, mais prédit que les mesures de lutte antidopage déployées pendant les Jeux de Pékin seront ineptes.

Victor Conte, le CIO a annoncé 4550 tests aux Jeux et une quarantaine de cas positifs. Qu’en pensez-vous ?
Le monde du sport a certainement changé depuis qu’a éclaté le scandale Balco en 2003. Je ne crois pas qu’il y a eu beaucoup d’effets aux Jeux d’Athènes en 2004, mais on peut dire que Pékin marque un tournant dans la lutte antidopage. Mais je pense qu’il y a toujours un nombre significatif d’athlètes qui utilisent des produits dopants. Ce qui se passe, c’est que les athlètes ont changé leur façon d’acquérir et d’utiliser les substances. Il est clair qu’on n’a pas recours à internet comme avant, avec des cartes de crédit et des envois à domicile. Aujourd’hui, les athlètes jouent au chat et à la souris avec les contrôleurs, en restant flous sur leurs lieux d’entrainements, en faisant en sorte que leurs téléphones portables soient saturés de messages, etc. Je suis convaincu qu’une grande majorité d’athlètes à Pékin, et notamment les médaillés, auront utilisé des produits ou des méthodes améliorant leurs performances durant l’année précédant les Jeux, durant leur préparation.

Précisément qu’elle sera le produit à redouter pour les instances de lutte antidopage ?
Indiscutablement l’EPO. Et ça pas uniquement pour les athlètes des disciplines d’endurance, mais pour toutes les disciplines. L’EPO n’améliore pas uniquement les performances en compétition en transportant plus d’oxygène. Il permet aussi de mieux récupérer des efforts à l’entrainement. Il y a beaucoup de type d’EPO aujourd’hui, qui ne restent pratiquement plus dans les urines (un jour maximum). Les tests de l’EPO sont manifestement inefficaces parce qu’on constate de nombreuses performances ces derniers temps complètement anormales.

La batterie de tests prévus sera inefficace ?
Absolument. Ces tests prévus pendant les Jeux sont plus des « tests de QI (Quotient intellectuel) » que des tests antidopage. Seuls les « cons » se feront piéger parce que la majorité des athlètes ne vont pas arriver aux Jeux avec des produits détectables en compétition ! Il faut être vraiment idiot pour se faire pincer. L’explosivité dont ont besoin les sportifs pendant les JO est développée d’octobre à décembre de l’année précédent les Jeux, c'est-à-dire 2007. Les athlètes utilisent les stéroïdes anabolisants en conjonction avec le renforcement musculaire. Il est curieux de constater que la fédération internationale d’athlétisme et les agences nationales réduisent leur nombre de contrôles le quatrième trimestre de l’année, qui est pourtant la période pendant laquelle les athlètes ont recours aux stéroïdes. Si l’on veut vraiment combattre le dopage, ça n’a aucun sens ! Soit, ils sont ignorants soit ils sont complices.

Le CIO prévoit des tests pour l’hormone de croissance, une méthode initiée à Athènes et améliorée depuis…
L’hormone de croissance permet de maintenir l’effet des agents anabolisants. Elle est prise en complément des stéroïdes durant la période hivernale. Mais les tests ne permettent de la déceler que trois jours après son absorption. Les annonces du CIO ne sont que de la propagande. 80% des contrôles doivent être pratiqués pendant la préparation.

Doit-on s’attendre à des scandales de dopage à Pékin ?
Il faudra regarder de près les nations qui n’ont pas d’agences antidopage indépendantes. A Athènes, seuls 24 des 208 nations participantes avaient ces structures. Tous les athlètes ne sont pas surveillés de la même façon durant l’année. Je pense particulièrement à la Jamaïque, aux Bahamas et à toutes les nations des Caraïbes.

Les sprinteurs jamaïquains Asafa Powell (9''82, cette saison) et Usain Bolt (9''72, détenteur du record du monde) sont-ils suspects à vos yeux ?
Oui, absolument.

Le début de ces Jeux est assombri par l’affaire de la redistribution des médailles de Marion Jones remportées à Sydney (1), et plus particulièrement du 100m féminin...
Aucune des autres athlètes (2) présentes à la finale du 100m de Sydney n’a subit la surveillance qu’a connu Marion Jones. Sans parler de filles spécifiquement, elles viennent de pays qui n’ont pas d’agences antidopage indépendantes. Ces filles sont très suspectes. Je ne peux pas le prouver, mais je crois que 100% des finalistes ont à un moment de l’année précédent Sydney eu recours à des produits dopants. J’estime que le CIO fait bien de prendre son temps parce que d’autres informations vont surgir. Les arguments de certaines filles qui se disent propres ou qui menacent de poursuite judiciaires ne sont pas recevables. Regardez Marion Jones ! L’histoire donne raison au CIO.

Le comité international olympique enquête pour savoir si des athlètes susceptibles de récupérer les médailles de Jones n’auraient pas été impliquées dans l’affaire Balco ? C’est notamment le cas pour la Grecque Ekaterina Thanou, son ancien partenaire Kostas Kenteris, et son ex-entraineur Christos Tzekos.
Le CIO regarde dans la bonne direction. Il faut chercher plus encore. Je n’ai pas eu de contact directs avec ce coach et ces athlètes grecs, mais d’autres qui étaient associés au laboratoire Balco ont été en relation.

Avez-vous eu des contacts indirects avec les Grecs par le biais du chimiste américain Patrick Arnold (3), concepteur de la THG, un stéroïde de synthèse au cœur du scandale Balco ?
C’est tout à fait possible.

Un entraineur grec du nom d’Andreas Linardatos (4) a affirmé être en contact avec vous ? Il prétend importer en Europe les compléments alimentaires distribués par votre société Snac.
C’est correct.

L’agent Jeff Novitsky des services répressifs du fisc américain a mentionné des contacts par emails entre vous et cet entraineur grec ?
C’est vrai.

Peut-on parler d’un système de dopage organisé impliquant les Grecs jusqu’à l’éclatement de l’affaire Balco en 2003 ?
C’est exact, mais il y avait déjà des échanges avant les Jeux de Sydney. Je n’étais pas directement impliqué, mais je savais que les Grecs et d’autres personnes étaient en contact. C’est dans cette direction que le CIO doit regarder.

Ces échanges concernaient des compléments alimentaires ou « plus » que cela ?
Probablement « plus ».

Vous avez rencontré Richard Pound, l’ancien et premier président de l’Agence mondiale antidopage, au mois de mars dans le but d’échanger des informations concernant la lutte antidopage…
J’ai passé 3 heures et demi avec Dick Pound au cours desquelles j’ai donné beaucoup d’informations. Mais je ne sais pas si ça servira à quelque chose, sachant que l’Agence mondiale antidopage sous-traite les enquêtes et les contrôles.

Avez-vous un avis sur le nouveau président de l’Agence, John Fahey ?
Il a publiquement déclaré qu’il préférait obtenir des informations auprès des médecins et des scientifiques, plutôt qu’avec moi ou Dwain Chambers (suspendu deux ans dans l'affaire Balco) qui s’est montré coopératif avec les autorités.

Vous préparez un livre pour la rentrée de septembre. Peut-on s’attendre à des révélations ?
Ce livre comportera des révélations explosives pour le public américain et pour le reste du monde. Je développe certaines choses que j’ai dis à Dick Pound, mais je vais également plus loin. Je démonte les arcanes d’un système de dopage organisé entre les athlètes, les entraineurs, les agents, les officiels du mouvement olympique. Je ne donne pas de noms. Les noms, c’est Dick Pound et l’Agence qui les ont.

(1) L'or des 100m, 200m et 4X400m ; le bronze de la longueur et du 4X100m.

(2) Les 8 finalistes du 100m dames à Sydney (2000) :
Marion Jones (EU) – Déchue pour dopage
Ekaterina Thanou (GR) – 1ère (11’12)
Tayna Lawrence (JAM) – 2e (11’18)
Merlene Ottey (JAM) – 3e (11’19)
Zhanna Pintusevich (UKR) – 4e (11’20)
Chandra Sturrup (BAH) – 5e (11’21)
Sevatheda Fynes (BAH) – 6e (11’22)
Debbie Ferguson (BAH) – 7e (11’29)

(3) Le chimiste américain Patrick Arnold a été condamné à 3 mois de prison par un tribunal de l'Etat de Californie, en août 2006, pour fabrication et distribution de stéroïdes anabolisants.

(4) L'entraineur grec dirige la société Elite Services qui importe des compléments alimentaires en Grèce. Linardatos avait affirmé avoir mis en relation la championne d'Europe 1998 au triple saut Olga Vasdeki avec le laboratoire Conte, mais avait nié avoir fair de même avec les athlètes Thanou et Kenteris.

La rédaction - Louis Chenaille