RMC Sport

Championnats du monde de Judo: Tcheuméo inoxydable et revancharde

Audrey Tcheuméo à Paris le 5 février 2023

Audrey Tcheuméo à Paris le 5 février 2023 - ICON SPORT

Audrey Tcheuméo revient au plus haut niveau à 33 ans.

A 33 ans, la native de Bondy a repris les rênes des moins de 78 kilos en France. Une renaissance pour l’ancienne reine de la catégorie. Inattendue mais tellement fidèle au personnage. A Doha, elle peut espérer de grandes choses. C’est elle qui a trouvé la métaphore en sortant de son cinquième tournoi de Paris remporté, début février: "Je suis un phénix." L’oiseau de plumes et de flammes qui renait de ses cendres. Le style Tcheuméo est toujours plus proche d’un destructeur à la Mike Tyson que d’un divin volatile mais dans la faculté à se réinventer, Tcheuméo voit juste.

Quand il s’agit de la faire parler de son cas, elle reste aussi insaisissable que le phénix: "Les dernières années je n’étais pas au top de ma forme. Je n’étais pas au niveau. C’était le trou noir total. Revenir comme ça c’est un bon début de comeback", déroule-t-elle. Deuxième au Masters puis en or à Paris puis Antalya, aucun doute elle est de retour. Son style est resté peu ou prou le même.

La doyenne

A ceci près qu’elle semble moins pressée d’en finir avec son adversaire. A son apogée, en une minute, elle lâchait la foudre rapidement. A contrario, plus les secondes s’égrenaient plus elle semblait perdre le fil. Avec le temps, et les défaites, elle a appris à mieux gérer ses émotions et à construire ses succès. Tcheuméo toujours destructrice oui, mais plus patiemment. Elle n’en a pas moins gardé son impressionnante force physique, socle de ses succès. Doyenne de l’équipe de France fille à 33 ans, elle est l’un des ciments de ce puissant groupe féminin. Juste avant le départ pour Doha, elle a organisé une séance photo pour toutes les judokas. Look "preppy" et pose pleine de défi. Le plein d’éclats de rire et de souvenirs avant la rudesse de la compétition: "J’essaye d’être là pour certaines personnes et que le groupe marche confie la judoka du RSC Montreuil. J’essaye d’aider comme je peux la nouvelle génération. J’aime bien ce rôle de transmettre et faire part de mon expérience. Romane Dicko (23 ans), Shirine Boukli (24 ans), ce sont des bébés."

A 33 ans, Audrey Tcheuméo a connu l’ancienne équipe de France avec Lucie Décosse, Gévrise Emane, Frédérique Jossinet. Comme Clarisse Agbégnénou, elle a participé à son premier Mondial en 2010 à Tokyo. Treize années plus tard, elle est encore là et c’est une rareté à ce niveau. Jusqu’à l’avènement de Madeleine Malonga au printemps 2018, elle n’avait laissé que des miettes aux autres moins de 78 kilos françaises. Dans ce laps de temps, Tcheuméo a conquis deux médailles olympiques (bronze 2012 et argent 2016), le titre mondial 2011 assorti d’un argent et d’un bronze supplémentaires, sans oublier quatre couronnes continentales. Monumental! Malheureusement, Madeleine Malonga a sonné la révolte et enchainé titre européen, mondial et argent olympique laissant Tcheuméo devant la télé pour les JO à Tokyo: "C’était dur. A la fois je m’y attendais, ce n’était pas une surprise. C’était dur de voir les autres combattre", avoue Tcheuméo pudiquement.

Les JO de Paris toujours en ligne de mire

"J’étais avec elle quand on n’est pas allé aux Jeux olympiques reconnait Marie-Eve Gahié, elle aussi doublée juste avant les JO. On a partagé beaucoup des pleurs. Pour la première fois de sa carrière senior, elle était à la maison sur des JO. Elle est passé par beaucoup de larmes, de remises en questions, de doutes. Avait-elle telle toujours confiance? Au fond d’elle elle a toujours voulu renouer avec la victoire. Comme moi elle partage une grande foi, elle s’y est accrochée pour revenir encore et encore." Gahié aime répéter pour son amie la sentence de Kylian Mbappé, un autre Bondynois comme Tcheuméo, "avec moi on ne parle pas d’âge". Personne atypique, plein de passions comme la mode. Fan de NBA et de football au point d’avoir veillé très tard, décalage horaire oblige, lors du stage au Japon pour suivre en live l’élimination du PSG face au Bayern Munich. Oiseau rare "Tchoumi" a été boostée par ses victoires à Paris et en Turquie. Elle qui rêve des JO à Paris pourrait se mettre en pole en cas de gros résultat ce vendredi à Doha. Au Qatar, elle sera l’une des favorites. Sur sa route, elle devrait croiser Shori Hamada, championne olympique et préparatrice physique des forces d’autodéfense de l’archipel, qu’elle vient de cadrer à Antalya. Deux titres mondiaux à 12 ans d’écart, ce serait fort. "Je kiffe chaque instant", sourit-elle. A Rio, en sortant du tatami après sa défaite contre l’Américaine Harrison en finale olympique, Omar Gherram, son coach d’alors lui avait glissé à l’oreille: "Tu as fait bronze à Londres, argent ici, la prochaine fois ce sera l’or." Il n’a pas eu de Tokyo. Ce sera peut-être à Paris que la prédiction s’accomplira pour le phénix de Bondy.

par Morgan Maury à Doha (avec Clément Brossard et AFP)