Décosse et Tcheuméo, deux sacrées Miss monde

Lucie Décosse - -
Même les machines à gagner pleurent. Elle, celle que le Japon nous envie, a encore réalisé l'exceptionnel avec la force du commun. A la classe d'une reine déjà légendaire, Lucie Décosse (30 ans), est venu s'ajouter la force de frappe de la jeunesse, celle d'Audrey Tcheuméo (21 ans), baby judoka déjà moissonneuse-batteuse de victoires. On disait de Cléopâtre que la face du monde aurait changé si son nez avait été plus long. La journée de Lucie Décosse a été totalement modifiée après un bon coup dans le pif lors de son deuxième tour. Du sang qui coule ? Rien de mieux pour vous relancer une Décosse stressée par ce Bercy qu'elle connaît pourtant si bien. « Si je n'avais pas pris un coup dans le nez, confie-t-elle, ça ne m'aurait pas fait d'électrochoc et j'aurais peut-être baissé la tête. A partir de là, je me suis dit qu'il fallait arrêter de réfléchir ».
Derrière, elle a tranché à coups de ippon toute la planète judo. En finale, la Néerlandaise Edith Bosch, qui s'était préparée spécialement pour ce match, a été prise à son propre piège. Pour l'une des rares fois de sa carrière, Décosse l'a jouée moche, le « win ugly » que les Anglais maîtrisent parfaitement en rugby. Au bout de cette journée, la Guyanaise a pris son troisième titre mondial. Personne en activité chez les femmes, à part la dopée Tong Wen, ne peut s'enorgueillir d'avoir le même CV. Mais bon, la légende, elle s'en tape. « La légende, pffff, souffle-t-elle. Peut-être que quand j'arrêterai ma carrière, je me dirai que j'ai écrit une page de la légende du judo». Dans sa catégorie, personne n'arrive à égratigner son auréole. Au rythme d'un combat perdu par an depuis 2008, elle avance trop vite pour ses adversaires. Londres n'est pour personne d'autre.
Arme atomique
Un quart plus tard, Bercy a versé dans un autre moment magique. Ceux qui ne pleuraient pas devaient être des robots au sang froid. Audrey Tcheuméo (-78kg), 21 ans, alias « El Fenomeno », une fille qui tapait encore le ballon il y a sept ans en Seine-Saint-Denis, a vitrifié la Japonaise Akari Ogata (ippon) sur un balayage spatial. Une force brute au service d'un judo sucré. « J'ai fait une journée assez dure, mais j'ai su me sortir les tripes, avoue-t-elle. Bercy, ça m'a donné des ailes. Tout le peuple français criait mon nom comme dans le film Gladiator ! Ca m'a donné encore plus envie de gagner avec la manière. Et dire qu'il y a 7 ans, je ne savais pas ce que c'était le judo… »
Tournoi de Tokyo, tournoi de Paris, championnats d'Europe et du monde : Tcheuméo a réalisé un incroyable Grand Chelem en l’espace de neuf mois. Comme son aînée, elle sera étiquetée favorite à Londres. « Je vais m'entraîner encore plus dur et devenir une machine de guerre », prévient-elle. Elle en est déjà une. Elle pourrait bien devenir une arme atomique comme un certain Teddy Riner.
Décosse, elle, c'est plutôt la discrète, la « vieille garde » des Bleues, celle qui n'a plus qu'une seule bataille à livrer, celle de Londres. Tcheuméo, la folie, un nouveau son qui tabasse. Bref, deux filles qui ont déjà pris le pouvoir et qui ne demandent qu'à étendre leur règne. Comme les Japonaises, les Françaises ont pris trois titres lors de ces Mondiaux. La compétition par équipes de dimanche semble déjà confisquée par ces deux nations. Le choc fait déjà mal aux os.