Emane de retour vers le futur

Intenable toute la journée, Gévrise Emane a réussi un exploit rare en remportant le titre mondial des moins de 63 kilos, quatre ans après celui obtenu en moins de 70 kilos. La Française revient au top après des saisons de tâtonnement.

Après sa défaite au premier tour, l’an passé, aux Mondiaux de Tokyo, Gévrise Emane avait glissé entre deux sanglots : « Paris sera pour moi ». Paris est aujourd’hui à elle, et le monde avec. La Camerounaise d'origine est une femme de rendez-vous et d'orgueil. Rapidement montée au sommet avec son titre mondial des moins de 70 kilos en 2007, puis tombée bien bas (défaite au 1er tour des JO alors qu'elle était favorite), elle a puisé dans ses échecs la force de redevenir une championne. Qui plus est dans une autre catégorie. Emane rejoint ainsi deux légendes de ce sport, Lucie Décosse et la Nord-Coréenne Kye Sun-Hui, seules femmes à avoir dominé la planète dans deux catégories différentes.

« C'est le goût du travail, de l'effort, du « je ne lâche rien » et aussi d'une grosse remise en question. Parce qu'après Pékin, je n'étais pas bien. Je ne savais pas si je voulais remettre un kimono. Quand je montais sur un tapis, je pleurais avant les combats. Je rasais les murs à l'Insep. Je n'étais pas bien du tout. » A l'Insep et en club, Gévrise Emane a fait un gros travail sur elle-même pour retrouver ses crocs de lionne : « Elle a passé un cap mental juge Martine Dupond, sa coach à l'Insep. Elle se dit clairement les choses, ses objectifs. »

Du terreau chinois

Selon Emane, le déclic a eu lieu lors des championnats d'Europe en avril à Istanbul. « Là, je me suis dis : « Ok, tu es championne d'Europe, donc les « Monde », c'est possible aussi. » Sur le tatami de Bercy, Emane a traversé son tableau comme une lame chaude dans du beurre tiède. Elle a notamment pulvérisé la Cubaine Espinosa qui avait sortie un paquet de ténors jusque-là. En finale, Emane a été la première femme à priver une Nippone de l'or dans ces championnats. Dans ce dernier combat, elle a muselé la frigorifique Yoshie Ueno. L'exploit n'est pas mince car jusque-là, seules les Japonaises battaient les Japonaises. Dans le terreau d'une défaite douloureuse à Pékin, Emane (29 ans) a peut-être laissé la graine qui la fera reine à Londres. La première fleur entrevue à Bercy a de quoi la rendre très optimiste.