RMC Sport

JO 2024: Christa Deguchi, la judoka la plus forte du monde en 57 kilos... qui a failli manquer les Jeux

placeholder video
Cador de la catégorie des -57 kilos, mais privée de Jeux olympiques à Tokyo, la Canadienne Christa Deguchi a cette fois décroché son billet pour les JO de Paris 2024, lors des Mondiaux à Abou Dhabi. Elle raconte à RMC Sport son soulagement, et ses ambitions estivales.

C’est la rivalité la plus terrible du judo mondial. Si la Fédération française a dû départager Margaux Pinot et Marie-Eve Gahié ou Madeleine Malonga et Audrey Tcheuméo, le Canada s'est lui retrouvé face à un immense dilemme, avec Christa Deguchi et Jessica Klimkait, numéros 1 et 2 mondiales des moins de 57 kilos.

Deguchi est double championne du monde, Klimkait une fois. L’une est brune, l’autre blonde, et leurs judos sont aussi opposés que leurs caractères. Comme il y a trois ans avant Tokyo, la qualification olympique s’est jouée lors des championnats du monde. Favorite en 2021, Deguchi s’était écroulée mentalement et physiquement face à l’enjeu. Un parcours qui avait ému beaucoup d'observateurs jugeant que le Canada avait privilégié Klimkait dans les critères de sélection. Ce lundi à Abou Dhabi, Deguchi devait atteindre la finale pour rester devant sa rivale. Allait-elle craquer une fois de plus? Non. Mission accomplie pour cette jeune femme qui vit au Japon, née d’une mère nipponne et d’un père canadien. Elle rate l’or à Abou Dhabi, battue par la Sud-Coréenne Huh Mimi, mais va disputer ses premiers JO à Paris.

RMC Sport a rencontré ce personnage du judo mondial, au charisme souriant et au judo somptueux. On lui a demandé si elle parlait français. "Québécois", a-t-elle répondu en riant, soulagée d'avoir renoué avec son destin.

Christa Deguchi, il y a cette médaille d’argent mondiale qui signifie la perte du titre conquis l’an passé, mais il y a la qualification pour Paris 2024 après l’échec il y a trois ans. Où sont vos sentiments entre ces deux opposés?

Premièrement, je ne suis pas contente. (Elle se reprend) Je suis contente de la médaille d’argent mais pas contente de ne pas avoir l’or. C’est un sentiment bizarre. En demi-finale, après ma victoire j’étais qualifiée pour les JO. J’ai d’abord senti du soulagement. Il y a une raison, si je n’ai pas gagné l’or. J’ai essayé de faire un reset dans ma tête. Oui, je vais abandonner mon dossard rouge de championne du monde mais pour aller chercher le dossard doré de championne olympique. C’est mon nouveau but et je vais essayer de faire de mon mieux.

Durant cette journée, avez-vous pensé à ce qu’il s’est passé il y a trois ans quand vous aviez perdu la qualification pour les JO?

Ce qui s’est déroulé aujourd’hui était plutôt similaire à ce qui a eu lieu lors des Mondiaux 2021 avant les JO à Tokyo (grande favorite, elle s’était écroulée en demi-finale puis dans le combat pour le bronze, laissant la qualification olympique à Jessica Klimkait). Aujourd’hui, j’ai eu la même adversaire en demi-finale qu’il y a trois ans, la Japonaise Momo Tamaoki. Il y a eu un traumatisme, c’est vrai. J’ai essayé de ne pas y penser. La dernière fois je pensais trop à la victoire et mon corps s’est raidi petit à petit. J’ai essayé de ne penser à rien aujourd’hui, de me concentrer sur chaque match. Ce serait mentir que je n’ai pas eu de pensées à propos de 2021. J’ai essayé de rester patiente et concentrée sur mon plan.

Qu’avez-vous ressenti lorsque la qualification olympique était acquise après la demi-finale?

Quand j’ai quitté le tatami je n’ai pas ressenti grand-chose. J’avais mal au corps et j’étais seulement contente de ma victoire, un sentiment normal. Puis j’ai parlé à Antoine (Valois-Fortier) mon coach et là j’ai réalisé que j’allais à Paris. Je ne pensais pas à gagner aujourd’hui, je ne m’y étais pas préparée. Alors j’ai pleuré, j’ai un peu pleuré. C’était un moment dramatique (sourire). J’étais heureuse d’un sentiment que je n’avais jamais connu.

Votre qualification se joue contre Momo Tamaoki. Vous l’avez affrontée il y a dix ans déjà en finale des Mondiaux juniors…

Je l’ai affrontée tellement de fois... Elle est plus vieille d’un an. Nous sommes de la même génération. Parfois j’ai gagné, parfois non. Je savais que ça n’allait pas être facile. A Budapest 2021, je n’étais pas préparée et j’avais perdu. Cette fois-ci j’ai essayé de penser différemment.

Etes-vous fatiguée mentalement par cette longue lutte avec Jessica Klimkait. Devez-vous digérer la sélection?

Je ne dirais pas fatiguée mentalement, mais du corps, car j’ai fait sept compétitions. J’ai besoin de repos. J’ai vraiment envie de combattre à Paris. Je suis prête, pas prête maintenant mais je sens la passion, l’excitation d’aller aux JO.

Vous pouvez être la première canadienne championne olympique...

Oui. J’étais la première championne du monde canadienne, je vais donner mon meilleur pour être la première championne olympique.

Propos recueillis par Morgan Maury, à Abou Dhabi