Judo: Angel Gustan, la divine surprise?

Champion de France cet automne avec une ceinture marron autour de la taille, le Martiniquais de 21 ans a surpris tout le monde en plus de 100 kilos. Après un arrêt de trois ans pour privilégier ses études l’étudiant ingénieur entend bien continuer brouiller les cartes dans la catégorie de Teddy Riner.

L’autoroute vers le succès n’est pas confisquée par quelques trajectoires classiques. Des talents dans les catégories jeunes qui continuent leur progression rectiligne vers les sommets seniors. Angel Gustan était hors radar en cadet avec "seulement" une 5e place aux championnats de France cadet, et absent en junior avant un déboulé façon dragster depuis quelques mois. Fin 2019, celui que ses amis surnomment "l’Ours" ou "le Vigile" a pris la douloureuse décision, sur conseil de ses parents, de s’éloigner du pôle espoir de Martinique pour privilégier ses études. Une pause de trois ans avec une séance hebdomadaire au club et pas mal de musculation avec les autres costauds de l’internat.

La détermination filtre dans la voix du judoka de Montpellier Olympic Judo: "J’étais trop concentré sur le judo. J’ai dit: «J’arrête le pôle pour rééquilibrer». Je me suis dit que je reprendrais une fois en métropole". Gustan n’a pas failli à sa promesse tout en gardant un pied dans les études. Il fréquente l’école d’ingénieurs EPF à Montpellier, en spécialité génie industriel et systèmes d’information. Cette pause jusqu’à la fin d’année 2023 a laissé Angel Gustan bloqué sur la ceinture marron. En 2019, il n’avait pas osé se présenter à l’examen technique pour obtenir la ceinture noire par peur de l’échec, a-t-il confié au magazine L’Esprit du Judo. C’est donc en marron qu’il a signé l’une des plus grosses surprises de l’histoire des championnats de France en remportant le titre.

"Quand je suis arrivé à Montpellier, on me disait: «Gros, ce serait bien si tu gagnais les championnats de France en étant ceinture marron». Je répondais non, que je n'allais pas y arriver". Prédiction ratée. Médaille d’or et ceinture marron, comme Romane Dicko par exemple. À Chalon-sur-Saône, il a mis 98 secondes pour déblayer tout son tableau. En finale, il punit le solide Amadou Meïté en 13 secondes sur un agile sasae-tsuri-komi-goshi, exécuté à la manière d’un léger.

"Mon prof m’a appris à bouger comme un léger"

La finesse, c’est la marque de fabrique du garçon de 1m97 pour 123 kilos. Son premier entraîneur au CAM Rivière-Pilote en Martinique, Miguel Marie-Françoise, lui a mis la passion de ce judo léché où il n’abuse pas de son physique: "J’ai toujours eu cette corpulence, mais j’ai toujours aimé le judo des légers. Je ne voulais pas finir en lourds. Je me disais que les lourds ce n’était pas amusant. Que des bras, pas de mouvement. Mon prof m’a appris à bouger comme un léger. Maintenant, je ne veux pas être trop lourd car je ne pourrais pas me mouvoir de la même façon".

Avec le même mouvement qu’en finale des France, il a déjà vitrifié un des grands noms du circuit mondial. Lors de la Ligue des champions par équipe de clubs, il a fait plonger l’Azerbaïdjanais Kokauri, 7e des JO 2024.

Modestie et appétit se mélangent dans la voix du tout récent ceinture noire au moment de monter sur le tatami de Bercy. En 2018, il était en tribune pour soutenir son ami Daniel Jean et voyait dans cette fosse aux lions un monde inaccessible pour lui. "Il faut être patient avoir une détermination et tout vient. Je suis ému d’être aux côtés de grands judokas que je vois sur les réseaux. Tout ça et le kimono France, ce n’est pas rien".

"Je veux juste écrire mon histoire"

Jusqu’où grimpera ce talent atypique? Lui répond qu’il vise tout. Pourquoi pas arracher une grosse sélection cette saison post-JO où Teddy Riner n’a pas encore repris le chemin de l’entraînement à 100%. Et Los Angeles 2028? "Je ne pense pas forcément à Teddy, je pense plus à moi. On me dit le futur Teddy Riner, je dis non je suis Angel Gustan. Quand il a été champion du monde, je faisais 5e des France cadets, je veux juste écrire mon histoire".

Ce dimanche devant les 15.000 spectateurs de Bercy, Gustan sera là où il ne s’imaginait pas sept ans auparavant. Sans classement international, il n’aura que du mastoc sur son chemin. Cet Angel a peut-être un petit ange qui veille sur son chemin.

Morgan Maury