Judo: "C’est la bagarre sur le tatami", en immersion dans le stage des Bleus au Japon

Il y a eu l’or de Joan-Benjamin Gaba en moins de 73 kilos et l’argent de Romain Valadier-Picard chez les moins de 60 kilos. C’est le super-léger qui vous prend dans ses bagages pour vous raconter son septième voyage au pays du judo entre longues séances de randoris et recherche personnelle de nouvelles solutions techniques.
Un départ anticipé
"Je suis parti sept fois au Japon et je n’avais jamais profité, je n’avais jamais pris le temps de visiter. Là, je sortais des Mondiaux, je me suis dit que pour une fois c’était possible. J’en ai profité pour monter le mont Fuji. C’était pour prendre un peu de vacances. De cette manière, je vais pouvoir me remettre du décalage horaire plus rapidement, commencer l’entraînement sans être fatigué par le jet lag. J’ai aussi commencé à m’entraîner un peu en avance. Je suis allé m’entraîner le vendredi et le samedi pour un début de stage le lundi. Ça me manquait le Japon. En plus, j’ai perdu contre un Japonais en finale des Mondiaux (Ryuju Nagayama). J’ai eu 2-3 semaines pour fêter ma médaille. On se concentre maintenant sur la suite, entamer par un stage au Japon c’est très bien. Je suis très content d’être là."

S’entraîner avec les Japonais
"Je ne sais pas s’ils savent (que je suis vice-champion du monde). Je crois qu’ils ne regardent pas trop les compétitions internationales. Il y a tellement de combats. On va dans des universités où l’on fait 15 randoris (combats d’entraînement) de 5 minutes à chaque séance. Il y a six ou sept moins de 60 kilos grand maximum à chaque fois. Personne ne va se précipiter. On sait qu’on aura le temps de s’affronter. Aucun ne me refuse. Ils sont tous très contents de faire avec moi et moi de même. Le premier jour, on est allé s’entraîner à Park24 (l’équipe d’une entreprise de gestion de parkings). Il y avait Naohisa Takato (champion olympique et multiple champion du monde), Ryuju Nagayama (médaillé olympique et champion du monde), Kenta Sekimoto (battu en finale du tournoi de Paris par Romain Valadier-Picard), Hayato Kondo (champion du Japon 2024 et 2025)… Puis on est allé à l’université de Kokugakuhin. Taiki Nakamura (champion d’Asie et médaillé mondial) est venu. Aujourd’hui, Takato est venu aussi. J’ai pu prendre tous les meilleurs japonais quasiment. Pour moi, ça se passe assez bien. C’est la bagarre sur le tatami. Je fais judo avec le sourire avec eux. On fait de grosses bastons et on se serre la main à la main à la fin. Ça peut être différent pour certains de mes camarades de l’équipe de France. Chacun fait comme il le sent. Je suis dans l’esprit de bien vivre cette rivalité. En dehors du tatami on peut être ami mais sur le tapis on cherche à battre l’adversaire."
Un stage pour souder le groupe?
"On rigole beaucoup. On passe vraiment de bons moments. On est assez grand maintenant, on est mature. Ça crée un groupe mais le groupe est là depuis qu’on est junior. On a tellement souffert lorsqu’on était jeune. Le ciment, il n’y a pas besoin d’en rajouter une couche. Ce n’est pas le fait de souffrir maintenant qui apporte la cohésion. La cohésion est déjà là et elle va durer dans le temps. Evidemment ce genre de stage permet d’entretenir les relations. On mange tous les jours ensemble. On n’a pas forcément le temps à l’année puisque chacun rentre chez lui. Ça entretient plus que ça ne crée. Du lundi au samedi on s’entraîne tout le temps. Il n’y a pas vraiment de moment de plaisir. C’est judo, manger, dodo. J’aie aussi avoir ma petite tranquillité. Par exemple, ce dimanche, les autres sont allés faire les magasins. Je n’avais pas envie d’aller au centre de Tokyo. On s’est un peu séparé et on s’est retrouvé le soir pour manger. Le dimanche, c’est chill, chacun fait sa vie, ça fait aussi du bien. Je suis allé me balader au bord d’un fleuve. Je n’avais pas envie d’aller au centre-ville, on prend déjà beaucoup les transports. Par exemple, pour la séance technique, on partait à 8h45. Il y a une heure de transport à l’aller et encore une heure au retour. J’ai pris un vélo, j’ai fait un petit tour de vélo, au bord du fleuve, je suis aussi allé voir un jardin japonais."
Sa recherche technique
"Quand je suis parti en août et en septembre 2024 j’étais parti dans l’optique de construire mon judo, de faire du manche-revers (une façon de tenir le judogi), pour m’améliorer dans ce judo manche-revers (le judo typique des Japonais). Là c’est différent. Je viens plus dans l’optique de progresser pour battre spécifiquement les Japonais. Je développe un judo un peu plus atypique. Je viens faire un peu de corps-à-corps, je vais sur des techniques que je n’ai pas l’habitude de faire pour arriver à battre ces Japonais qui aujourd’hui me font barrage pour aller chercher la plus belle des médailles. Je fais des choses un peu différentes que ce que je travaille d’habitude: morote inversé, kata-guruma (des mouvements d’épaule). Je viens pour chercher de la nouveauté et pas pour renforcer les capacités que j’ai déjà. Je ne suis pas dans l’idée de faire un jeu de dupes. Les prochaines compétitions sont dans assez longtemps. D’ici six mois j’aurai le temps de développer de nouvelles choses. Pour l’instant je suis sur ‘aller chercher des solutions sur les Japonais’. Eux comme moi on fait de vrais beaux combats. On fait notre judo. Si je fais quelque chose très bien et que je trouve une solution sur eux j’arriverai à leur mettre même s’ils savent que je le fais."