
Judo: "Paris 2024 ? La meilleure façon de terminer ma carrière", annonce Axel Clerget

Axel Clerget - AFP
RMC Sport: Axel Clerget, ça fait un qu’on ne vous a pas vu en compétition. Que s’est-il passé ?
Axel Clerget: Ça fait presque un an et demi que je n’ai pas combattu en moins de 90 kilos. Ça faisait long. Je suis impatient de reprendre ce week-end. Ça va être super. J’ai eu une opération après les Jeux lympiques. J’étais revenu pour combattre à Paris en moins de 100 kilos (défaite au 1er tour). J’avais peu d’entraînement, on ne va pas se mentir. C’était surtout pour être devant le public et s’éclater à Paris. Ensuite, je me suis préparé mais au moment de la reprise de la compétition en mai j’ai eu une blessure improbable, une fracture du cartilage qui protège le larynx. Rebelote en septembre au moment de reprendre, j’ai eu une fracture du pied. Voilà pourquoi je suis absent depuis un an et demi.
Vous n’avez jamais pensé arrêter après ces blessures à répétition ?
Il y a eu un moment où je me suis posé la question d’arrêter, après la deuxième fracture. Ça n’a duré qu’une soirée. Après, j’étais reparti dans ma rééducation. Je n’ai tout simplement pas envie de finir sur une mauvaise note comme ça et l’envie de participer aux JO de Paris 2024 est forte. Participer à ces JO devant mon public, devant mon fils, c’est une envie forte. Je me sens encore avec beaucoup d’armes. La fin de carrière a été compliquée avec le Covid, les bulles sanitaires, les salles sans public, le fait de ne pas pouvoir profiter des pays quand on est à l’étranger… Mais aussi des blessures qui ont été difficiles comme une pubalgie qui a nécessité 40 minutes d’échauffement avant un entraînement puis 1h de soin après… Je voulais refaire de la compétition avec la notion de plaisir et pas avec toutes ces contraintes.
Le fait qu’il n’y ait que trois ans entre les JO de Tokyo et ceux de Paris a joué dans votre décision de repartir jusqu’en 2024 ?
Ça change tout de n’avoir que trois ans. Si cela n'avait pas été Paris je n’aurais pas continué. Parce que c’est à la maison, j’ai envie de porter les couleurs devant notre public, dans cette ambiance qui va être complètement dingue. C’est la meilleure façon de terminer une carrière je pense.
En votre absence, ça a beaucoup bougé en moins de 90 kilos avec l’émergence de Maxime-Gaël Ngayap Hambou, Loris Tassier et Alexis Mathieu.
C’est normal et tant mieux. Je reste patriote. Ca m’embêtait qu’il n’y ait pas de judoka français qui pousse derrière moi qui a 35 ans. Ouf et c’est tant mieux. D’un point de vue personnel, ça me fait plus de concurrence et je vais devoir aller chercher le niveau que j’avais avant. Si je reviens au niveau des podiums mondiaux comme je l’ai fait en 2018 et 2019 (3e) je pense que je serai devant sauf s’ils font l’équivalent. Le meilleur partira et ça sera un beau représentant pour la France quoi qu’il arrive aux JO.
Vous êtes redescendu au classement mondial des moins de 90 kilos avec une 82e place. Il faut vite remonter au classement ? Il y a un sentiment d’urgence pour être dans les qualifiés directs pour les JO ?
Je ne suis pas du tout dans cette stratégie-là. J’ai montré que je savais être performant le jour J. A mon âge je ne pourrai pas courir 15000 lièvres dans l’année. Je devrai taper fort sur les compétitions que je choisis. Je ne peux pas faire 6 ou 7 hautes performances dans l’année pour être haut dans les classements comme on peut le voir. Ce n’est pas quelque chose qui est bien pour la santé mentale et physique des athlètes et encore moins à mon âge. J’ai montré que je savais décrocher une médaille aux championnats du monde sans être tête de série. C’est de nouveau ma mentalité.
Pas trop déçu de reprendre sur le tournoi du Portugal et pas au tournoi de Paris une semaine plus tard ?
C’est un choix de l’encadrement qui souhaite que l’on reprenne plus progressivement. Cette compétition au Portugal présente un niveau quand même très fort. Et il y a la politique de ne pas mettre au tournoi de Paris ceux qui n’ont pas participé aux championnats de France. Malheureusement je n’y étais pas car j’étais blessé. C’est une grosse amertume pour moi. J’aime beaucoup ce public français. J’aurais vraiment aimé à être à ce tournoi de Paris où je me serais éclaté. Ca aurait été la reprise idéal. C’est un choix difficile à accepter pour ma part. Je suis obligé de faire comme ça. C’est mon chemin pour revenir à des choses plus sympathiques.
Vous avez 35 ans mais ces longues périodes de blessures vous ont laissé une forme de fraîcheur ?
C’est aussi quelque chose que j’aime entretenir. J’avais décidé de faire un long bloc de travail après les JO. C’est quelque chose que je cherche cela me permet d’avoir de la fraîcheur mentale. J’ai de l’excitation de reprendre. Quand certains vont fatiguer dans l’olympiade, j’arrive avec plein d’envie. Pour moi il y a des potentiels d’énergie. J’ai pu profiter de mon fils. Il est venu avec moi à l’étranger par exemple. Maintenant, je vais être plus focus sur la préparation des Jeux et accepter certaines absences.
Vous auriez pu ranger le judogi et commencer votre métier de kinésithérapeute. Vous avez d’abord discuté avec votre compagne avant de repartir pour ce dernier tour ?
Ca s’est fait d’un commun accord. Je n’ai pas annoncé que je repartais pour Paris 2024 sans en avoir parlé avec ma compagne. Il y a des avantages dans le haut-niveau. On part souvent mais en France on peut être plus disponible à certains moments. On a dit ok on repart mais on repart différemment. L’an passé je suis parti en stage au Brésil à mes frais. J’ai emmené la famille avec moi. Sur les dix premiers jours, on a passé des vacances, je me suis un peu entraîné. Ils sont repartis en France et moi j’ai continué sur un stage international. Il faut innover, changer sa façon de s’entraîner et j’ai intégré la vie de famille là-dedans.
Avec Guillaume Chaine et Teddy Riner, deux autres judokas de votre génération, vous avez parlé de ce dernier défi, de pousser une dernière fois ?
Les papys font de la résistance (rires). Oui on en parle, c’est beau et bien qu’on soit plusieurs comme ça. On a les mêmes problématiques familiales, physiques. Parfois les mêmes envies d’un fonctionnement différent après 15 ans à l’Insep. On se l’est dit. On a envie d’aller à Paris 2024. On a vécu quelque chose d’incroyable au Trocadéro en rentrant de Tokyo. On va combattre de l’autre côté de la Tour Eiffel en 2024. On a envie de faire quelque chose de dingue. C’est un pari qu’on s’était fait avec Teddy et Guillaume. On est prêt à le faire.