Judo: portée par sa foi, Gahié a retrouvé la lumière

Un regard prolongé vers le plafond du Budokan après sa clef de bras sur la Portugaise Barbara Timo et un "merci mon Dieu" lâché dès son arrivée aux micros, après son titre mondial 2019 à Tokyo. Trois mots récurrents dans ses discours d’après-compétition. Marie-Eve Gahié est un cas rare. Très peu d’athlètes affichent leur croyance autour des tatamis, dès la fin des combats. Championne planétaire à 22 ans, à un an des JO, la voie semblait toute tracée pour la judoka du PSG.
Le Covid d’abord, puis Margaux Pinot, sont venus dans ses pattes la priver du voyage à Tokyo en 2021: "Quand on vit un échec comme celui que j’ai vécu avec ma non-sélection pour les Jeux Olympiques de Tokyo, il y a tout une remise en question, se remémore Gahié sur le tatami de l’Insep. Tu as plein de doutes qui te traversent l’esprit. Ces doutes, c’est le contraire de la foi. Sans ma famille et ma foi, je ne serais pas revenue en quête d’autres titres et d’autres médailles."
"Les gens peuvent penser que je dors, mais en fait je prie"
Envoyée aux championnats du monde 2021, comme lot de consolation, elle s’incline d’entrée alors qu’elle est tête de série numéro 1. La tête ailleurs. Elle pleurera beaucoup d’avoir raté la sélection olympique. Avec sa mère, qu’elle définit comme "sa meilleure amie", Gahié fréquente l’Impact centre chrétien à Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne), une église évangélique. Jigoro Kano, le fondateur du judo, était très croyant, fin connaisseur des écrits bouddhiques. C’est son voyage en Europe qui l’a transformé. Il y a vu la domination du laïc sur le religieux.
Les Géorgiens ont l’habitude d’être bénis par un prêtre avant les grands rendez-vous. Les Japonais vont prier ou laisser un vœu dans un grand temple de Tokyo avant de grimper dans l’avion. En compétition, Marie-Eve Gahié a le culte au fond de la poche, dans le smartphone. Sur des applis ou par visio, elle rattrape le culte et participe aux célébrations avec le pasteur resté en Angleterre. "Parfois je vais avoir besoin de me retrouver toute seule dans un couloir, je peux aussi m’isoler toute seule sur le tapis. Les gens peuvent penser que je dors mais en fait je prie", décrit-elle.
En quête d’un deuxième sacre mondial
Dans les victoires comme dans les défaites, les explications ne sont pas que spirituelles, il y a une tactique qui n’a pas fonctionné, une position de main incorrecte sur le judogi de l’adversaire: "Quand je perds, je me dis qu’il faut dire merci en tout temps. Je dis ‘merci mon Dieu’. Un jour, on perd, un autre jour, on gagne. Peut-être que nos défaites d’hier nous permettront de mieux savourer nos victoires demain, c’est ce que je compte faire." 2022 nouvel an, nouvelle Gahié. Résurrection? La Parisienne a conquis le titre européen à Sofia en avril. Le judo, c’est remettre le métier sur l’ouvrage. Refaire une technique 10.000 fois: "Il y a des passages de la Bible sur les échecs et la manière de se relever, mais l’important, c’est de travailler sa foi et de méditer dessus. Comme pour toute chose, de voir ce qui a marché et pas marché pour améliorer le futur."
On lui a découvert de nouveaux tours dans sa manche. Des mouvements d’épaule placés debout malgré sa haute taille (1,75m) et ces liaisons debout-sol, socle de son titre mondial 2019, de retour. Pour préparer Tashkent, la moins de 70 kilos coachée au PSG par Nicolas Mossion et Florent Urani s’est étalonnée en Autriche avec une deuxième place et des mouvements de jambe de retour. Elle est remontée au 4e rang mondial. Margaux Pinot (7e) est toujours là. La Besançonnaise avait d’ailleurs accompagné Gahié sur le podium en 2019 (3e). Une petite odeur de Tokyo 2019 dans la Gahié 2022: "Gagner ce deuxième titre, j’y pense tous les matins".