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Judo: Valadier-Picard, le kid pressé

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Troisième en moins de 60 kilos vendredi à Budapest, Romain Valadier-Picard incarne le présent et l’avenir d’une catégorie en plein renouveau en France. A 19 ans, il mène aussi avec brio des études d’ingénieur. Il pourrait déjà s’inviter aux Mondiaux en Ouzbékistan en octobre.

Le sort est taquin. Ou terrible. Cédric Revol, médaillé de bronze aux championnats d’Europe au printemps, était pesé, prêt à en découdre dans le tableau des moins de 60 kilos et à afficher ses progrès. Un test antigénique a ramené le judoka de Blanc-Mesnil dans sa chambre d’hôtel à 100 mètres de la Laszlo Papp Arena, laissant Romain Valadier-Picard seul tricolore dans la catégorie des super-légers. Le junior a levé le doigt. D’un maître tai-otoshi (mouvement de barrage avec la jambe) il a claqué le Kazakh Narbayev (ippon) sur le tapis vert fluo pour ciseler sa deuxième médaille en Grand Chelem après celle de Paris 2020 (3e aussi), un tournoi "Covid"

"Ça fait plaisir, ça récompense tout le travail, se réjouit-il. On s'entraîne tous pour avoir des médailles, aujourd'hui je l'ai. Celle de Paris compte mais c'était un peu en demi-teinte parce qu'il n'y avait pas tout le monde. Aujourd'hui j'avais à cœur de m'affirmer sur un vrai Grand Chelem, fort. C'est ce que j'ai fait aujourd'hui, je suis content."

Des Mondiaux séniors au programme ?

En tribune, une seule supportrice française, sa mère Claire, lançait des ‘Allez Romain’. Elle dresse le portrait de son fiston : "Il est super sérieux, très compétiteur depuis les compétitions enfant. Il est besogneux, travailleur. Il n’est même pas prétentieux, il est gentil. Parfois, il est un peu autoritaire quand même", concède-t-elle.

Valadier-Picard est repéré depuis longtemps. Dès les cadets, son style fluide a accroché les regards avec ce profil pas commun. Il a empilé les titres en U18 et maintenant en junior où il est champion d’Europe et médaillé mondial. Dans un mois, il sera à Guayaquil en Equateur pour essayer de conclure en beauté sa carrière jeune avec l’or planétaire. Son planning pourrait grossir si la semaine prochaine, la Fédération française décide de l’envoyer en Ouzbékistan pour les championnats du monde senior. Ce qui ne serait pas une surprise. Les 500 points glanés à Budapest vont le ramener dans le top 25 de sa catégorie et enclencher la quête de qualification pour Paris 2024 : "Les Mondiaux seniors, ce serait la cerise sur le gâteau, appuie le garçon. Les Mondiaux juniors sont un objectif, l'année dernière j'ai fait troisième, cette année j'ai envie de gagner. Mais c'était important de m'affirmer en senior, montrer que je suis là, qu'il ne faut pas m'oublier."

Le judo... et les études de haut-niveau

Valadier-Picard a commencé le judo à 6 ans parce qu’il n’y avait plus de place au tennis, son premier sport, après son déménagement à Boulogne-Billancourt. Si rien ne semble impossible à ce petit gabarit, qui semble encore frêle face aux combattants de l’Est bien plus musculeux, il mène aussi en parallèle des études de haut-niveau : "Il était dans un lycée normal, avec horaires aménagés. Je l’ai pas mal aidé pour qu’il puisse continuer à faire des études, c’est important pour moi car il a du potentiel aussi dans les études. Je ne voulais pas qu’il lâche et il ne lâche pas", rappelle sa maman.

Après un bac mention très bien en 2020, Valadier-Picard est en deuxième année de l’Esilv, une école d’ingénieur située à La Défense. Major de sa promotion en première année, il fait les allers-retours quotidiens avec l’Insep où il a sa chambre seul, depuis son entrée en 2019. Une demande de sa mère pour qu’il puisse travailler tranquillement. Ce maître de l’organisation essaye de se garder un peu de temps pour ses potes et sa petite amie. Mais pas question de lâcher du lest sur les études à mesure qu’il grimpe dans les étages du judo : "Tout le monde y pense à Paris, aux JO. Je pense que faire des études ça m’apporte aussi un équilibre, qui me permet de sortir un peu du judo. Réussir mes études et gagner à Paris, c’est un défi qui me motive."

Chez les seniors, son profil ressemble à celui de Romane Dicko, médaillée olympique, triple championne d’Europe, qui continue de s’asseoir sur les bancs de sa fac de mathématiques. Valadier-Picard doit encore s’étoffer physiquement sans perdre ses qualités de déplacement et de vitesse. Il va aussi être de plus en plus étudié par les gros poissons des moins de 60 kilos. Sans oublier, le retour en fin d’année de Luka Mkheidze, médaillé de bronze aux JO, victime d’une rupture des ligaments croisés lors d’un stage en Mongolie. Et Cédric Revol qui aura d’autres occasions de prouver sa valeur. Le judo des moins de 60 kilos respire bien en France. Pays qui attend toujours un médaillé mondial dans cette catégorie depuis Philippe Pradayrol en 1991.

Morgan Maury, à Budapest