Le grand Normand

Ugo Legrand - -
Toujours droit comme un i, Ugo Legrand a l'allure de ces guerriers qui attendent impatiemment de se lancer dans la bataille. Regard haut et fier, il semble comme habité par ce judo qui coule dans ses veines. Normal, avec une telle famille. Son grand père, Francis, a en effet créé le dojo de Grand-Quevilly dans le sous-sol de sa maison. Son père, Rodolphe, a failli être international. Et son frère, Paco, est un technicien et un professeur de qualité. C'est vers eux et sa copine que sont d’ailleurs allées les premières pensées d'Ugo en sortant du tatami, ce mercredi à Bercy après à son succès couvert de bronze sur le Kazakh Ibragimov. Mais si son père le construit, c’est Orléans qui le polit sous la patte de Daniel Fernandes, vice-champion du monde 2003: « On a la même sensibilité au niveau judo, sportif, détaille Fernandes. Il aime le judo. Il entrevoit sa progression à travers le plaisir pris lors de l'entraînement. »
Pour décrocher une médaille, il en fallait du culot pour aller planter en plein coeur le Coréen Wang ki-Chun, l'assassin royal, l'un des rois du judo (double champion du monde et vice-champion olympique) en huitième de finale: « C'était lui ou moi », résume Legrand. Après ce succès déjà d'anthologie, le Normand n'a rien manifesté, sachant que d'autres batailles devaient être remportées. Il a ensuite résisté à une clef de bras en quart de finale, avant de céder à la décision en demi-finale: « Je n'étais pas suffisamment bon. Je ne méritais pas la finale. Cette couleur de médaille me convient plus », dit-il avec lucidité. Complètement effondré après ce revers, il a pu compter sur le soutien de tous ses coéquipiers et même celui de Benjamin Darbelet, ami mais rival dans la course vers Londres, pour se reprendre et terminer en bronze.
Délices en rotations
Issu de la même génération que Teddy Riner, il a, comme son ami, pris tous les titres possibles en jeune. Benoit Campargue, entraîneur de l'équipe de France masculine, disait à son arrivée en senior, que Legrand avait le même potentiel que le colosse guadeloupéen. Le temps lui donne raison. Si les premiers pas ont été hésitants, Legrand, garçon toujours souriant, s'est évertué à respecter tous les temps de passage: 3e des championnats d'Europe 2010, 7e des Mondiaux 2010 et maintenant, ce bronze. Il avait le talent, il a rajouté de grosses charges de travail ces derniers mois, et notamment sur la prise de garde. Même s'il est un peu moins varié techniquement que par le passé, chacun de ses mouvements en rotation est un délice. Sa médaille débloque le compteur français et ne fait que des heureux. Sauf Benjamin Darbelet qui se trouve désormais dans une position très délicate en vue des JO 2012. « On y va pour l'or », prévient Fernandes. Londres l'appelle et il faudra être fort pour le dévier de sa route.