MMA : Ronda Rousey, la superstar adorée d’Hollywood et détestée du judo

Ronda Rousey - DR - The New Yorker
La dichotomie des regards raconte le grand écart. Si dur et foudroyant face à l’adversaire. Si doux et souriant devant un objectif. « Rowdy » Ronda Rousey cultive sa double vie en double personnalité. Grande gueule et anti-héros. Mais pôle d’attraction. Ronda Rousey, 28 ans, est la plus grande superstar du sport que vous ne connaissez pas. La championne bantamweight (poids coq, limite à 61 kg) de l’Ultimate Fighting Championship, principale organisation professionnelle de combats de MMA (arts martiaux libres) diffusée dans plus de 120 pays mais toujours interdite en France, a été élue « athlète féminine de l’année » par ESPN en 2014. Son bilan professionnel en MMA ? 10-0 avant de défendre son titre contre Cat Zingano ce samedi à Los Angeles, sa Californie natale, à l’occasion d’un pay-per-view centré autour de sa lumière.

Huit victoires par soumission sur des clés de bras, sa spécialité, deux par TKO et KO, un seul combat au-delà du premier round. Un total de 1’22 pour ses deux dernières apparitions. La domination façonne la légende. Le reste la transporte. Blonde, forte, langue bien pendue, Rousey avait tout pour pénétrer la pop culture US. Réussi. Eminem la cite dans une chanson. Hollywood la courtise : des rôles dans Expendables 3, Fast and Furious 7 et Entourage, d’autres à venir. Reebok ou les jeans Buffalo David Bitton en ont fait leur égérie.
Elle a posé en maillot de bain en couverture de Maxim et pour l’édition 2015 du célèbre numéro spécial de Sports Illustrated. Le New Yorker lui a consacré un grand portrait l’été dernier. Son autobiographie coécrite avec sa soeur sort en mai prochain. Ses apparitions en PPV offrent à l’UFC certains de ses meilleurs chiffres. Avec entre 4,5 et 5 millions de dollars en 2014, Forbes la place dans le top 15 des sportives les mieux rémunérées de la planète.
Formée "à la dure"
Lorenzo Fertitta, l’un des propriétaires de l’UFC, résume : « Elle est l’athlète la mieux payée de l’histoire des sports de combat ». Un constat qui ramène à l’actualité du judo. A l’annulation des championnats d’Europe 2015 prévus à Glasgow pour cause de sponsoring noué par la British Judo Association avec l’UFC. Car Rousey représente tout ce que les instances du judo international abhorrent et combattent. L’esprit et les belles valeurs de leur sport olympique contre l’appel des méchants dollars du violent MMA. Avec l’Américaine en exemple pour leur faire peur.
Fille d’AnnaMara De Mars, championne du monde en 1984 à Vienne, une première pour le judo américain (hommes compris), Ronda va suivre les traces de sa mère à 11 ans. Formée « à la dure » par sa génitrice, qui n’hésitait pas à la réveiller par une clé de bras pour lui apprendre à toujours rester sur ses gardes, la jeune fille passe n°1 US à 16 ans. Championne du monde junior 2004, elle participe la même année aux JO d’Athènes en -63 kg. Montée en -70 kg, elle remporte en 2007 l’or des Jeux Panaméricains et surtout l’argent mondial, battue en finale par la Française Gévrise Emane.

Première Américaine médaillée olympique en judo
L’année suivante, en bronze à Pékin, elle devient la première Américaine médaillée olympique en judo. Elle pense à repartir pour quatre ans, objectif Londres 2012. Mais va dire stop. Malheureuse au centre d’entraînement national dans le Massachusetts, victime comme beaucoup du « syndrome du vide » après les JO, elle ne supporte plus la balance gains-sacrifices : « Pour la plupart des athlètes olympiques, rien n’est mis en place une fois l’objectif atteint. Pour ma médaille, on m’a donné quelques milliers de dollars et une poignée de mains. »
Après hésitation et petits boulots, elle opte pour le MMA en mai 2010. Ses talents de judoka vont y faire fureur. Premier combat pro en mars 2011. Victoire en 25 secondes, payée 800 dollars. En juillet 2012, alors championne bantamweight de l’organisation Strikeforce, son nu caché en couverture du Body Issue (spécial corps) de ESPN The Magazine fait exploser sa popularité.
Rousey : « J’en avais marre de vivre avec des cafards »
Dana White, président de l’UFC qui avait toujours refusé les combats féminins, succombe à l’attraction. Il crée une division autour de Rousey à qui il décerne la ceinture. Il n’a jamais regretté : « C’est la plus grande star que l’UFC n’a jamais eue. » Ronda non plus : « J’en avais marre de vivre avec des cafards et de manger des légumes surgelés. Je ne combats plus gratuitement. Je l’ai trop fait. » Elle continue de souffrir. De se lever à 4h15 lors de la préparation d’un combat pour enchaîner les heures d’entraînement.
Mais celle qui adore endosser le rôle de la méchante pour mieux vendre ses combats - elle a refusé de serrer la main d’une adversaire à qui elle avait déjà envoyé doigts d’honneur et insultes - et aspire à découvrir un jour le monde du catch professionnel a quitté l’espoir olympique pour assurer son avenir. Dans une cage qui sied à ses aspirations comme à sa personnalité de feu. « Elle a souvent voulu mettre des coups de poing aux judokas, s’esclaffe l’un de ses entraîneurs, Edmond Tarverdyan. Maintenant, elle peut le faire. »

Emane : « Elle gagne, elle s’éclate. Si en plus elle gagne de l’argent, tant mieux ! »