Paris, terre hostile

Teddy Riner pourrait retrouver Daiki Kamikawa en demi-finale - -
Ils rêvent tous de se pavaner sur la place de Paris avec sa tête au bout d’une pique. « Je veux faire chuter Teddy Riner », ose même le colosse nippon, Daiki Kamikawa, comme il nous le confiait ce week-end. Teddy n’est plus the kid, il est le boss, et son scalp vaut son pesant d’or dans la touffeur de Bercy. Tout le Far West veut faire chuter l’icône à un an de Londres. L’an passé, Kamikawa avait réussi pareille sensation sur les tatamis des Mondiaux de Tokyo. Mais « le Commandeur Riner » a bien failli ne pas être à l’heure au rendez-vous de Paris. La faute à un ligament de l’annulaire explosé au mois de juin. S’il a repris l’entraînement judo il y a 15 jours, la face de la planète pourrait changer à cause de ce petit bout de doigt.
« Dans ma tête, la défaite n’existe pas, insiste-t-il. Mais elle fait partie de la vie d’un sportif. Je ne veux pas que ça m’arrive à Paris. Je vais tout faire pour ne pas perdre. Mais il ne faut pas se louper. » Le contexte international sera plus relevé que jamais. Avec la possibilité d’engager 2 athlètes par pays et par catégorie, et la localisation à Paris, les tableaux seront dantesques. Il faudra se faire sa place au milieu de 60 adversaires en moyenne… et jusqu’à 95 en moins de 73 kilos ! A domicile, on voit difficilement comment Riner ne pourrait pas devenir le judoka masculin le plus titré de l’histoire avec 5 couronnes planétaires. Mais il ne faudrait surtout pas réduire les chances des Français au plus massif d’entre eux. Les garçons avancent masqués comme l’an dernier. Mais à Tokyo, il avait fait sensation avec 5 médailles. Sofiane Milous (-60kg), David Larose (-66kg), Ugo Legrand (-73kg), Benjamin Darbelet (-73kg), Romain Buffet (-90kg) sont dans le peloton des médaillables face aux belles mécaniques brésilienne, coréenne, russe et forcément japonaise.
La première armée du monde
Ces Mondiaux doivent également être ceux de la femme. Les Bleues sont la première armée bis du monde. Cette saison, Lucie Décosse (-70kg), Gévrise Emane (-63kg) , Audrey Tcheuméo (-78kg) et les autres sont allées braconner sur les terres des invincibles Nippones. Décosse est d’ailleurs la seule non-Japonaise à être numéro un mondiale d’une catégorie. La Guyanaise flotte au-dessus de la mêlée. Déjà double championne du monde et sept fois vainqueur au Tournoi de Paris (record) sous le dôme de Bercy, elle veut conquérir la capitale en pensant aux JO Londres. « J’ai fait des erreurs qui m’ont coûté des médailles et maintenant, je n’ai plus envie de laisser de breloques aux autres », prévient-elle.
Après ses 6 médailles à Tokyo (2e nation), la France doit monter en grade avec 8 voire 10 médailles dont au moins 2 titres. Le dernier jour, consacré aux équipes, donnera la touche finale à ces Mondiaux. Rêver grand et moissonner fort sera le meilleur moyen de se mettre dans les meilleures dispositions à un an de Londres. Malgré la pression de l’événement, la fournaise du 12e arrondissement a historiquement assuré de belles récoltes. En 1997 à Bercy, la France s’était approché à une médaille du maître japonais. On remet ça ?
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Douillet : « A la maison, ça rajoute du piment »|||
Samedi soir, David Douillet ne fera peut-être plus partie du cercle des hommes les plus titrés en championnats du monde. Dépassé par Teddy Riner. Mais nous n’y sommes pas encore. Douillet a deux or olympiques (un bronze pour Riner) et il s’était imposé lors des derniers Mondiaux organisés à Paris en 1997, grâce à un succès sur son vieil ennemi, Shinichi Shinohara. « Quand un championnat a lieu en France, pour un athlète, gagner dans son pays c’est extraordinaire, se souvient-il. J’ai eu la chance de le faire en 1997 ». Lors de ces Mondiaux, la France (9 médailles) s’était approchée à une médaille de bronze près du Japon. Un exploit jamais répété. Les Bleus avaient alors ramené quatre titres grâce à David Douillet, Marie-Claire Restoux, Séverine Vandenhende et Christine Cicot. Avec Teddy Riner, Lucie Décosse et Gévrise Emane, une si belle moisson peut se répéter. « J’espère que les Français feront aussi bien, poursuit l’actuel secrétaire d’Etat aux Français de l’étranger. Ce qui est bien dans cette difficulté d’évoluer à la maison, c’est que ça rajoute un peu de piment. Ca embellit l’histoire, ça fait que c’est un championnat à part. Ça vous mobilise beaucoup plus. Il faut le positiver dans ce sens-là et pas dans l‘autre ». A Tokyo l’an passé, la France avait récolté 6 médailles dont 2 en or contre 23 pour le Japon (10 en or).