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Agnel : « Je suis encore plus motivé qu’avant »

Yannick Agnel

Yannick Agnel - -

Devenu double champion olympique en 2012, Yannick Agnel visera de nouvelles médailles d’or en 2013, aux Mondiaux de Barcelone. A 20 ans, le Français a l’avenir devant lui. Il s’annonce radieux.

Yannick, si vous deviez garder une image, une photo, de cette année 2012, laquelle choisiriez-vous ?

La semaine des Jeux. Mais ce n’est pas la photo de cette année, mais la photo de plusieurs années. Ça faisait tellement de temps que j’attendais ça, tellement de temps que je m’entraînais pour ça, qu’au final c’est génial. C’est tellement génial. J’étais tellement surpris par les résultats tout au long de l’année que je ne changerais rien du tout. Après, une image particulière, je dirais à la fin de mon 200m et à la fin du 4x100m. Les mêmes images où tu es totalement secoué, où tu ne sais plus où tu es… Tu viens de réaliser ton rêve, ton objectif, l’objectif que tu voulais depuis toujours. Et là, tu savoures. Tu savoures simplement. Je me rappelle les visages de Clément (Lefert), d’Amaury (Leveaux) et de Fabien (Gilot) à l’arrivée du 4x100 et ça, c’était mémorable. Clément qui, pendant 20 secondes, perd complétement le contrôle de lui-même, c’était fou ! (rires)

Et un souvenir marquant hors du bassin ?

La petite discussion avec Michael Phelps était quand même sympa. J’ai trouvé que c’était un joli clin d’œil. Juste à l’arrivée du 4x200m, c’était un beau geste et puis quand ça vient de Monsieur Phelps, c’est encore plus cool. On venait de se faire laminer par les Américains, on finit deuxième à je ne sais pas combien de temps, alors que certaines personnes fondaient plus d’espoirs sur le 4x200m que sur le 4x100m. Je sors de l’eau, je suis content mais je suis un peu dépité quand même. Et à l’arrivée, il vient me voir et il me dit : « J’ai vu ton 200m et pour moi, ça fait partie des cinq plus belles courses de l’histoire de la natation ». C’était vraiment cool.

Qu’est-ce qui a changé dans votre vie ?

Rien. Rien du tout. Je suis toujours pareil. Je suis ravi d’avoir accompli ce qui peut se faire de mieux pour un sportif de haut niveau. C’était quand même mon objectif depuis toujours et je suis ravi que ce soit fait. Je pourrais quitter le monde de la natation un jour en me disant que voilà, j’ai réalisé quelque chose de bien. Mais sinon, ça n’a rien changé de particulier. Je n’ai pas l’impression d’avoir pris la grosse tête. C’est simplement l’environnement qui change : le regard des gens, des personnes, qui nous arrêtent dans la rue, le regard des autres nageurs en compétition. Et ça, c’est marrant de pouvoir en jouer encore plus. J’ai toujours fait un peu d’intox, mais comme ce n’est pas naturel chez moi, c’est plus un jeu que de l’intox pure.

Et les sollicitations se multiplient. Ce n’est pas trop dur à gérer ?

Non, mais ça, on y prend du plaisir parce que ça s’insère au milieu de périodes d’entraînement assez lourdes. C’est un mauvais jeu de mots, mais ça nous permet de sortir la tête de l’eau de temps en temps.

La reprise n’a pas été trop difficile ?

On pensait que trois semaines, ce serait court. Et déjà, si on est champion olympique, on peut se poser la question : « est-ce qu’on continue à nager ? » Mais en fait, on est encore plus motivé qu’avant. On se rend compte à ce moment-là qu’il reste encore une tonne de défis à relever, il reste encore des objectifs qu’on n’a pas encore réalisés et qu’on aimerait pouvoir faire. Je sais en tout cas que ces championnats du monde de Barcelone (19 juillet au 4 août 2013), j’aimerais bien les réussir. Et les réussir, ça voudrait dire glaner un titre. Ce serait vraiment génial. Ou même plusieurs s’il faut (rires).

Votre statut de champion olympique vous met peut-être aussi une pression supplémentaire…

J’en fais fi. Ça ne change rien de particulier mis à part le regard des autres et ça, ça joue plutôt en ma faveur. Mais ça ne me met pas de pression particulière, ou alors je n’y prête pas attention. 

Comment avez-vous géré l’après-médaille d’or ?

Pour l’instant, ça va, je pense qu’on l’a géré de la bonne manière. Maintenant, ce qui a été plus compliqué à gérer quand on a été champion olympique, je pense que c’est le côté médias, sponsors, etc… Ça demande plus de journées, plus d’investissement et du coup moins d’entraînement. C’est vrai que ce côté disparate est un peu compliqué à gérer. Mais heureusement je suis bien entouré avec un entraîneur (Fabrice Pellerin de l'Olympique Nice Natation), avec Sophie (Kamoun), mon agent. Tout ce passe à merveille et tout est géré de la meilleure des manières. Mais effectivement, c’est ce côté-là qui peut être un écueil.

D’un point de vue économique, vous avez aussi changé de monde ?

Pas outre-mesure. On n’est pas au niveau des tennismen ou des footballeurs. Mais c’est bien, parce que ça nous permet de vivre notre passion pleinement, tranquillement. Et ça, c’est l’usage premier de l’argent que je pourrais récupérer de mon sport. Pouvoir durer, effectuer ma carrière en me disant que je peux nager en ne pensant qu’à ma passion, le temps qu’elle durera. Ce qui, en natation, est déjà vraiment pas mal. Après, c’est vrai que quand on est champion olympique, ça va au-delà de ça. Et si ça peut nous permettre d’avoir un petit pécule pour la suite, c’est encore mieux. Mais mon argent, je le mets de côté parce que je n’en ai pas l’utilité. Je suis quelqu’un de très simple, j’ai des goûts très simples. Et si je peux m’acheter un bouquin de temps en temps, un jeu vidéo de temps en temps, ça me va. Je serais plutôt fourmi que cigale.

Vous avez l’image de quelqu’un qui détonne dans le monde de la natation. Pourquoi ?

C’est mon côté un peu suranné. J’ai l’impression parfois de l’être par rapport à ma génération. J’aime les vieilleries, je suis assez nostalgique des choses que j’ai vécues ou même que je n’ai pas vécues. Mais je ne sais pas d’où ça me vient. J’ai toujours été un peu à côté de la plaque de toute manière. Ce n’est pas quelque chose que je cultive de manière consciente. C’est naturel. J’ai toujours été comme ça, curieux de tout et dans tous les domaines. Quand j’ai commencé à lire, j’ai commencé à lire des trucs de mon époque : Lulu, Le club des cinq, etc… Et puis mon père m’a rapidement mis entre les mains un bouquin de science-fiction avec les éditions Fleuve Noir. Les vieux bouquins que tu pouvais trouver à un ou deux francs chez ton libraire. Je trouvais ça sympa de pouvoir trouver dans chaque époque, la quintessence du moment. Forcément, dans un milieu comme dans la natation, ça détonne peut-être plus qu’ailleurs.

Et vous n’avez pas peur que cela passe parfois pour de l’arrogance ?

Non. Mais ça pourrait être le cas. Tu ne peux pas empêcher quelqu’un de ne pas aimer ta manière d’être et ta façon d’agir.